Farida LOUDAYA, ambassadeur du Maroc en Colombie et en équateur « Le monde globalisé dans lequel nous vivons offre des opportunités aux plus réactifs et le Maroc a toujours su l’être »

En mars 2000, Abderrahman Youssoufi atterrissait à Bogota pour trois jours. C’était la première visite d’un chef de gouvernement marocain en Amérique latine, portant un message de S.M. le Roi Mohammed VI au Président colombien, M. André Pastrana. Bien entendu, l’objectif de cette tournée latino-américaine était de renforcer les liens d’amitié unissant le Maroc et les pays de la région. Rappelons que le Maroc a toujours soutenu les actions entreprises par le Président colombien concernant le processus de paix ou « Plan Colombia » et salué les efforts que Bogota ne cesse de déployer pour sa mise en œuvre. Par ailleurs, l’un des faits les plus marquants des relations bilatérales a eu lieu, dans le cadre de la célébration du 40e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. En effet, Carlos Holmes Trujillo, alors ministre colombien des Relations extérieures, avait réservé sa première et unique visite dans le continent africain au Royaume, en mars 2019. Ainsi peut-on dire que de part et d’autre, une forte impulsion est donnée aux relations bilatérales pour une relation solide basée sur un dialogue politique constructif, appuyée par une amitié infaillible et un partenariat gagnant-gagnant. D’ailleurs, sur la question du Sahara qui constitue une cause nationale pour le Maroc, la Colombie ne cesse de réaffirmer sa position à l’égard de l’intégrité territoriale du Royaume. Une position constante, affichée à travers le gouvernement, mais aussi par le Congrès colombien, qui a été d’un grand soutien pour le pays, en saluant la proposition marocaine d’autonomie présentée en 2007 notamment par la résolution adoptée le 5 décembre 2018 par le Congrès soutenant la souveraineté et l’intégrité territoriale du Maroc.

C’est dire qu’un revirement total s’est opéré au fil des années grâce à une action diplomatique offensive tous azimuts sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. D’autant plus que la tenue des travaux de la deuxième session de la Commission mixte maroco-colombienne, organisée à Rabat, en février 2020, a permis de poursuivre cette dynamique en faveur d’un partenariat multiforme.

Aujourd’hui donc, la Colombie est devenue un partenaire privilégié du Maroc en Amérique latine tout comme le Maroc est considéré comme étant son principal partenaire stratégique sur le continent africain. De belles perspectives plus larges sont identifiées et d’importants accords sont conclus entre le Royaume et les différents États latino-américains et des Caraïbes.

Or le partenariat économique et commercial ne suit pas le rythme des relations politiques excellentes qui lient les deux pays. Pourtant, la Colombie qui constitue aujourd’hui la 4e économie de la région après le Brésil, le Mexique et l’Argentine représente une plateforme d’ouverture indéniable sur l’Amérique latine pour notre pays et le Maroc, une destination de choix pour les produits, les entreprises et les investissements colombiens et latino-américains qui souhaitent se positionner sur le continent africain.

Cet entretien exclusif que nous accorde Mme Farida LOUDAYA, ambassadeur du Maroc en Colombie et en Équateur, nous éclaire encore plus sur le fort potentiel qui s’offre aux deux pays.

Rappelons que Madame Farida LOUDAYA a été décorée de la distinction de Commandeur de l’Ordre du Mérite démocratique par le Sénat colombien, en raison de son rôle dans la consolidation des relations entre les deux pays.

  • MAROC DIPLOMATIQUE : La Colombie était entrée dans un confinement strict le 25 mars qui n’a pris fin, officiellement, que le 1er septembre. Entre temps, le SARS-COV-2 a fait plus de 24.000 morts et environ 750.000 de personnes contaminées. La quatrième économie latino-américaine a dû assouplir ses mesures de restrictions suite à l’effondrement économique qu’elle a enregistré. Aujourd’hui, les vols commerciaux ont repris dans le pays, après environ six mois d’interruption en raison du coronavirus. Comment évaluez-vous la gestion de la crise sanitaire dans le pays accréditant ?

