Finance participative : une croissance soutenue mais encore cloisonnée

Longtemps reléguée aux marges du système bancaire national, la finance participative s’installe progressivement dans le paysage financier du Royaume. Soutenue par une demande de plus en plus structurée et un cadre réglementaire en cours de consolidation, cette branche qualifiée de « finance éthique » enregistre une dynamique de croissance continue.
D’après les dernières données de Bank Al-Maghrib, les encours des financements participatifs ont atteint 34,65 milliards de dirhams à fin février 2025, marquant une hausse de 1,7 % sur deux mois et de plus de 20 % en glissement annuel. Cette progression reste toutefois largement concentrée autour d’un produit unique : la Mourabaha immobilière, qui accapare plus de 82 % des encours, soit près de 28,4 milliards de dirhams.
Ce déséquilibre résulte à la fois de la faiblesse de l’offre et des attentes des clients. D’après plusieurs experts, lorsque les tarifs sont alignés sur ceux du système conventionnel, les clients privilégient spontanément les produits participatifs, perçus comme plus sécurisants et conformes à leurs convictions sur le long terme. Par ailleurs, le développement progressif du Takaful, un système d’assurance conforme aux principes de la Charia, a renforcé cette dynamique. Néanmoins, l’offre de produits demeure limitée. Les mécanismes de financement destinés au commerce et à l’investissement, tels que Salam, Ijara ou Moucharaka, rencontrent encore des difficultés à s’imposer. À titre d’exemple, les financements Salam restent modestes, avec un encours plafonnant à 384 millions de dirhams.
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Le développement de produits plus sophistiqués reste freiné par des lenteurs réglementaires persistantes et une faible tolérance au risque de la part des établissements. Même les initiatives visant à faire évoluer le modèle, comme l’implication directe des banques participatives dans des projets de promotion immobilière, se heurtent à des obstacles d’ordre opérationnel. Selon les spécialistes, un schéma dans lequel les banques construiraient avant de commercialiser les biens pourrait s’avérer avantageux pour l’ensemble des acteurs, à condition de disposer d’une vision stratégique claire et d’un calendrier maîtrisé.
Sur le volet des ressources, les indicateurs témoignent d’une dynamique prudente. Les dépôts à vue progressent légèrement pour atteindre 12,03 milliards de dirhams (+0,4 %), tandis que les dépôts d’investissement, censés soutenir une logique d’épargne à vocation productive, enregistrent un repli conjoncturel, malgré une tendance annuelle favorable.
Cette fragilité structurelle freine la capacité du secteur à mobiliser des ressources à long terme et à soutenir efficacement le financement de l’économie réelle. D’après les observateurs du secteur, des avancées notables pourraient être enregistrées avec l’entrée en vigueur de la future loi sur les OPCVM participatifs, attendue en 2025. Cette réforme devrait permettre l’émergence de nouveaux instruments d’investissement conformes aux principes de la Charia, tels que les ETF islamiques, les fonds en devises ou encore des produits allégés en contraintes opérationnelles, offrant ainsi de nouvelles perspectives de diversification et de dynamisation du marché. Chaque nouveau produit devra toutefois passer par un processus rigoureux de validation doctrinale, garantissant une innovation conforme aux préceptes religieux.
L’intégration des marchés de capitaux demeure pour l’instant le talon d’Achille de l’écosystème. L’émission de Sukuk souverains, longtemps attendue, n’a toujours pas vu le jour. Les projets portés par le secteur privé sont, quant à eux, ralentis par des procédures de validation jugées trop lourdes.
Des dispositifs comme « Daâma Tamwil », adossé à Tamwilcom, visent à renforcer l’inclusion financière par le biais de garanties publiques. Mais leur impact reste limité pour l’instant. Pour les professionnels du secteur, la consolidation du modèle passera par un élargissement progressif de l’arsenal juridique et une rationalisation des circuits d’homologation. Autant de leviers pour permettre à la finance participative de jouer pleinement son rôle dans le financement de l’économie nationale.