Elections législatives en France en 2022, vers un « big-bang » politique ou une nouvelle cohabitation

Depuis plusieurs mois, la France est en campagne électorale  d’abord pour élire son Président de la République, chose faite, et jusqu’au 19 juin, pour l’élection des élus qui siégeront au Parlement.

La polarisation classique de la scène politique française entre  droite- centre- gauche a fini par départager lors de la présidentielle le choix des électeurs entre trois orientations fondamentales incarnées par trois personnalités. La première, une droite centriste incluant une gauche modérée  représentée par Emmanuel Macron, la seconde, une droite radicale représentée par Marine Le Pen et la troisième, une gauche protestataire rangée derrière Jean Luc Mélenchon.

Les élections législatives  quant à elles se présentent sous une nouvelle perspective.  La gauche éclatée lors de la présidentielle a dû se résoudre à s’unir autour de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, non sans faire grincer des dents,  comme exprimé par François Hollande qui estime le programme de Mélenchon  « irréalisable ». Mais l’intéressé, jouant de son talent oratoire, son score électoral à la présidentielle et l’audace de son programme, semble redonner de l’espoir aux forces d’opposition pour une revanche électorale et politique après leur échec à la présidentielle. Le candidat Mélenchon a évoqué au lendemain de la victoire du Président Macron réélu l’idée d’un « troisième tour » aux présidentielles présenté comme  l’occasion d’accéder à la primature.

Mais vu la personnalité hors norme du Président réélu et celle du nouveau leader de la gauche, une question légitime se pose. Les français voteront-ils pour leur programme ou pour l’image qu’ils incarnent ? Jusqu’à quel point leur personnalité impactera-t-elle  le choix des électeurs ?

En effet, la réalité électorale actuelle en France indique un fort « effet miroir » que la personnalité des hommes politiques renvoie à l’électeur. Il est en partie lié  au régime présidentiel souhaité à l’époque par le Général De Gaulle (fondateur de la cinquième République). L’élection présidentielle est en effet une relation directe d’une personnalité politique qui se présente face au choix et au vote du peuple français.

Dans ce sillage, les élus de la majorité sortante, en vue des législatives,  aiment à se  rattacher à la personnalité du Président élu. Celui ci à son tour veut une majorité d’élus au Parlement qui se réclame de son parti pour pouvoir gouverner et  légiférer en faveur de son programme. C’est le cas aujourd’hui du Président Macron qui est arrivé à se faire réélire.  Mais les prochaines élections législatives se présentent mal pour lui. Les élus de la NUPES qui regroupe, les candidats de La France insoumise (LFI), Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Génération·s, Génération Ecologie, Les Nouveaux Démocrates, le Parti communiste français (PCF), le Parti socialiste (PS) et la Nupes  se rangent derrière Jean Luc Mélenchon. Ils comptent bénéficier de la dynamique positive enregistrée lors de la présidentielle par le candidat Mélenchon de la France Insoumise (LFI).

A environ un point près, Jean Luc Mélenchon,   aurait pu se retrouver à la présidentielle, au deuxième tour  face au  Président sortant Macron. Les deux candidats ont réalisé un exploit dans un contexte politique d’une France qui se « droitise ».  Les thématiques populistes relatives aux sujets sécuritaires,  ceux de l’immigration et de l’islamisme avaient pris le devant de la scène portés par les extrêmes à droite de l’échiquier politique faisaient craindre leur arrivée au pouvoir. Au dernier moment, le thème du pouvoir d’achat s’est également invité en plus dans la campagne électorale suite au conflit ukrainien. La raison et bon sens des électeurs avaient  prévalu grâce aux effets des reports de voix vers le Président sortant ou vers Jean-Luc Mélenchon qui a rallié les électeurs mécontents.

Les deux hommes politiques sont en phase de marquer la vie politique française. Ils représentent respectivement deux personnalités fortes au caractère bien trempé. Le premier fait dans la modération et affiche l’image d’une France libérale  qui se gouverne par le centre (centre droit, centre gauche selon les contextes et les périodes). Le soutien apporté par des poids lourds politiques comme Jean François Bayrou (centriste) ou Jean Pierre Chevènement (socialiste) au candidat Macron  montrent que celui-ci sait « rassembler »  au-delà de son camp, des électeurs de la droite jusqu’à la gauche modérée.

Le second, Jean Luc Mélenchon,  projette l’image d’une France protestataire de gauche qui fut autrefois représentée en partie par François Mitterrand. Ce dernier ayant été le seul dans l’histoire récente de France à avoir pu réconcilier à son époque en 1981 les forces de la gauche socialiste avec celles de la gauche communiste au sein du même gouvernement. Ce sont donc en quelque sorte pour simplifier, DEUX « FRANCES » qui s’affrontent à l’occasion de ces législatives.