– Mme Farida LOUDAYA : Effectivement et après un peu plus de cinq mois de confinement, imposé pour freiner la propagation de la Covid-19, la Colombie, qui a officiellement décidé le déconfinement général du pays, le 1er septembre, sort très impactée par cette crise sanitaire non seulement sur un plan économique, mais également sur un plan social. Malgré une circulation toujours aussi forte du virus dans le pays, les autorités colombiennes ont décidé d’assouplir les restrictions dans la quasi-totalité des secteurs économiques, en se basant, notamment, sur l’utilisation généralisée du masque dans les espaces publics et l’adoption des gestes barrières pour limiter la transmission du virus. Pour favoriser la réactivation économique post-Covid, le gouvernement colombien a récemment décidé l’adoption d’un plan d’action gouvernemental baptisé « Nouvel Engagement pour la Colombie », d’un montant de 100 milliards de pesos colombiens [25,7 millions de dollars américains, NDLR] et la création d’un million d’emplois directs et indirects. Ce plan de réactivation économique, qui sera étalé sur 2 ans, s’articule autour de 4 axes majeurs : la création d’emplois, la croissance propre, le soutien aux populations les plus démunies et au monde rural et enfin, la consolidation du processus de paix.

  • MD : On se rappelle tous de la tournée historique effectuée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dans plusieurs pays d’Amérique latine en 2004. Ce qui avait d’ailleurs jeté les jalons de la coopération entre le Royaume et les pays de ce continent et donné une forte impulsion aux relations bilatérales ou plutôt multilatérales.

Aujourd’hui, comment se présentent les relations entre le Maroc et la Colombie ?

– Mme F.L : En effet, vous avez entièrement raison de souligner que la tournée historique effectuée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en 2004, dans plusieurs pays d’Amérique latine, notamment au Mexique, au Brésil, au Pérou, au Chili et en Argentine, a permis de donner une impulsion significative à nos relations, et à relancer notre partenariat avec cette importante région du monde. Dès lors, il est à noter que depuis cette date, le Maroc a su renforcer sa présence dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, à travers un vaste élargissement de son réseau diplomatique qui s’est traduit par l’ouverture de plusieurs nouvelles Ambassades notamment au Guatemala, au Paraguay, au Panama, à Cuba, en République dominicaine et à Sainte-Lucie. Ce rapprochement s’est également matérialisé par un échange régulier de visites de hauts responsables gouvernementaux, réalisées de part et d’autre, afin d’enrichir notre partenariat bilatéral.

S’agissant des relations entre le Maroc et la Colombie, je peux vous dire qu’elles sont, actuellement, à leur phase optimale de maturité. Rappelons que les liens entre nos deux pays sont des liens anciens, singuliers et exemplaires, marqués par un dialogue politique constant et constructif et par une même convergence de vues sur plusieurs questions d’ordre régional et international d’intérêt commun. Mais avant toute chose, il convient de signaler que ces relations sont, d’abord et avant tout, des relations d’États qui se caractérisent par une grande estime et une considération

respective entre Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Président de la République colombienne, Ivan Duque Márquez.

Rabat et Bogota, qui partagent la même vision en faveur de la paix, de la sécurité et du règlement pacifique des différends, œuvrent conjointement en faveur de la consolidation de leur partenariat au niveau multilatéral et la promotion d’un partenariat bilatéral stratégique.

C’est dans cet esprit que le Maroc et la Colombie se sont résolument engagés à déployer tous les efforts permettant de poursuivre cette action commune, en faveur d’un partenariat bilatéral encore plus dynamique et fructueux dans ses différentes dimensions.

  • MD : L’année 2019 a connu la célébration du 40e anniversaire de l’établissement des relations entre les deux pays. Il faut le dire, la Colombie est devenue, ces dernières années, un partenaire privilégié du Maroc dans la région et le Maroc un partenaire stratégique de la Colombie en Afrique. Comment se concrétise le rapprochement avec ce pays de la région ?

– Mme F.L : Tout à fait, nos deux pays ont célébré l’année dernière le quarantième anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques.

Cette occasion nous a permis de réitérer l’excellence des relations bilatérales, empreintes d’amitié et de respect mutuel, mais surtout d’arrêter, conjointement, de nouvelles perspectives de partenariat, toujours plus ambitieuses, pour les années à venir. Les relations maroco-colombiennes ont enregistré, ces dernières années, une évolution positive.

