En attendant la vraie parité : Dur, dur d’être femme dans la société marocaine

« Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir compte des droits par lesquels notre Sainte Religion les a mises sur un pied d’égalité avec les hommes, des droits qui correspondent à leur noble mission, leur rendant justice contre toute iniquité ou violence dont elles pourraient être victimes, alors même qu’elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l’emploi ? »
Extrait du discours Royal du 20 août 1999

SM. Mohammed VI, le Roi de la femme

Cette volonté Royale – et ce depuis le règne de Mohammed VI – a fait que la femme a gagné en indépendance, suite à une accélération de réformes. En effet, ce discours a été le faisceau qui a projeté sa lumière sur la condition de la femme au Maroc, qui demeure l’un des principaux pays arabes, où celle-ci s’est améliorée au cours de cette dernière décennie. Son statut a connu une évolution marquée par la transition d’une société traditionnelle vers une autre moderne.

Toujours désireux de hisser l’image de la femme, le souverain a donné ses hautes instructions pour la proclamation de la date du 10 octobre de chaque année « Journée Nationale de la femme marocaine ». Cette date coïncide avec l’annonce de la réforme du Code de la famille en 2003 : un tournant décisif dans l’Histoire du pays. Elle met en avant le rôle et la contribution de la femme au développement économique et social. Depuis, plusieurs lois ont été promulguées prônant l’égalité entre les sexes et l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Seulement, l’application ne suit pas et ces lois restent suspendues, au malheur des filles d’Eve.

Un combat sur tous les fronts

Nous sommes dans un Maroc en pleine mutation. Au cœur de la capitale économique, branchée et bouillonnante du royaume, dans un grand palace, un forum tenu par et pour les femmes réunit des dirigeantes, des PDG, des chefs d’entreprises et des porteuses de projet, toutes en femmes épanouies, se rassemblent pour partager leurs expériences, témoigner de leur succès et échanger leurs bonnes pratiques. Dehors, la rue est plus qu’une fourmilière : des femmes de tous les âges et de différentes catégories sociales se muent dans tous les sens. A pied ou au volant de leurs voitures, certaines se rendent à leur travail, d’autres déposent leurs enfants à l’école au moment où quelques autres se ruent vers le marché pour faire leurs courses.

Quoi de plus beau que cette image d’un Maroc libre, émancipé et riche de ses femmes ? Le baromètre du développement d’un pays n’est-ce pas la liberté de ses femmes ?

Or, le revers du décor est tout autre, bien brouillé ! Derrière ces êtres qui réussissent sur le plan professionnel, il y a des personnes qui font le ménage, d’autres qui sont soumises ou qui sont même violentées… Le scénario est presque le même : la femme a une double attitude. Au travail, c’est un individu complet mais dès qu’elle franchit le seuil de la maison, elle se dépouille de son déguisement du monde extérieur pour se recroqueviller et ployer l’échine, sous la tutelle paternelle ou maritale. Ainsi, l’image véhiculée sur la femme est, de toute évidence, fausse et décalée par rapport à la réalité.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Depuis l’arrivée au pouvoir, en janvier 2012, des islamistes du PJD, le bilan est bien contrasté, et la question des droits de la femme n’est pas une priorité pour eux. Le gouvernement fait semblant de consentir à l’amélioration de la condition des femmes marocaines en cherchant à brouiller les esprits avec un double discours, et sa sincérité est mise en question quant à son approbation de voir apparaître un changement concret dans la vie quotidienne qui touche, en premier, son image de qualité (le gouvernement) à savoir son autorité et son emprise sur la femme dont il fait le maillon faible de la société marocaine.

La condition de la femme continue à être tiraillée entre la mondialisation et un retour à ce que certains appellent communément « authenticité ». C’est dire que nous marchons à reculons ! Une avalanche d’obscurantisme s’abat sur le pays. Entre un chef de gouvernement qui incombe tous les maux de la société et de la famille aux mères actives, un wali ou des autorités quelconques qui auraient interdit à la femme de séjourner dans un hôtel de la même ville mentionnée sur sa CIN (si elle est battue et expulsée par le mari ou si elle a déménagé, elle n’a qu’à passer la nuit dans la rue), et cerise sur le gâteau, une parlementaire de l’USFP répondant au nom de Khadija Zoumi, affirme haut et fort, devant le chef du gouvernement à la chambre des conseillers, que « la prostitution participe à l’économie du pays » !!! Il faut bien avouer que la femme marocaine est entre de bonnes mains !

