Dr.Lamrabet appelle à une lecture « réformiste » du religieux pour une nouvelle approche de la question des femmes en Islam

La Directrice du Centre d’études et de recherches féminines en Islam au sein de la Rabita Mohammadia des Oulémas, Dr. Asma Lamrabet a appelé, dimanche à Montréal, à une lecture « réformiste » des textes religieux pour opérer une nouvelle approche de la question des femmes en Islam, à même de concilier foi et émancipation.

« Pour sortir de ces impasses idéologiques contemporaines, il devient important aujourd’hui de tracer une troisième voie, celle où les droits des femmes sont compatibles avec un référentiel religieux revisité à partir d’une lecture réformiste à même de concilier foi et émancipation », a affirmé Mme Lamrabet, auteure de plusieurs ouvrages sur l’Islam et les droits universels des femmes, lors d’une conférence organisée par le Centre culturel marocain « Dar Al-Maghrib » et l’Institut musulman de Montréal, sous le thème « Islam et femmes : une vision réformiste ».

Selon la conférencière, cette troisième voie propose de nouvelles alternatives de relecture du religieux vécu comme une « spiritualité libératrice ».

Mme Lamrabet a soutenu que cette lecture réformiste doit passer par une déconstruction de l’histoire politique de l’Islam à même de replacer l’égalité, le pluralisme et la justice comme des idéaux spirituels incontournables de la religion.

Pour cela, a-t-elle souligné, il s’agit de « déconstruire la lecture traditionaliste, laquelle est longtemps restée sous l’emprise d’une lecture politisée et doctrinale et opérer une nouvelle approche de la thématique femmes et Islam », ajoutant qu’il faudrait aussi ne plus extraire des versets de façon isolée, comme il a toujours été le cas, mais plutôt de replacer cette thématique dans son cadre normal originel qui est celui d’une vision spirituelle de l’ensemble de l’humanité.

Selon l’oratrice, c’est ce qui permettra de mettre en évidence quatre dimensions essentielles que la lecture traditionaliste n’a pas tenu en compte : la dimension éthique universelle, la dimension humaniste où l’humain est au centre de toute la spiritualité, la dimension égalitaire discernée à travers de nombreux concepts et versets complètement égalitaires, et la dimension socio-conjoncturelle.

Après avoir rappelé que la question des femmes en Islam est une question centrale au sein des débats contemporains aussi bien au sein des pays majoritairement musulmans qu’en Occident, Mme Lamrabet a indiqué que cette question touche à des valeurs aujourd’hui incontournables comme la démocratie, les droits humains et l’égalité hommes-femmes.

Elle a précisé que la majorité des affirmations « discriminatoires » envers les femmes dans la pensée islamique globale ont été plus le produit d’une exégèse et jurisprudence islamique classique que celle des Textes scripturaires à proprement dit.

Reconnaissant que le travail effectué par les anciens théologiens musulmans est certes important et incontournable comme source de savoir historique, Mme Lamrabet a, cependant, insisté qu’il ne peut en aucun cas être considéré comme une vérité absolue et immuable, voire même comme dans certains cas être sacralisé.

Elle a, ainsi, affirmé que ce genre de discriminations légitimées par le religieux fait que la question des femmes en Islam « continue d’être prise en étau entre une islamophobie internationalement médiatisée et le patriarcat culturel avéré des sociétés musulmanes ».

Toutefois, a-t-elle reconnu, il est possible aujourd’hui d’initier ce travail de réforme de la pensée musulmane et d’élaborer une nouvelle approche, notamment sur cette question des femmes, citant l’exemple de l’expérience du Maroc dans plusieurs domaines, notamment la réforme du code du statut de la famille en 2004, la réforme de la Constitution qui a établi l’égalité hommes-femmes et toutes les réformes du champ religieux, outre le grand travail entrepris par la Rabita des Oulémas du Maroc.

Et Mme Lamrabet de conclure que pour que cette vision réformiste soit possible, il est essentiel de commencer par la question de l’éducation à travers laquelle il faudrait transmettre les valeurs socles de l’éthique musulmane, à savoir celles de la justice, du respect de la diversité religieuse et de l’égalité en droits entre femmes et hommes.

De son côté, M. Abdollah Lkahya, le chargé d’affaires à l’ambassade du Maroc à Ottawa, a souligné que le Royaume, sous le leadership de SM le Roi Mohammed VI, a été pionnier en matière de réforme du champ religieux, en œuvrant à promouvoir l’islam modéré et une politique préventive contre la radicalisation, qui implique des réformes juridiques, sociales et religieuses, affirmant que le Maroc a développé les fondamentaux de sa politique religieuse en harmonie avec ses choix politiques, économiques, institutionnels et des droits de l’Homme, sans contradiction avec les principes fondamentaux de la religion.

M. Lkahya a indiqué aussi que le Maroc a pris ces dernières années plusieurs mesures pour promouvoir l’égalité des sexes et s’est employé à intégrer les considérations de genre dans toutes les politiques publiques, ajoutant que ces mesures ont été couronnées par l’adoption de la Constitution de 2011 qui a consolidé ces acquis et consacré le principe d’égalité homme-femme, tout en respectant les fondements de la religion musulmane.

Pour sa part, M. Patrice Brodeur, professeur agrégé à la faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal, a souligné la pertinence de la thématique soulevée et débattue, mettant en relief l’importance et la complexité de la question des femmes en Islam, devenue au centre des débats contemporains dans les différentes sociétés musulmanes et occidentales.

Il a, aussi, relevé l’importance du traitement de cette question selon une approche pluraliste, basée sur de multiples composantes qui doivent être perçues comme complémentaires les unes des autres, loin des méthodes traditionalistes, relevant le rôle essentiel que doivent jouer les leaders politiques et religieux, les intellectuels et les acteurs médiatiques pour lutter contre toute idée réductrice du statut de la femme en vue de promouvoir la compréhension inter-spirituelle et interreligieuse sur la base d’échanges approfondis et d’un dialogue constructif.

M. Brodeur a, en outre, insisté sur l’importance de l’éducation pour le changement des mentalités, la diffusion des valeurs de démocratie, d’ouverture, de justice et d’égalité et la prévention contre tout discours dévalorisant à l’égard des femmes.

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