Plusieurs visites et rencontres ont eu lieu entre les hauts responsables des deux pays aussi bien dans un cadre bilatéral, qu’en marge des fora internationaux témoignant ainsi de la solidité et de l’intensité de ces relations et de leur qualité.

Dans le cadre de cette volonté résolue de diversifier et d’intensifier notre coopération bilatérale, un ambitieux programme de coopération bisannuel a été signé, lors de la deuxième session de la Commission Mixte qui s’est tenue à Rabat en février dernier, prévoyant de nouveaux secteurs de partenariat à fort potentiel tels que l’agriculture, le tourisme, l’artisanat, la sécurité, ou encore la culture et le sport.

Outre la consolidation de la dimension politique de nos relations bilatérales avec la Colombie, la coopération culturelle et universitaire, élément clé pour renforcer davantage la compréhension, le rapprochement et le dialogue entre nos deux peuples, a également connu une évolution significative, durant ces dernières années, à travers la signature de plusieurs accords-cadres entre des universités colombiennes et marocaines, ainsi que la participation du Maroc aux événements et foires régionales et internationales organisés en Colombie.

Par ailleurs, le cadre juridique qui régit nos relations bilatérales a également été élargi, notamment à travers la finalisation de projets d’accords dans différents secteurs, que nous espérons pouvoir signer lors d’une prochaine réunion de haut niveau entre les responsables de nos deux pays.

La coopération parlementaire a, pour sa part, également connu une véritable dynamique de renforcement ayant abouti à la création, le 18 juin 2018, du premier groupe d’amitié colombo-marocain, au sein du Sénat colombien. Ces relations ont également été consolidées par de nombreuses rencontres et visites parlementaires entre nos deux pays.

  • MD : Les relations de coopération bilatérale ont connu, ces dernières années, une dynamique positive dans les domaines politique, économique et culturel. Quels sont, à votre avis, les obstacles qui entravent un vrai partenariat avec les pays de la région ? Et quels sont les moyens susceptibles de renforcer le partenariat multilatéral ?

– Mme F.L : Effectivement, les relations entre Rabat et Bogota se sont profondément enrichies tant sur le plan politique qu’économique et culturel. Le partenariat maroco-colombien constitue un partenariat exemplaire tant sur le plan bilatéral que multilatéral, à l’instar de l’excellence des relations qu’entretient le Maroc avec la grande majorité des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Pour ma part, je ne vois aucun obstacle qui entrave le partenariat entre nos deux régions, je ne vois que de réelles opportunités permettant un rapprochement chaque jour plus intense avec cette région du monde.

Permettez-moi de rappeler, à ce titre, que le Maroc a toujours accordé une attention particulière au développement et au renforcement de ces relations avec les pays d’Amérique latine et ceux des Caraïbes. Une région qui constitue une priorité absolue pour la diplomatie marocaine. D’ailleurs, je tiens à signaler, dans ce cadre, l’importante tournée réalisée en juin dernier, dans la région, par notre ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, M. Nasser Bourita, qui a permis de traduire l’engagement du Maroc de continuer à œuvrer en faveur d’une coopération Sud-Sud, toujours plus importante, qui constitue, aujourd’hui, un pilier majeur de la politique étrangère de notre pays.

Le Maroc qui représente, à mon sens, l’un des pays africains et arabes les plus actifs de cette région du monde a su consolider une présence reconnue et active que ce soit sur le plan bilatéral, mais également multilatéral et régional.

  • MD : Paradoxalement, et alors que la feuille de route pour atteindre de belles perspectives a été tracée, impliquant la mise en œuvre d’importants accords conclus entre le Maroc et les différents États latino-américains et des Caraïbes, en plus de la promotion de davantage de flux commercial, d’investissements et d’échanges culturels, le tout dans une logique de partenariat Sud-Sud toujours prônée par Sa Majesté le Roi, les relations commerciales entre le Maroc et la Colombie restent au-dessous de leur potentiel. Pourquoi à votre avis surtout que les deux pays connaissent un fort potentiel de croissance économique ?