Un obscurantisme qui chosifie et rabaisse la femme

Il est vrai que le statut de la femme a beaucoup évolué sur le papier mais bien que la rhétorique entre les sexes soit bien développée, entre les lignes, l’omniprésence de valeurs glorifiant la suprématie de l’homme est flagrante.

N’est-ce pas aberrant qu’au vingt et unième siècle, les femmes, appuyées par une poignée de féministes, se voient encore obligées de défendre leur image, leurs droits et combattre les stéréotypes et les œuvres rétrogrades dont elles sont victimes, sous la tutelle d’idées archaïques, se basant initialement sur une lecture purement masculine et machiste de la parole divine ? Des droits qu’elles arrachent par charité, semble-t-il, et non par mérite !

Pourtant la réforme a prouvé que l’islam et les droits de la femme n’ont jamais été incompatibles. Mais c’est bien la société qui définit les rôles et c’est elle qui fait de la vie de la femme, un destin, celui de mener une lutte sans répit, pour son droit, face à la force de la tradition où s’entremêlent privilèges sexistes et commandements religieux.

Femme, vecteur de modernité ou ennemie convoitée

Aujourd’hui, le débat sur les conditions de vie et le statut de la femme au Maroc demeure au cœur des enjeux politiques. Force est de constater que celle-ci a pu acquérir, finalement, après de longues années de lutte et de militantisme, des droits considérables grâce aux efforts déployés par les associations féminines marocaines. L’accès à l’instruction, au travail, au contrôle de la fécondité et à la sphère politique et de décision, aux responsabilités économiques et institutionnelles la place sur le devant de la scène.

En revanche, et malgré ces avancées considérables, réalisées au cours de ces dernières années, les organisations féminines continuent leur combat après un long parcours, jonché d’entraves et d’embûches. Le combat des féministes a clairement fait apparaître la distorsion entre le droit et les faits. De grandes disparités, au niveau social et économique existent encore entre le milieu urbain et le milieu rural, entre les catégories sociales nanties et celles défavorisées, entre celles qui bataillent pour le droit de toutes et celles qui leur faussent compagnie en se soumettant volontairement ou involontairement à la tutelle masculine qui constitue, pour elles, leur force et leur sécurité.

Dans notre Maroc d’aujourd’hui, le statut de la femme est déstabilisé et déstabilisant plus que jamais, et l’égalité entre les deux sexes n’est que chimère : les droits de la femme évoluent à petits pas quand ils ne régressent pas.

Rééduquer les gens pour changer les mentalités

Bien que les mentalités semblent changer, le naturel reprend le dessus au quart de tour. Et la schizophrénie gagne du terrain. D’un côté, de ces petits garçons auxquels on offre des armes, des voitures, des policiers, des robots ou encore des consoles de jeux, pour la majorité, violents, la société, avec la complicité des parents, fait des machos agressifs pour qui la force physique est symbole de virilité et de masculinité. D’un autre côté, dès son bas âge, la petite fille est placée, d’emblée, dans un univers rose où poupons, dînettes et poupées Barbie la préparent à un monde « féminin » où la fillette joue à la maman, à la maîtresse de maison et à la femme au physique parfait. D’un autre côté, les mamans, inconscientes de prolonger un mal et un fardeau qu’elles ont subi leur vie durant, inculquent aux princes héritiers, des bases d’éducation dont elles ont souffert elles-mêmes. Ainsi, un garçon ne doit pas pleurer même quand il a mal : seules les femmes pleurent ! Un garçon ne doit pas participer aux tâches ménagères pour ne pas être la risée des autres ! Un garçon est « l’homme » et donc doit se faire respecter par toutes les femmes de la famille ! Sa sœur, sa cousine ou n’importe quelle fille lui étant proche, représente l’honneur du nom qu’elle porte, aussi doit-il veiller sur elle voire la surveiller s’il ne veut pas qu’elle ramène l’opprobre dans l’entourage.

L’évidence est que le changement ne viendra que des femmes elles-mêmes tant les hommes ont intérêt à voir perdurer un système qui leur est profitable.

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