Entrepreneuriat : Cinq questions à Khalid Machchate

  MAROC DIPLOMATIQUE : Quel bilan faites-vous du secteur de l’entrepreneuriat au Maroc ?

– Khalid Machchate : Je pense qu’il a bien évolué, notamment sur les questions de financement. Mais, il persiste encore quelques problèmes structurels en matière d’accès au marché, d’internationalisation, de facilité d’import-export ou encore de recrutement de talents. Il y a aussi beaucoup de structures de support pour entreprises et non pas seulement des incubateurs, mais il faudrait aussi des organismes de support technique et technologique pour aider les entrepreneurs à réaliser leur plein potentiel et à créer des produits et services innovants pouvant être exportés.

MD : De plus en plus de Marocains entreprennent et réussissent à l’étranger, qu’est-ce qui explique cela selon vous ?

– K.M : Il y a plusieurs facteurs selon moi, en commençant par la taille du marché. Lorsqu’on entreprend au Maroc, la taille du marché est minimale en comparaison avec la France, les Etats-Unis, les Émirats ou autre. Par ailleurs, lorsque nous sommes en Europe, nous pouvons accéder à différents marchés en toute liberté. Autre frein qu’il peut y avoir au Maroc, il s’agit des difficultés concernant la libre circulation de devises qui facilitent les opérations d’import-export, surtout pour les start-up et les PME qui n’ont pas les moyens de faire de grandes opérations logistiques pour assurer l’import-export de leur produits et services, et ceci malgré la mise en place de programmes comme celui de l’ADD «Jeune Entreprise Innovante», qui reste à portée limitée. Aussi, malgré les avancées en matière de financement, il reste des besoins à combler en matière de dynamisme d’écosystème et de présence de clients qui acceptent les services des start-up et facilitent leur processus d’achat. Ajoutez à cela les difficultés sur le plan administratif… il existe, donc, pas mal de différences entre l’entrepreneuriat au Maroc et à l’international.

 MD : Quelles connaissances et capacités doit avoir un entrepreneur ?

– K.M : Un entrepreneur, surtout dans des marchés naissants comme le Maroc, doit avoir un plus grand nombre de connaissances que s’il était dans un marché déjà établi avec des normes standardisées. Il doit être résilient aux différents chocs qu’il recevra, cela peut aller des retards de paiement de ses clients jusqu’au turnover des employés. Il doit être capable de gérer le rejet de la part de prospects, de clients, par rapport au financement ou aux opportunités en général. Il doit être capable de gérer ses liquidités pour s’assurer qu’il puisse avoir une sorte de sécurité en place pour des cas de crise ou de problème quelconque. Il doit également avoir des connaissances en matière de vente (négociation, marketing de produits et services, gestion de cycles de ventes…). En plus de cela, dans les domaines de la technologie par exemple, même si ce n’est pas son domaine de prédilection, l’entrepreneur devrait avoir un minimum de connaissances techniques pour pouvoir recruter le staff adéquat et s’assurer que tout fonctionne correctement.

MD : Que faire pour que les jeunes qui souhaitent se lancer au Maroc puissent réussir dans leur projet et contribuer au rayonnement du Maroc ?

– K.M : Il faut essayer de trouver des co-fondateurs et qu’ils puissent livrer un Produit Minimum Viable (MVP) à travers la combinaison de leurs compétences, qui pourrait intéresser directement des clients à l’achat. Il ne faut pas se concentrer uniquement sur la levée de fonds. Avec des programmes de la CCG, Innov Invest, Innov Idea, nous avons un capital de base allant jusqu’à 200 000 dirhams pouvant être utilisé pour lancer le MVP, et à partir de celui-ci, se concentrer sur comment vendre et l’améliorer pour de futurs clients. C’est comme ça que les entrepreneurs marocains devraient réfléchir pour construire ou solidifier leur base entrepreneuriale avant de partir sur autre chose.

Il faut également souligner qu’il n’y a aucun mal à ce que ces entrepreneurs puissent se tester ailleurs, mais il faudrait aussi qu’ils pensent à garder le lien entrepreneurial avec le Maroc et y développer des activités en relation avec leur activité à l’international. Ainsi le rayonnement du Maroc ne va pas se faire uniquement au Maroc par des entrepreneurs qui n’opèrent que sur le territoire, mais par des entrepreneurs Marocains dans le Royaume et à l’international.

MD : Vous êtes un pur produit de l’école marocaine, quels conseils avez-vous pour les jeunes Marocains qui souhaitent se lancer et réussir et qui n’ont pas nécessairement les moyens d’intégrer de prestigieuses écoles internationales ?

– K.M : Aujourd’hui tout ce que l’on souhaite apprendre est en ligne et à accès gratuit, surtout pour les jeunes. Ces derniers doivent être dotés d’une soif d’apprendre, d’exécuter et d’une résilience au rejet et aux chutes. Il est très probable que 9/10 entrepreneurs ne réussissent pas leur premier projet. La première tentative peut être un échec et il n’y a aucun problème à ce sujet. Par ailleurs, l’apprentissage de base des écoles marocaines, je pense, dans sa structure, rivalise très bien avec la grande majorité des universités internationales. Il faut juste maitriser la langue et développer un réseau comme peuvent le faire ceux qui intègrent par exemple Harvard, MIT … Toutes les formations de ces écoles sont accessibles en ligne et gratuites, donc ce qu’ils construisent c’est un réseau de personnes aussi brillantes qu’elles, et auxquelles elles peuvent faire appel. Mais pour construire ce réseau, le Marocain peut participer aux conférences internationales au Maroc où il peut rencontrer des personnes qui peuvent booster sa réussite, c’est un peu ce que j’ai fait. J’ai postulé aux programmes internationaux, j’ai eu beaucoup de refus mais quelques acceptations m’ont permis de voyager à l’international sans avoir à payer quoi que ce soit de ma poche. Ainsi, j’ai pu connaitre des personnes qui ont impacté plusieurs aventures entrepreneuriales que j’ai eu par la suite. Pour moi c’est la principale différence entre une personne qui grandit au Maroc et une autre à l’international. Mais cela reste une expérience très enrichissante, qu’il faut avoir au mieux, jeune, car cela ouvre l’esprit, les horizons, et offre des opportunités, mais l’important est de garder à l’esprit que nous sommes Marocains, peu importe où l’on se trouve, et de faire son possible pour développer des activités qui puissent aider au développement du Royaume, à travers l’innovation, le transfert de compétences…

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