– Mme F.L : Il est vrai qu’aujourd’hui, les relations économiques et commerciales entre le Maroc et la Colombie restent bien en deçà de l’excellence des relations politiques entre nos deux pays et du potentiel réel qui s’offre à nous. C’est pour cela que je continue de penser que nous devrions mettre à profit ce partenariat stratégique qui nous lie, aujourd’hui, avec cet important pays latino-américain pour accroître les échanges entre les opérateurs économiques de nos deux pays et identifier de nouvelles opportunités d’affaires de part et d’autre, car elles existent vraiment. Le but étant de pouvoir arriver à identifier de nouvelles niches visant à diversifier nos échanges économiques et commerciaux trop longtemps dominés par les mêmes produits, où du côté marocain nos exportations sont majoritairement constituées d’engrais, de phosphate et dérivés, de souffre ou encore de produits chimiques, et du côté colombien, par les combustibles minéraux, les huiles minérales ou encore le café.

De plus, le nombre réduit de lignes maritimes directes vers la région ainsi que le coût élevé du fret, continuent de constituer, selon moi, les principales entraves au développement des échanges commerciaux, non seulement avec la Colombie, mais également avec l’ensemble des pays de la région.

  • MD : La Colombie, qui constitue aujourd’hui la 4e économie de la région, après le Brésil, le Mexique et l’Argentine, représente une plateforme d’ouverture indéniable sur l’Amérique latine pour notre pays et le Maroc, une destination de choix pour les produits, les entreprises et les investissements colombiens et latino-américains qui souhaitent se positionner sur le continent africain. Quelles stratégies adopter pour promouvoir le Made in Morocco en Amérique latine et élargir l’éventail de notre partenariat bilatéral pour une coopération encore plus dense sur les plans politique, socio-économique et culturel ?

– Mme F.L : Le volet économique a toujours été une priorité de notre action diplomatique non seulement en Amérique latine, mais également à travers le monde. Ces dernières années, la diplomatie économique est devenue le véritable levier de la politique étrangère du Royaume dans la mesure où le pragmatisme économique est, chaque jour, plus influent dans nos relations bilatérales. Cette priorité de la diplomatie marocaine ne date pas d’hier. Je tiens à rappeler que déjà en août 2013, Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait, lors d’un message adressé à la Première Conférence des Ambassadeurs, souligné l’importance de la promotion du label Maroc non pas comme un simple slogan, mais plutôt comme un objectif stratégique. Aujourd’hui, le Maroc peut être fier des nombreux atouts dont il dispose notamment en termes de stabilité politique, positionnement géostratégique, ouverture sur de nombreux marchés, compétitivité de son tissu économique, sans oublier ses importantes ressources humaines qualifiées.

Vous savez, comme j’ai l’habitude de le dire, le monde globalisé dans lequel nous vivons actuellement, ne reconnaît plus les distances géographiques et offre des opportunités aux plus réactifs et le Maroc a toujours su l’être. D’ailleurs, l’ensemble de notre vaste réseau diplomatique et consulaire, à travers les quatre coins du monde, reste mobilisé au service de nos intérêts économiques nationaux ainsi que dans la promotion du « Made in Morocco ».

Et on en arrive à la question du Sahara. Il faut dire que nous assistons à un revirement total qui s’opère, depuis quelques années, à tel point que depuis l’année 2000, près de 17 pays de la région ont retiré leur reconnaissance de l’entité chimérique. La Colombie était parmi les premiers pays de la région à se ranger du côté de la légalité internationale. Les formes de rejet de la thèse séparatiste se sont multipliées prenant soit la forme d’un retrait de reconnaissance de la pseudo rasd, soit une affirmation sans équivoque du soutien à la proposition marocaine d’autonomie pour les provinces du Sud. Quelle lecture en faites-vous ?

S’agissant de notre question nationale, je voudrais souligner que notre pays a réussi une véritable percée diplomatique en Amérique latine et aux Caraïbes. Aujourd’hui, aussi bien les gouvernements que les Parlements des pays de cette région ont, dans leur grande majorité, tous relevé la prééminence de l’initiative d’autonomie des provinces du Sud proposée par le Maroc en 2007, en tant que solution politique, crédible, viable et réaliste, afin de parvenir à une solution définitive au différend régional sur le Sahara marocain.

Je tiens également à rappeler, dans ce cadre, que la position du gouvernement colombien s’inscrit, parfaitement, dans cette dynamique régionale dans la mesure où la Colombie « salue la proposition marocaine d’autonomie pour parvenir à une solution politique, réaliste, durable, basée sur le compromis de toutes les parties pour mettre fin au différend régional du Sahara qui revêt une importance fondamentale pour le Maroc parce qu’il concerne son intégrité territoriale et sa souveraineté ».

