Dossier du mois : Rétrospective

Dossier du mois

2016 : nous avons vu les hommes tomber

Valérie Morales-Attias Ecrivaine, journaliste chroniqueuse

 Je m’en veux beaucoup mais ne comptez pas sur moi pour dresser ici un bilan géopolitique de l’an­née écoulée. Pas même vous donner des nouvelles de l’économie mondiale qui donne des signes d’affai­blissement, toujours inférieure à 3%, m’a-t-on dit, mais vous lirez ici bien plus compétent que moi. Pourtant, cette année 2016, j’y étais, avec vous, et sans même nous concerter, politique ou pas, nous sommes souvent tombés de haut…

D’abord à Casablanca. Ce 31 décembre, pendant que j’écrivais ces lignes, mon smartphone me rappelle à l’ordre. Ne pas oublier ce soir-là d’honorer ce ren­dez-vous organisé par de bonnes âmes. « Ils veillent sur nous, veillons sur eux. » Tel était le message inscrit sur mon écran. Eux, ce sont les policiers, les Renseigne­ments généraux, les brigades spéciales cagoulées, les militaires, etc. Eux, qui ne boiraient pas de café jusqu’au lendemain matin car ils seraient dans nos rues, fusil au poing pour notre sécurité.

Je ne pouvais m’empêcher de penser aux miens. A mes enfants prêts à la fête à Bordeaux que j’imaginais déjà, à une heure du matin, chantant dans le tramway… et cette peur secrète pour eux, pour la catastrophe possible dans l’un de ces tramways. Sale année de la peur de tous pour nos enfants en cette nuit-là, en toutes celles passées et en celles à venir.

2016 s’est achevée et c’est tant mieux, garce d’année, pensions-nous, anticipant ces paquets de gâteaux reconnais­sants que nous distribuerions cette nuit-là aux forces de l’ordre. Garce d’année qui a vu mourir quelques sales per­sonnes mais aussi encore plus d’innocents. Nous n’avons pas attendu 2016 pour voir les hommes tomber en Syrie mais c’est bien en 2016 que nous les avons vus, presque 3 millions de ces mêmes civils errants par le monde sur les routes du hasard et de l’infortune.

A côté de ces inconnus, nous avons vu tomber quelques figures emblématiques. Entendu virtuelle­ment le dernier soupir du camarade Fidel Castro, le 19 novembre dernier, probablement dans son lit. Son frère Raul, 85 ans, concluant son allocution mortuaire d’un cri post révolutionnaire « Hasta la victoria siempre ! » Ainsi se sont éteintes 50 ans d’intransigeance. Et sous le rêve inachevé, un bilan cubain en état critique.

Ailleurs, ça tombe aussi. La mondialisation de l’éco­nomie de marché ne tenant toujours pas ses promesses, la prospérité démocratique rate tous ses rendez-vous. Moribondes les ambitions humanistes du vivre-en­semble, l’année 2016 s’est illustrée par les crispations identitaires et le succès des partis d’extrême droite en Europe comme aux Etats-Unis. Ne parlons pas ici de M. Donald Trump car les surprises sont toujours possibles, n’est-ce pas ? Enfin, surtout les mauvaises.

Les sales surprises nous viennent aussi du côté des artistes. Cette année, la pop music nous a sévèrement lâchés, scène où l’on meurt plus souvent que sous les projecteurs rock’n roll. C’est inex­plicable. David Bowie, la merveil­leuse icône glam, Maurice White, fondateur de Earth Wind and Fire, Prince, le roi du funk sensuel, Georges Mickael, et aussi Léonard Cohen, le mélancolique de génie. Ils nous ont eus par surprise, coups au coeur de notre jeunesse un peu partie avec eux.

Vous me trouverez bien triste car comme vous, je n’ai pas aimé 2016, je ne m’y suis pas sentie à l’aise, ni heureuse, ni comblée. J’ai espéré des événements qui ne sont jamais arrivés, de belles idées qui n’ont pas été suivies, des matins plus brillants qui ne se sont pas le­vés. Mais rien n’est perdu.

Pour toutes ces funestes raisons, je nous souhaite vite une nouvelle année. Une 2017 enfin lumineuse pour tous.

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