La « France libérale » aux valeurs centristes regroupée sous la bannière ENSEMBLE ! face à la « France de gauche » aux traditions protestataires, sous la bannière NUPES. Entre les deux, il y a les deux extrêmes. L’extrême droite et  l’extrême gauche qui se positionnent l’une et l’autre, soit dans l’abstention (rejet des deux forces en présence en les mettant dos à dos), soit en se positionnant en  fonction de leurs propres calculs électoraux afin  de rester présents sur la scène électorale et au parlement. Leur rôle ne sera pas marginal, en jouant un rôle d’arbitre au deuxième tour, pour faire pencher la balance  d’un côté ou d’un autre car la  bataille va être serrée et rude.

Le Président Macron jouit de l’autorité d’un Président réélu face à Jean Luc Mélenchon qui aspire à la Primature. Mais celui-ci semble continuer de jouir de la force d’attraction  des mécontents du « macronisme » (votes communautaristes, gilets jaunes, anti-reformes de retraite, antisystème, jeunesse écologique et révolutionnaire, corps professionnels insatisfaits …).  Parmi ces derniers, on peut compter des contingents non négligeables parmi  les enseignants, le personnel de santé et les derniers en date,  les diplomates qui ont vu leurs statuts remis en question,  du jour au lendemain. Un premier signal de victoire des « mélenchonnistes » a été donné par le vote des Français de l’Etranger qui ont placé en tête du premier tour les candidats qui se réclament de la NUPES.

Les chances de Mélenchon sont aussi grandes de rallier une majorité d’électeurs frustrés par la réélection du Président Macron. Celui-ci au lendemain de sa réélection malgré de multiples précautions aura fait, quelques erreurs qui risquent de coûter cher à la majorité sortante. Celle de reconduire quelques uns de ses ministres parmi les plus contestés qui annule auprès de l’opinion publique la promesse faite du changement de méthode et de politique promise par le candidat Macron. Même, la désignation du nouveau ministre de l’Education censée représenter la nouveauté ne semble pas profiter  à la dynamique électorale des législatives. D’autre part, l’erreur de « s’arc-bouter » sur la réforme de la retraite mal expliquée,  encore très incomprise et impopulaire, qui est présentée malgré tout cela, par ses partisans, comme un  marqueur de son deuxième mandat, sera peut-être « la goutte de trop ». Des erreurs qui cristallisent des mécontentements populaires très importants exploités par ses adversaires politiques.  La marge est donc très étroite pour la majorité sortante.

En effet, les français, comme le reste des citoyens du monde, semblent  en ces temps incertains, plus  préoccupés par leur pouvoir d’achat et par leur  quotidien dans les domaines de la santé, de la sécurité, l’accès  facilité au logement, à l’éducation,  à l’énergie  et à une alimentation saine et pas chère… plutôt que par des « réformes sociétales ». Celles-ci, en temps de crise,  sont inaudibles et parfois mal perçues car vécues comme des risques anxiogènes supplémentaires. Notamment, du fait des effets éprouvants d’un contexte de crise sanitaire qui se cumulent, aux yeux des citoyens,  avec les conséquences de la guerre en Ukraine. Celle-ci se répercute par des difficultés liées aux phénomènes inflationnistes, ceux associés à un avenir encore plus incertain et à des pertes de pouvoir d’achat chez les couches populaires. L’échec du Président Macron d’obtenir des résultats probants dans son intermédiation avec le Président Poutine est un facteur aggravant de son image.

Le scénario d’un véritable Big Bang politique en France est plus que plausible à l’issue des prochaines législatives le 19 juin prochain.  En cas de victoire de la NUPES, le Président Macron pourra t-il il gouverner ? Rien n’est moins sûr. Il y aura à la tête de l’Etat, les deux Frances « éternelles », celle de droite et celle de gauche, bien présentes  qui auront réussi à rassembler au-delà de leurs camps habituels. Elles seront  incarnées, par deux personnalités politiques hors normes, que la période du « dégagisme »  de ces dernières années,  aura fait ressortir de la vie politique française.

Certains chroniqueurs évoquent la probabilité d’une nouvelle cohabitation qui se dessine.  Une répétition de celle vécue auparavant par le Président Mitterrand et ensuite par  le Président Chirac.  Mais,  aujourd’hui, il y a un nouveau contexte socio-économique au plan national et international. Celui d’une mondialisation contestée, d’un retour aux valeurs de souveraineté et de risques majeurs qui se précisent (changement climatique, crises  migratoires, conflit au cœur de l’Europe, crise énergétique et alimentaire…). En cas de majorité aux législatives de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Socialiste (NUPES), que le Conseil d’Etat vient de consacrer dans sa dernière décision en tant que courant politique unifié et autonome, on notera que les principaux représentants des forces en présence  de France seront au Sommet de l’Etat, voire au gouvernail du pays.

La France sera t’elle institutionnellement gouvernable dans ces conditions ? Le suspense est réel.  Elle sera en tout cas  sujette à de fortes tensions politiques à moins d’imaginer un scénario inédit, celui d’un  gouvernement d’union nationale. Un affaiblissement de la France au plan international n’est pas exclu non plus du fait de fortes dissensions qui s’installeront probablement au Sommet du pouvoir.

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