Efficacité énergétique : le Maroc entre urgence et accélération

Le Maroc veut consommer moins d’énergie pour produire plus de richesse d’ici 2030. Le chemin est tracé, mais la cadence reste lente. En cause : une ingénierie centralisée, un manque d’incitations financières, une réglementation peu appliquée et une sensibilisation citoyenne encore limitée. Pour réussir ce pari, les experts appellent à une mobilisation collective autour de l’ingénierie, du financement, de la réglementation et d’une prise de conscience citoyenne plus forte.
Le Maroc s’est fixé comme objectif de grande envergure d’améliorer de 20 % son efficacité énergétique d’ici 2030. Huit ans après le lancement de la stratégie nationale, des progrès mesurables ont été réalisés, notamment à travers une baisse de l’intensité énergétique, mais les résultats demeurent insuffisants pour atteindre la cible dans les délais. Une accélération s’impose, fondée sur quatre piliers structurants : l’ingénierie, le financement, la réglementation et l’appropriation citoyenne.
L’efficacité énergétique, au-delà de la simple réduction de la consommation brute, repose sur l’optimisation du rapport entre l’énergie consommée et la richesse produite. Entre 2016 et 2023, l’intensité énergétique, mesurée en tonnes équivalent pétrole (tep) par million de dirhams de PIB, est passée de 14,1 à 13,2 tep. Cette amélioration de 6,3 % traduit un gain de productivité énergétique, mais reste loin de l’objectif fixé. Pour combler ce retard, une réponse systémique et coordonnée est nécessaire.
Selon les experts du secteur, l’ingénierie énergétique reste aujourd’hui trop centralisée et insuffisamment déployée dans les régions. Ils soulignent l’importance de renforcer les compétences locales, de former des ingénieurs spécialisés et de promouvoir les outils numériques pour mieux cartographier et piloter les consommations énergétiques. La généralisation des audits énergétiques et le soutien aux sociétés de services énergétiques (ESCO) sont considérés comme essentiels pour identifier les marges de progrès à l’échelle des entreprises, des collectivités et des infrastructures.
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En matière de financement, les spécialistes estiment que l’un des freins majeurs réside dans l’absence de mécanismes incitatifs adaptés. Bien que des initiatives existent, notamment à travers les ESCO de la CDG, d’Attijariwafa bank et de la Société d’Investissement Énergétique, leur portée reste encore limitée. Les experts recommandent la création de fonds verts régionaux, le renforcement des garanties publiques pour les investissements privés, ainsi que la mise en place de contrats de performance énergétique à plus grande échelle pour encourager les acteurs économiques à s’engager.
La réglementation, pour sa part, reste un levier fondamental mais encore sous-exploité. Selon plusieurs analystes, l’adoption de normes plus strictes en matière de construction, d’équipements industriels ou de transports pourrait permettre des économies significatives. Ils appellent à une meilleure application des textes existants, à la création d’un label national d’efficacité énergétique, et à des contrôles renforcés pour lutter contre le gaspillage énergétique dans les bâtiments publics et privés.
Enfin, l’appropriation citoyenne constitue un défi central. D’après les experts en sociologie de l’énergie, la transition vers une société plus sobre ne pourra réussir sans une adhésion massive de la population. Cela passe par des campagnes de sensibilisation, l’intégration de l’éducation énergétique dans les programmes scolaires, ainsi que la mise en place d’incitations pour encourager les ménages à adopter des comportements plus responsables comme l’usage d’électroménager économe, l’amélioration de l’isolation thermique ou encore le recours à une mobilité durable.
En parallèle, la montée en puissance des énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolien ou l’hydraulique participe à la décarbonation du mix énergétique national, mais ne saurait à elle seule suffire. Comme le rappellent les spécialistes, c’est bien l’alliance entre efficacité énergétique et développement des renouvelables qui permettra au Maroc de répondre à la double exigence de croissance et de durabilité.