Elections du 10 novembre: l’Espagne face au défi de surmonter l’impasse politique

La situation d’impasse politique dans laquelle s’est enfoncée l’Espagne depuis plus de six mois, après l’échec des négociations pour former un gouvernement, semble devoir se poursuivre après le scrutin du 10 novembre, sur fond de l’attachement des leaders des principaux partis en lice à leurs positions par rapport aux différentes questions liées aux alliances post-électorales et à la formation d’un nouvel exécutif.

Les déclarations des principaux candidats à la présidence du gouvernement en lice pour ce scrutin lors de la campagne électorale, qui s’est achevée vendredi soir, ne montrent pas clairement un changement important dans les positions et les formules proposées par les différents partis pour surmonter cette situation de blocage, qui jette son ombre sur la vie politique en Espagne et dont les conséquences ne tarderont pas à se faire sentir sur les performances économiques du pays.

A droite comme à gauche, tous les leaders politiques reconnaissent les dangers de l’impasse politique actuelle et ses conséquences sur la situation politique et économique du pays, mais les solutions qu’ils avaient présentées étaient, pour la plupart d’entre elles, divergentes voire même contradictoires.

Pour le président du gouvernement sortant et candidat du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) à la réélection, Pedro Sanchez, la solution la plus efficace face à l’absence de majorité absolue est de permettre au parti le plus voté de former un gouvernement « stable » après ce scrutin, afin de garantir que ce qui s’est passé en 2016 et qui s’est produit à nouveau maintenant ne se reproduira plus.

Le candidat socialiste a aussi réitéré son ambition de gouverner en solitaire en cas de victoire lors des élections législatives du 10 novembre, et son refus de nouer des alliances avec les autres formations politiques en lice.

« Les élections législatives anticipées de dimanche constituent un scrutin crucial au cours duquel les Espagnols seront appelés aux urnes pour voter le déblocage immédiat de l’impasse politique actuelle et non pas pour se prononcer en faveur du programme qui se conforme le plus à leurs choix, ce qu’ils avaient déjà fait lors des élections précédentes du 28 avril », a souligné M. Sanchez dans une interview accordée au journal El Pais.

→ Lire aussi : Espagne: le PSOE donné gagnant des élections du 10 novembre

De nombreux observateurs estiment que les déclarations de M. Sanchez sont perçues comme un appel indirect aux autres formations politiques, notamment son rival historique, le parti populaire (PP, droite), et le parti centriste Ciudadanos, à s’abstenir lors du vote d’investiture pour faciliter la formation d’un nouveau gouvernement et permettre au pays de sortir de l’impasse politique actuelle.

Le candidat socialiste avait aussi assuré, dans une déclaration à la Radio nationale de l’Espagne (RNE), qu’il ne voit de problème à ce qu’il demande l’abstention du PP et de Ciudadanos (centre-droit) pour faciliter la formation du prochain gouvernement, si cela est nécessaire.

Concernant les alliances post-électorales que le PSOE compte nouer, M. Sanchez a souligné la difficulté de former un gouvernement « stable » avec Podemos, d’autant plus qu’aucun sondage sur les intentions de vote ne prédit une majorité absolue pour les deux formations de gauche, rappelant la divergence de positions entre les deux partis par rapport à la question catalane.

« Nous devons former un gouvernement +cohérent+, ce qui rend la coalition difficile avec une formation comme Podemos, avec laquelle il existe de +grandes divergences+ sur la Catalogne », a-t-il insisté, notant que le PSEO veut former « un gouvernement progressiste qui donne une réponse de gauche » aux défis posés.

La proposition de M. Sanchez a été rejetée catégoriquement par les autres partis politiques, notamment Podemos, qui insiste sur la nécessité de former un gouvernement de « coalition » entre les formations de la gauche, assurant que le « bipartisme en Espagne est mort » et qu’aucun parti n’est actuellement en mesure de faire « cavalier seul » sur la scène politique.

