Engrais : une décrue des prix, mais des problèmes persistants de disponibilité et de coût

Tribune

Par John Baffes (1) Wee Chian Koh (2) 

Ce billet est le septième d’une série de 11 publications détaillant les points abordés dans la dernière édition du Commodity Markets Outlook (octobre 2022), le rapport de la Banque mondiale sur les perspectives des marchés des produits de base.

Après la flambée du début de l’année 2022, les prix des engrais sont en baisse, tout en se maintenant à des niveaux historiquement élevés. La décrue des prix s’explique en partie par la faiblesse de la demande, les agriculteurs ayant réduit les apports de fertilisants faute d’un accès suffisant et à un coût abordable à ces intrants. Le secteur est également touché par des tensions au niveau de l’offre, liées notamment à une crise de la production en Europe, aux ruptures d’approvisionnement dues aux sanctions économiques contre la Russie et le Bélarus et aux restrictions commerciales imposées par la Chine.

Crise de la production en Europe. La forte hausse des prix du gaz naturel en Europe a entraîné des réductions généralisées de la production d’ammoniac, un composant essentiel des engrais azotés. En octobre 2022, environ 70 % de la capacité européenne de production d’ammoniac était réduite ou à l’arrêt.  On assiste cependant ces derniers mois à une baisse du coût de l’ammoniac, à la faveur de l’augmentation des importations et des stocks de gaz naturel liquéfié en Europe, conjuguée aux anticipations d’un hiver plus doux que la normale. Ces conditions pourraient permettre la reprise des activités dans un certain nombre d’installations de production d’engrais azotés en Europe.

Prix des composants des engrais

Ruptures d’approvisionnement dues à la guerre en Ukraine. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, plusieurs économies — dont l’Union européenne (UE) et les États-Unis — ont imposé des sanctions contre la Russie et le Bélarus, deux fournisseurs importants d’engrais. Les sanctions commerciales prévoient toutefois des exceptions pour les secteurs de l’alimentation et des engrais, afin d’éviter qu’elles n’aient des répercussions négatives sur la sécurité alimentaire mondiale. Ces exceptions ont permis à la Russie de continuer à exporter des engrais. Les exportations de potasse du Bélarus ont en revanche chuté de plus de 50 % en raison de l’application de restrictions de transit sur le territoire de l’UE. La Lituanie, en particulier, a cessé d’utiliser son réseau ferroviaire pour acheminer la potasse en provenance du Bélarus vers le port de Klaipėda, qui traite généralement 90 % des exportations bélarussiennes.

Restrictions à l’exportation en Chine. Les problèmes d’approvisionnement ont été accentués par la prolongation des restrictions à l’exportation d’engrais appliquées par la Chine jusqu’à la fin de 2022 dans le but de préserver la disponibilité de ces produits sur le marché intérieur. Les exportations chinoises de phosphate, qui représentent 30 % du commerce mondial, ont diminué de près de 50 % (en glissement annuel) au cours des dix premiers mois de 2022, tandis que celles d’urée ont chuté d’environ 60 %.

(*) Économiste senior spécialiste de l’agriculture, Groupe d’étude des perspectives de développement, Banque mondiale (1) Chercheur, Centre d’études stratégiques et politiques, Brunei Darussalam (2)

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