Un soutien qui a, également, été réitéré au niveau du Congrès Colombien où pas moins de 4 résolutions historiques, dont 2 résolutions adoptées en 2017 et 2 autres en 2018 où les parlementaires colombiens, toutes tendances politiques confondues, ont exprimé, sans équivoque, leur plein soutien au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale du Maroc et ont salué de façon unanime les efforts entrepris par notre pays visant à mettre fin à un conflit artificiel qui n’a que trop duré et qui entrave l’édification du Maghreb arabe.

Le Congrès colombien a également, à travers ces résolutions, dénoncé la situation inhumaine désastreuse prévalant dans les camps de Tindouf, en mettant en exergue notamment la souffrance vécue par ses populations.

Tout cela est le signe d’un revirement total qui s’est opéré au fil des années à la faveur d’une action diplomatique offensive tous azimuts sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, ayant pour résultat l’échec flagrant des thèses séparatistes non seulement en Amérique latine et aux Caraïbes, mais à travers le monde. Le fait que depuis l’année 2000, pas moins de 17 pays de la région latino-américaine et caribéenne aient retiré leur reconnaissance à la pseudo « rasd » démontre clairement qu’aujourd’hui, la réalité a pris le dessus et que le séparatisme et les discours idéologiques obsolètes ne trouvent plus aucune espèce d’écho favorable, et ce, nulle part.

Vous savez, la position du Maroc a toujours été très claire à ce sujet, dans la mesure où toute solution politique définitive au différend régional sur le Sahara marocain ne peut aboutir que dans le cadre du respect de la souveraineté totale et de l’intégrité territoriale du Maroc sur son Sahara, ainsi que du respect des principes et paramètres consacrés par le Conseil de Sécurité des Nations unies, dans toutes ces résolutions depuis 2007.

  • MD : C’est ainsi que de par son caractère sérieux, réaliste, crédible et durable, l’Initiative marocaine d’Autonomie reste la seule et unique solution au différend régional sur le Sahara marocain.

 Expliquez-nous un peu le rôle que joue le Maroc dans la coopération Sud-Sud, en tant qu’acteur régional dans le rapprochement du Monde arabe et de l’Afrique avec l’Amérique latine ?

– Mme F.L : Partant de la vision stratégique prônée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en faveur du renforcement de la coopération Sud-Sud, le Maroc s’est résolument engagé dans la voie du raffermissement de ses liens de coopération et d’amitié avec les pays de la région en vue de les hisser au niveau d’un partenariat d’exception, multidimensionnel et de plus en plus ambitieux.

C’est dans cet esprit que j’estime que notre pays est le mieux placé pour favoriser un rapprochement entre le Monde arabe, l’Afrique et l’Amérique latine, non seulement parce qu’il a toujours été considéré comme étant un partenaire privilégié et engagé dans ses relations avec les pays de ces trois régions du monde, mais également, et d’un point de vue géostratégique, il constitue un véritable hub et la porte d’entrée des pays latino-américains tant vers l’Afrique que vers le Monde arabe. Le Maroc représente, aujourd’hui, le pays arabe le plus proche de l’Amérique latine, et un des rares pays hispanophones qui partage également avec cette région un important héritage historique et culturel. Sans oublier que notre pays assure une présence active au sein des plus importantes Organisations régionales latino-américaines et caribéennes où il a su consolider son statut en tant que membre observateur.

Autant d’éléments qui font du Maroc un acteur régional important et incontournable dans le rapprochement entre le Monde arabe, l’Afrique et l’Amérique latine.

  • MD : Le positionnement du Royaume à proximité de l’Europe, son enracinement en Afrique et sa vision vis-à-vis de l’Amérique latine ne font-ils pas du Maroc un acteur clé dans le triangle stratégique Afrique-Europe-Amérique latine/Caraïbes ?

– Mme F.L :  À mon sens, le Maroc peut également jouer un rôle de rapprochement entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine/Caraïbes pour les mêmes raisons que je viens d’évoquer précédemment et sur des enjeux qui me semblent communs à ces différentes régions.

