ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES EN AFRIQUE : Que valent réellement les certifications des observateurs internationaux ?

Les élections présidentielles en Afrique, depuis l’avènement du multipartisme sur le continent, sont devenues des joutes à haut risque et des périodes de grands troubles pour les populations. En effet, en Afrique, les élections ne riment pas nécessairement avec démocratie. Bien au contraire, elles ont cette particularité d’être toujours, à de rares exceptions, suivies de contestations de la part des candidats malheureux. Ces situations occasionnent très souvent des confrontations violentes entre partisans ou pis, se muent en rébellion et en guerres dans les cas extrêmes.

Les pays africains, qui semblent ne pas avoir la maturité démocratique nécessaire pour mener des transitions politiques pa­cifiques, ont vu, au fil du temps, entité appelée « communauté internationale » s’immiscer dans leurs élections prési­dentielles jusqu’à en devenir un acteur incontournable.

Généralement utilisée dans les mé­dias et dans les instances internationales sur les questions de paix, de sécurité, des droits de l’Homme et de démocra­tie dans le monde, la communauté in­ternationale est évoquée, en Afrique, à la faveur des crises politiques mais surtout des conflits engendrés par les transitions politiques violentes très fréquentes sur le continent. Cette com­munauté « internationale » qui semble s’être donné pour mission de préserver la paix en Afrique, joue un rôle d’ob­servateur tout au long des scrutins, à travers ses représentants, puis un rôle d’arbitre. L’objectif pour elle étant, semble-t-il, de valider, en toute trans­parence, ou de remettre en question les résultats des élections à la fin des votes et de confirmer un candidat dont la vic­toire ne souffre d’aucune ambiguïté.

Et bien que le procédé de désignation du président de la république par suffrage universel ne concerne pas tous les pays africains, il reste toutefois l’un des modes le plus utilisé. C’est donc tout naturelle­ment que la communauté internationale a gagné en importance en Afrique. Cepen­dant, si l’efficacité de ses interventions est globalement reconnue, celles-ci ne font pas l’unanimité. Certaines voix en Afrique, à tort ou à raison, vont jusqu’à dénoncer une certaine partialité dans ses prises de positions, et remettent en cause sa crédibilité. Elle reste toutefois la voix de certification la plus attendue à l’issue des élections, au-delà des institutions nationales et de l’union Africaine, d’où l’importance de nous interroger sur son rôle en Afrique et sur la valeur réelle de ses positions.

La communauté internationale

A ce jour, il n’existe pas de définition formelle du terme « communauté inter­nationale » mais elle peut être définie comme un ensemble d’États influents en matière de politique internationale. Et si elle peut désigner les Etats membres de l’Organisation des Nations Unies ou plus particulièrement les états membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle a, généralement, pour porte-parole les dirigeants des pays tels que la France, l’Angleterre et les Etats-Unis d’Amé­rique.

En Afrique, elle est réellement entrée dans les esprits, à l’occasion du printemps arabe dont elle a été l’un des acteurs ma­jeurs, et plus principalement dans le cas de la Libye. Depuis bientôt deux décen­nies, elle est partout sur le continent et c’est une entité sur laquelle les Africains comptent. En effet, ce sont généralement eux-mêmes qui la sollicitent pour veil­ler au bon déroulement des élections. Et même s’il est clair que la participation de la communauté internationale a un impact assez positif, elle n’a pas, définitivement, réglé le problème des contestations. A ce jour, les transitions pacifiques entre régimes politiques dans les « démocra­ties» africaines se comptent encore sur les doigts d’une seule main. L’un des exemples les plus frappants est le cas de la Côte d’Ivoire. Les élections qui se sont pourtant déroulées sous l’oeil vigilant de la communauté internationale, ont été source de contestations violentes. Ce qui a conduit à une guerre civile causant 3000 morts, selon les chiffres officiels.

Des positions (presque) toujours contestées

Les certifications électorales de la communauté internationale, en Afrique, rencontrent, aujourd’hui, encore des avis mitigés. En Côte d’Ivoire par exemple, les résultats de l’élection présidentielle de 2010, bien que suivis de près par la communauté internationale, n’ont pas fait l’unanimité. Même son de cloche au Gabon où la Cour constitutionnelle gabonaise a validé la victoire d’Ali Bon­go à l’issue d’un scrutin dont la fiabilité a pourtant été remise en cause par la com­munauté internationale. Si les positions adoptées par la communauté internatio­nale sont rejetées par une partie des insti­tutions ou des classes politiques des pays concernés, faisant ainsi d’elle une autorité supranationale mais non consensuelle, les dernières élections présidentielles du Kenya viennent, une nouvelle fois, bra­quer les projecteurs sur le travail effectué par les observateurs internationaux.

En effet, le scrutin présidentiel du 8 Août dernier au Kenya a eu son lot de surprise et ce n’est peut-être pas fini. La présidentielle kényane qui a été suivie par des observateurs internationaux, et non des moindres, a été validée par l’en­semble de la communauté internationale qui a salué ce scrutin « libre et équitable ».

Au nombre de ces observateurs, l’an­cien secrétaire d’Etat américain John kery, à la tête de la mission d’observation de la Fondation Carter a salué «le remar­quable exemple de démocratie donné par le Kenya à l’Afrique et au monde» quand l’ancien président ghanéen John Mahama, en charge de la mission du Commonwealth, lui, qualifiait le scrutin de «crédible et transparent» et louait «le potentiel (du Kenya) de devenir la démo­cratie la plus inspirante d’Afrique». Seu­lement, le vendredi 1er septembre 2017, la Cour suprême Kenyane a invalidé le scru­tin présidentiel du 8 août. Et pour cause, elle dénonce une élection qui «n’a pas été conduite en accord avec la Constitution» et «les illégalités et les irrégularités ont affecté l’intégrité» du scrutin. Elle a, par la suite, exigé la tenue de nouvelles élec­tions dans les 60 jours. Une décision qui fait suite au recours de l’opposition qui a dénoncé des fraudes et déposé une requête auprès de la Cour suprême.

Le cas du Kenya

Le cas du Kenya remet-il en question les certifications précédentes des obser­vateurs internationaux ?

Déjà diversement apprécié sur le continent africain, les observateurs in­ternationaux des élections présidentielles africaines risquent de perdre davantage en crédibilité avec le cas du Kenya. Réa­gissant à l’actualité Kényanne, Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International en Afrique de l’Est, pendant les élections, a souligné l’effectivité du problème : «Cela montre qu’il y a un problème avec les missions d’observa­tion des élections. Elles se concentrent trop sur le processus pré-électoral et le processus de vote, alors que les pro­blèmes émanent toujours du décompte des voix. Mais ces missions n’ont pas les ressources pour examiner cela» a-t-elle déclaré. Alors, ressources limitées ou préférence particulière pour les résultats comportant moins de risques de violence dans le pays, au détriment de la réalité des urnes comme le prétendent certains, les observateurs internationaux n’ont pas fini de faire parler d’eux, et pas nécessai­rement dans le bon sens. Leur sincérité étant, de plus en plus, remise en question.

Quoi qu’il en soit, l’intervention de la communauté internationale dans les affaires africaines, surtout pour les ques­tions électorales, a encore de beaux jours devant elle. Entre tricheries et mauvais perdant, les mauvais élèves de la dé­mocratie démontrent clairement que le continent africain a encore besoin de l’implication de l’extérieur.

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