Donald Trump, le « spectre du déclin » ou la stratégie du chaos ?

Dossier du mois

Siré SY, Ecrivain, Président du think tank Africa World Wide Group

Notre ami Trump : pas si fou que ça !

Pour se faire élire, Donald Trump a fait campagne en promettant le « plein emploi » surtout à la classe moyenne et à la classe laborieuse des « Whites Anglo Saxons Protestants ». Une fois élu, Trump se rendra compte que dans bon nombre de secteurs d’activités économiques, les USA sont fortement concurrencés et dépassés. Dans les domaines des technologies numériques, Israël, la Nation start-up, a ravi la vedette à la Silicon Valley. Le potentiel, la promesse et le futur des innovations technologiques et numériques se jouent à Tel-Aviv et à New Delhi.

 Dans le domaine de l’industrie automobile qui fut, jadis, un des trépieds de l’économie étatsunienne, la montée en puissance de la Chine et de l’Inde et la forte et agréable présence des Européens (France, Allemagne, Angleterre) sur les marchés porteurs (Afrique, Asie du Sudest et Amérique latine), font que l’industrie automobile américaine est un peu descendue de l’autoroute pour prendre la route. Dans le domaine de l’aéronautique civile, l’Europe a complètement transformé le marché et ses chaînes de valeur dans l’industrie aéronautique s’étendent dans les quatre coins du globe.

Dans le domaine de la Haute Finance, c’est toujours Londres et sa City, qui reste et demeure la capitale mondiale de la Finance.

Dans le domaine des ressources minéralières (pétrole, gaz et minerais), la Chine est en train de rafler, au nez et à la barbe des USA, les blocs pétroliers et gisements gaziers les plus prometteurs et les réserves minières les plus révélatrices. En somme, les USA ont cessé, depuis 2000, d’être la superpuissance mondiale et sont devenus une puissance mondiale parmi tant d’autres. Toutefois, s’il y a encore un secteur d’activité où les USA sont encore le leader incontesté, c’est bien dans le secteur de l’armement. Et c’est là où Donald Trump n’est pas si fou que ça.

Trump, un fou malin

 Le Président américain, dans sa stratégie de relancer l’économie américaine par le biais du secteur de l’armement (ce qu’il est en train de réussir soit dit en passant), installe, volontiers, un climat mondial de terreur, d’insécurité, de presque guerre imminente. Chez Trump, le but de la manoeuvre est d’amener les Etats ciblés, à se réarmer. Comment ? En passant commande à l’Oncle Sam. Quand Trump désigne l’Iran comme la capitale de son axe du mal, c’est pour dire à l’Arabie saoudite de se réarmer pour ne pas perdre son influence et son poids dans la région du Golf. Quand Trump provoque et menace la Corée et Kim Jong-Un, c’est pour dire au Japon et certains pays d’Asie du Sud-est, de se réarmer pour parer à toute éventualité.

 Mais voilà, Trump et les USA sous Trump, n’iront jamais en guerre ni contre l’Iran, ni contre la Russie encore moins contre la Corée du Nord. Il souffle le chaud mais il boit du froid. Il clignote à gauche pour passer à droite. Trump, c’est le leadership de la diversion et de l’imprévisibilité. Et c’est là où réside l’originalité de Trump chez qui tout est calculé d’avance.

Trump et Nous, Trump « l’Africain »

 Le fait est suffisamment rare pour ne pas être signalé : les 54 pays africains représentés à New York, ont condamné avec fermeté et d’une seule voix, les propos inqualifiables de Donald Trump dans lesquels il a qualifié des nations africaines, Haïti et Salvador de «pays de merde». Ces propos ont été tenus lors d’une réunion avec des sénateurs, à la Maison Blanche, sur l’immigration.

Cette condamnation unanime a été obtenue après une réunion de quatre heures, à l’issue de laquelle le groupe des 54 ambassadeurs africains s’est dit « extrêmement choqué » par les remarques « scandaleuses, racistes et xénophobes » de Donald Trump. Le groupe a également exprimé sa solidarité au peuple haïtien et à tous les autres peuples qui ont été dénigrés.

Pour retrouver dans le passé, une telle unanimité dans les positions défendues par l’Afrique, il faut probablement remonter aux négociations sur le climat pour relever des faits probants qui témoignent de l’émergence d’un leadership politique africain plus affirmé. Le fait le plus connu est la position africaine unifiée sur les changements climatiques défendue lors de la Conférence de Copenhague, en 1992. Les dirigeants africains avaient développé une position reflétant les préoccupations de tous les pays africains. Ce qui avait conduit, en son temps, à la création d’une plateforme africaine historique sur le climat.

Chez notre ami Trump, et depuis toujours pour les USA, l’Afrique n’est pas une priorité dans leur politique étrangère, orientée vers l’Asie et le Moyen-Orient. L’Afrique n’est pas vue, perçue et considérée comme un acteur de la globalisation mais simplement comme un enjeu de la mondialisation. L’enjeu des Autres.

Don Quichotte ou Donald Quichotte ?

 « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennentelles ici ? », se serait interrogé Donald Trump. Comme il est dit dans le Boja Yoga : « La connaissance sans le pouvoir n’est qu’une plaisanterie ». Mais qu’arrive-til quand on a le pouvoir sans la connaissance ?

Trump est entré en politique à 72 ans. A la différence d’un Reagan, l’actuel président des Etats-Unis fait du cinéma sans être acteur de cinéma, pour savoir parler avec nuance, prudence et ambivalence.

 Chez Trump, la vérité est dans les apparences telles qu’elles se présentent dans leur immédiateté et leur quotidienneté. Il pense que le monde commence et se termine aux USA comme le poisson dans un aquarium pense qu’il est dans l’infini bleu de la mer.

Trump n’est pas raciste comme il le dit et on peut le croire sur parole. L’homme disait en marge de la 72e session de l’AG des Nations unies que « L’Afrique a un potentiel exceptionnel pour les affaires. J’ai beaucoup d’amis qui vont dans vos pays pour essayer de devenir riches. Je vous en félicite. Ils dépensent beaucoup d’argent. (…). Et pour les entreprises américaines, c’est vraiment devenu un endroit où elles doivent se rendre, elles veulent s’y rendre ». Seulement Trump est Président de la première puissance mondiale sans aucun passé politique. Il n’a jamais été candidat auparavant donc sans expérience. Il n’a jamais servi sous les armes et n’a aucune connaissance des équilibres fragiles du monde. C’est un businessman qui fonctionne en politique comme on fonctionne en business. D’où la confusion totale des espaces (publics et privés). Ou alors le monde de l’économie globalisée, ce monde de totalité et de morcellement, n’aurait-il pas aussi besoin d’un leadership fou pour faire avancer les lignes ? A la différence des autres, quand on est Trump, on balance à tout va, des inepties blessantes, des propos débiles et désobligeants. Il a une culture des clichés du 19e siècle, un goût prononcé pour les formules réductrices et, surtout, un sens fou des jugements à l’emporte-pièce. Et tout est dans la réponse de la Secrétaire générale de la Francophonie, Michaelle Jean, qui rétorque « que Donald Trump se souvienne que son pays s’est construit par la sueur, le sang et la force d’hommes et de femmes arrachés à l’Afrique ».  

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