Festival Gnaoua et musiques du monde 2018: La femme et la relève !

Tombée de rideau sur une 21ème édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira qui a su tenir toutes ses promesses. Concerts d’exceptions, fusions habitées, débats et échanges passionnants, une relève assurée, l’Afrique assumée, le tout sublimé par un public fidèle et plein d’énergie.

La 21ème édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde continue de porter ses valeurs et ses traditions tout en étant résolument moderne. C’est dans une ville des alizées à la météo clémente que le festival a réuni le monde autour de la musique et de l’art tagnaouite du 21 au 23 juin avec des moments de musique forts, des fusions aussi improbables que magiques où les maâlems gnaoua ont su démontrer l’étendue de leur talent face à des stars internationales, où le public a pu découvrir ou redécouvrir une relève gnaouie des plus prometteuses et des artistes qui proposent des concerts toujours plus habités.

 Une ouverture grandiose

Ce 21 juin la fête de la musique rimait avec gnaoua en cette levée de rideau triomphante inaugurée par une parade de tous les maâlems participant à cette édition. Une belle entrée en matière qui allait laisser place à une ouverture proposée par le maâlem Hamid El Kasri et le groupe américain Snarky Puppy, résultat d’une résidence d’une semaine qui a nourrit une forte complicité entre les musiciens. « Je me suis penché sur la musique des Snarky Puppy, j’ai écouté plusieurs de leurs morceaux et j’en ai sélectionné quelques-uns qui pouvaient être compatibles avec la musique Gnaoua » a précisé le maâlem Hamid El Kasri, à la fin d’un concert d’ouverture fort réussi suivi. Des traditions à la modernité, le tourbillon Hoba Hoba Spirit n’est pas passé inaperçu sur la célèbre place Moulay Hassan. Le groupe de Hayha Music a livré un concert de plus de deux heures en passant en revue 20 ans de carrière et 8 albums.

« Nous étions là il y a 15 ans pour un premier concert tout stressés. Aujourd’hui, nous sommes là et toujours aussi stressés » s’amuse Réda Allali, le leader du groupe, ému par un public conquis. Pendant ce temps-là, les concerts intimistes ont séduit un public en recherche de quiétude. Maâlem Haddada et Maâlem Ahmed Baqbou ont marqué Dar Loubane de leur énergie contagieuse, Maâlem Guadiri Hassan et Maâlem Omar Hayat ont fait le bonheur de Zaouia Issaoua. Quant à la Zaouia Sidna Blal, l’endroit authentique a rendu un vibrant hommage aux maâlems défunts de la confrérie d’Essaouira avec une nuit des plus colorées: Lila «Alwan Souira».

Une édition féministe et féminine

Au deuxième jour des festivités, les traditions continuent de prendre leur place et les grands rendez-vous du festival s’imposent d’eux même. La journée commence avec le Forum des droits de l’Homme sous le signe, cette année, de “l’impératif d’égalité”. Organisé en partenariat avec le Conseil national des droits de l’Homme pour la septième année consécutive, le Forum des droits de l’Homme a fait salle comble deux matinées de suite. Cette édition, qui a bénéficié du soutien d’ONU Femmes, a réuni des intervenant-e-s du Maroc, de Tunisie, du Mali, du Niger, de France et du Liban. La première séance a permis une clarification des notions d’égalité, de parité, et de discrimination. Les sessions suivantes ont notamment traité des voies de la réforme et des défis à venir en matière d’égalité entre hommes et femmes.  Ouvert par une leçon inaugurale de Mme Rabéa Naciri, le forum a été conclu par le philosophe Ali Benmakhlouf qui a tiré les principaux enseignements des travaux.

Du côté de la scène, la fusion entre Fatoumata Diawara et Asma Hamzaoui  (Bnat Tombouctou), première femme à fouler la scène du Festival Gnaoua avec un guembri, restera dans les annales du festival. Un grand moment de musique et de partage offert par deux sublimes voix et deux artistes aux multiples talents qui a su réveiller les ancêtres maliens de la musique gnaoua. On retiendra la danse habitée d’une Fatoumata Diawara presque en transe sur les sons endiablés du guembri de la maâlema.

Fusions, concerts et relève

La fusion, label du Festival, était encore au rendez-vous lors de cette 21ème édition, plus forte que jamais. Sur la place Moulay Hassan ce vendredi 22 juin, place au mariage souvent réussit du Jazz avec la musique Gnaoua proposé par le trio de talent Holland / Hussain / Potter alors que la scène de la plage a assisté à la rencontre heureuse entre Maâlem Abdeslam Alikkane et Pepe Bao que la grand Maâlem Abdelkebir Merchane a clôturé avec beaucoup de grâce. Des concerts qui se sont suivis sans jamais se ressembler comme celui des Imarhan le groupe algérien d’origine Touareg qui a su apporter avec lui un bout de désert, ou comme ceux des Africa United et des Djmawi Africaqui ont célébré l’Afrique à leur manière le samedi 23 juin. Ce soir-là sur la grande place, le festival vivait un de ses temps fort, celui d’une fusion envoutante et envoutée entre Maâlem Hassan Boussou et le Benin International Musical (BIM), collectif de jeunes musiciens détonant plein d’énergie. 

→Lire aussi: Festival Gnaoua 2018: Tagnaouite au féminin ou la rencontre entre deux grands talents

Puis Michael League et son groupe Snarky Puppy, reviennent samedi soir rendre un dernier hommage à Essaouira, une ville qui a marqué le groupe. Michael League s’est d’ailleurs empressé d’écrire sur son compte Instagram “je ne remercierai jamais assez les organisateurs qui ont su créer une expérience qui va bien au-delà d’un festival”. Cette 21e édition a été traversée par  l’espoir de la relève avec Hossam Gania  d’une étonnante maturité face à Shabaka HutchingsNguyên LêDavid Aubaile et Omar El Barkaoui. Le fils de feu Mahmoud Guinéa qui a reçu le guembri des mains de son père a prouvé qu’il était son digne successeur. Charismatique, il a offert un concert de plus de 3 h ! Une relève, véritable noyau de cette édition, qui a démontré l’étendue de son talent avec des jeunes gnaoui respectueux de leur tradition, fiers de porter les couleurs de leur patrimoine qu’ils offrent au monde avec générosité.

Des fusions tout en gardant l’âme de Gnaoua et les traditions intactes avec des concerts intimistes qui ont fait vibrer le public que ce soit à Dar Loubane et Zaouia Issaoua ou au Borj Bab Marrakech.

Une édition exceptionnelle qui a connu une couverture médiatique sans précédent. Plus de 300 professionnels de presse représentants 130 médias nationaux et internationaux de 19 pays (Algérie, France, Espagne, Portugal, Italie, Suisse, Angleterre, Norvège, Danemark, Allemagne, Irlande, Pologne, Egypte, Chine, Turquie, Etats-Unis, Bénin, Togo et Sénégal) ont fait le déplacement.

3 jours de festivités qui ont su fédérer autour du patrimoine marocain. Une édition qui assume son âge de la raison et qui promet déjà de belles surprises et de belles fusions l’année prochaine. Le rendez-vous est déjà pris : le Festival Gnaoua et Musiques du Monde revient du 20 au 23 juin 2019.

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