Elections : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »

Hassan Alaoui 

A quelque deux mois et demi des élections législatives, la question, lancinante et ressassée nous interpelle : les électeurs sont-ils encore tentés par la politique ? Personne ne se hasarderait à y répondre avec comme on dit, l’exactitude scientifique. Aucun sondage et encore moins une étude pertinente ne pourrait nous affirmer un tant soit peu le profil d’une société – marocaine s’entend – livrée au pronostic hasardeux et à un jeu d’hypothèses qui n’on rien à voir avec la réalité d’un sous-sol inconnu.

Depuis des années voire des décennies, l’état d’esprit préélectoral obéit aux mêmes réflexes qui, l’époque changeant de décor seulement, n’inspirent nullement la confiance souhaitée. A l’aune d’une échéance nouvelle, autrement dit une élection législative décisive puisqu’elle est censée boucler plus de dix ans de gestion islamique et, ce faisant,  inscrit une nouvelle alternance à l’horizon, il y a lieu de s’interroger : de quoi ces élections auront-elles le nom ? Le Maroc n’est pas doté d’institut de sondage officiel et institutionnel , capable de nous éclairer en amont sur des tendances pertinentes des intentions de vote des électeurs potentiels. La carte électorale se dessine avec plus ou moins de précision et de netteté le jour même du scrutin , les votes demeurant imprécis à la limite de la fermeture des bureaux et des urnes.

Jusqu’à l’arrivée sur le Trône du Roi Mohammed VI en 1999, suivie après par sa ferme décision de combattre les irrégularités, les élections étaient – c’est le moins que l’on puisse dire – en partie truquées tout simplement. Les premières élections libres et régulières ont été organisées et réussies sous son règne. Aucune entorse n’est venue les entacher. C’est peu dire que la démocratie marocaine en a été fortifiée, d’autant plus renforcée que lors des élections de 2011, un profond mouvement d’alternance est venu transformer l’échiquier politique national avec l’arrivée en tête du PJD ( Parti de la justice et du développement) et la constitution d’une majorité électorale inédite.

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Saad-Eddine El Othmani pour ne pas le citer a maintenu en 2015 et la coalition précédente et la culture de gouvernance existante. Il n’y manquait que la fougue et l’enthousiasme sibyllin de son prédécesseur, Abdelilah Benkirane, retranché depuis et rongeant son frein. Nous abordons la dernière étape du processus préélectoral, mais nous ne savons toujours pas comment se présente la carte sociologique d’un scrutin qui s’apparente à un artefact et dont on ne saisit ni la nature, ni la forme ? Sinon qu’il met en scène un exercice spectral d’ambitions, tantôt personnelles, tantôt incohérentes, et en tout cas cette loi quasi imposée de non renouvellement des cadres et des élites au sein de certains partis. Un autre phénomène , irréparable lui, est celui de la transhumance qui fait du champ politique une sorte souk livré au marchandage, la valse des candidats devenant la règle.

Le spectre de l’abstentionnisme rode encore une fois autour des prochaines échéances majeures. Il n’est pas spécifique au Maroc, mais devient la marque de fabrique de la politique au plan mondial. Les dernières élections ont certes porté le PJD au pinacle, le consacrant comme la première formation du pays. Les raisons de son succès tiennent essentiellement à la participation active – militante diront certains – au vote. Sur les 15 millions d’inscrits sur les listes électorales, 1,7 million appartiennent au PJD. Comme une armée disciplinée, des « va-t-en guerre » solidaires, ils accourent toutes et tous aux urnes le jour du vote, offrant à leur parti une marge substantielle, ne laissant aucun bulletin vide, ni blanc…

Le compte final faisant la différence, on se rend à cette évidence que le devoir civique et la participation de tous les citoyens est la seule réponse, disons la panacée à cette tendance qui, s’il n’y est pas mis fin, deviendra structurelle et menacera à terme la démocratie. Les 33 ou 34 formations politiques qui s’agitent dans le bocal électoral sont conscientes de cette Loi du Talion que leur impose le parti islamique par la discipline imparable de ses adhérents.

« Un temps troublé » ! L’expression est un titre du dernier livre publié il y a peu par Lionel Jospin, ancien premier ministre français. Il est à l’actualité – pas seulement française – ce que qu’un désarroi est aux populations de plus en plus séduites par l’abstentionnisme. Un certain Abdelmajid Tebboune, président algérien, n’a pas hésité pour sa part à confirmer cette nouvelle donne en répondant : « La participation si faible des électeurs algériens ne m’intéresse pas…ce qui compte, pour moi, c’est le résultat » ! Une fibre d’apprenti-dictateur…En France, aux dernières élections régionales et départementales , le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a été battu à plate couture, victime de l’abstentionnisme qui laisse présager d’inquiétantes surprises aux élections présidentielles de mai prochain.

Jusqu’à nouvel ordre donc, le paysage politique demeurera le même, marqué au sceau d’une incertitude relative. Hormis quelques formations qui ont affiché avec exhaustivité leur programme – notamment et en premier le RNI – les électeurs sont conviés à entériner des proclamations vertueuses des leaders qui se succèdent aux tribunes et sur les sites.

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