Compte tenu de l’importante activité économique et commerciale enregistrée en Atlantique, le triangle stratégique Afrique, Europe, Amérique Latine/Caraïbes se profile comme une association naturelle de partenariat. Cet espace triangulaire aurait un véritable poids géostratégique non seulement au niveau régional, mais également au niveau mondial :

– D’abord, parce qu’il s’agit là d’un espace regroupant plusieurs économies à la fois développées et émergentes à fort potentiel qui offrent toutes les conditions d’une coopération durable et complémentaire.

– Ensuite, parce que l’aspect démographique de ce triangle serait également un élément non négligeable, dans la mesure où l’Afrique, selon certaines études réalisées, abriterait le quart de la population mondiale à l’horizon 2050.

– Et enfin, parce que l’Afrique et l’Amérique latine constituent des réserves appréciables en ressources naturelles énergétiques et agricoles qui font de cet espace une zone stratégique de premier ordre.

Le Maroc, grâce à son dynamisme économique sur le continent africain, pourrait s’imposer comme tête de pont, aussi solide que fiable, pour les pays latino-américains souhaitant se positionner en Afrique. Notre grande expertise en matière d’investissement pourrait également ouvrir des possibilités de relations triangulaires en élargissant le champ de la coopération aux pays européens.

  • MD : Vous êtes aussi ambassadeur du Maroc en Équateur. Comment se portent les relations entre les deux pays sachant qu’un rapprochement au niveau gouvernemental a été également accompagné par un rapprochement législatif équatorien qui s’est traduit par la création, en février 2020, du premier groupe d’amitié Équateur-Maroc, au sein de l’Assemblée nationale équatorienne ?

– Mme F.L :  Les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Équateur ont dernièrement connu une dynamique positive de renforcement. Dans ce cadre, il convient de rappeler la visite de travail effectuée au Maroc, en septembre 2019 par le Vice-Ministre équatorien des Relations Éxtérieures, de l’Intégration Régionale et de la Coopération Internationale, qui constitue, rappelons-le, la première visite au Maroc d’un haut responsable gouvernemental équatorien depuis plus de trente ans.

Cette visite que j’aurais tendance à qualifier d’historique s’inscrit dans le cadre d’une dynamique positive et constructive, à la faveur d’un engagement mutuel, convenu récemment entre les deux pays afin de lever les obstacles qui entravent le développement d’un véritable partenariat entre nos deux pays, d’identifier les moyens visant à renforcer le dialogue politique, mais également de promouvoir les différentes actions de coopération dans le domaine économique.

Il faut aussi rappeler que ce rapprochement au niveau gouvernemental a également été accompagné d’un rapprochement avec le pouvoir législatif équatorien qui s’est traduit, comme vous le rappelez, par la création en février 2020, du premier groupe d’amitié Équateur-Maroc, au sein de l’Assemblée Nationale équatorienne. Ce groupe qui comprend les principales forces politiques du pays constitue un événement inédit dans l’histoire de nos relations bilatérales dans la mesure où il s’agit là de la première initiative du genre depuis l’établissement de nos relations diplomatiques en 1988.

Ceci pour vous dire que le travail de rapprochement entre nos deux pays se poursuit et qu’il est chaque jour plus important.

Vous êtes la 1re femme arabe et africaine Ambassadeur dans ces deux pays. Vous avez été décorée par le Sénat colombien de l’Ordre du Mérite démocratique, de grade de Commandeur pour votre rôle dans la consolidation des relations entre le Royaume et ces deux pays. Qu’est-ce que cela vous fait, à vous qui représentez un pays arabo-musulman ?

Représenter mon pays est pour moi à la fois un immense honneur, une énorme fierté, mais avant tout une très grande responsabilité.

Je pense que ma nomination en tant que première femme Ambassadeur, en Colombie et en Équateur, d’un pays arabo-musulman, a permis, dans une certaine mesure, une déconstruction des stéréotypes et clichés qui ont trop longtemps entouré la femme arabe et africaine.

En tant que diplomate de carrière, ayant plus de 25 ans de service, au sein de mon département, je peux vous assurer que le fait d’être une femme ne m’a jamais limité dans l’exercice de mes fonctions et de mes différentes responsabilités et encore moins lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts suprêmes de mon pays et l’ensemble des causes que je considère primordiales.

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