Pour le candidat de Podemos à la présidence du gouvernement, Pablo Iglesias, le PSOE est divisé en deux blocs, l’un privilégie la voie d’un gouvernement de gauche et l’autre veut gouverner avec la droite, accusant M. Sanchez d’utiliser la question de la Catalogne comme « excuse » pour rejeter la possibilité de former une coalition avec sa formation et se rapprocher davantage de la « droite ».

La réponse du candidat du PP, Pablo Casado, aux aspirations du leader socialiste n’a pas aussi tardé à venir. Dans un entretien accordé à La Razon, M. Casado a assuré que son parti « ne facilitera en aucun cas un gouvernement présidé par Pedro Sanchez », qui constitue, selon lui, une « menace pour l’économie et l’unité nationale », se disant confiant que sa formation remporterait ce scrutin.

Le leader des conservateurs du PP a, dans ce contexte, formulé le souhait d’obtenir plus de sièges au Congrès des députés (Chambre basse du Parlement) que le PSOE, afin qu’il puisse former un gouvernement capable de garantir la stabilité politique, défendre l’ordre constitutionnel et de mettre en oeuvre les réformes économiques nécessaires pour favoriser la création d’emplois.

De son côté, le candidat de Ciudadanos, Albert Rivera a affirmé qu’il est disposé à former une coalition avec le PP, et au cas où les deux formations de droite n’obtiendraient pas la majorité absolue de 176 sièges, il peut s’abstenir pour permettre la formation d’un gouvernement de gauche en échange de la mise en place de dix réformes de l’Etat, qu’il compte proposer en vue de consolider la constitution et l’unité de l’Espagne.

Mais le soutien proposé par M. Rivera à la formation d’un gouvernement socialiste après ce scrutin a été conditionné par l’engagement du PSOE à rompe les accords qu’il avait conclus avec les partis nationalistes (Ensemble pour la Catalogne -JxCAT- à Barcelone et la coalition Geroa Bai en Navarre) et à s’associer avec sa formation pour gouverner dans ces régions. De l’avis des observateurs, les positions exprimées par les dirigeants des principaux partis politiques du pays, bien qu’elles pourraient conduire à la formation d’un nouveau gouvernement après le scrutin du 10 novembre, mais elles semblent être insuffisantes pour rassurer les Espagnols et les convaincre de retourner à nouveau aux urnes pour décider de l’avenir de leur pays.

Selon les résultats des derniers sondages, le PSOE serait vainqueur de ce scrutin avec un pourcentage oscillant entre 27,3% et 27,9% des intentions de vote et entre 114 et 126 sièges, contre 28,7% des voix obtenues lors des législatives du 28 avril dernier. Les socialistes ne seraient pas en mesure de parvenir à la majorité absolue, même avec l’appui des autres formations de gauche: Podemos (31-40 sièges) et Mas Pais (3-4 sièges), estiment ces enquêtes d’opinion.

A droite, le PP (89-107 sièges), Ciudadanos (15-19), Vox (28-40) et la Coalition de Navarre (6 députés) ne seraient pas non plus capables de parvenir à la majorité absolue, poursuit la même source.

Une grande coalition entre le PSOE et le PP permettrait de dépasser le seuil de 176 sièges, selon ces enquêtes d’opinion, mais le candidat socialiste Pedro Sanchez a exclu catégoriquement ce scénario.

Les élections législatives anticipées de dimanche s’annoncent ainsi cruciales pour l’avenir du pays, qui doit être doté d’un gouvernement « fort » et « stable » le plus tôt possible, afin qu’il puisse relever les différents défis liés aux conséquences d’un éventuel Brexit sans accord, la croissance économique, l’emploi, les inégalités salariales et sociales, et la promotion de l’image et du rayonnement du pays à l’international.

Dimanche, plus de 36.000.000 électeurs seront appelés aux urnes lors de ce scrutin, le 4ème en quatre ans, pour choisir leurs 350 représentants au Congrès des députés et 266 au Sénat.

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