Fonds d’investissement stratégique: D’où proviendrait le financement ?

Une semaine après l’adoption du décret portant création du Fonds d’investissement stratégique, auquel sera allouée une enveloppe de 45 milliards de dirhams (MMDH), de multiples sources de financement sont avancées par les experts et les analystes.

Recettes fiscales, l’émission de bons d’investissements nationaux, la cession de biens publics « non stratégiques » ou encore la sollicitation d’un financement étranger auprès notamment des différentes banques de développement, sont entre autres les différentes pistes susceptibles de constituer des éléments du montage financier de ce fonds.

Mais encore faut-il actionner les bons leviers afin d’assurer un impact positif optimal sur une économie en quête de la moindre lueur d’espoir pour permettre à ses acteurs de se relancer après la crise asphyxiante du nouveau coronavirus (Covid-19).

Ce fonds, dont la création intervient en application des Hautes instructions de SM le Roi Mohammed VI contenues dans le discours Royal adressé à la Nation à l’occasion du 21ème anniversaire de la Fête du Trône, bénéficiera de 15 MMDH de la part du Budget général de l’Etat (BGE) de 2020 et 30 MMDH seront mobilisés auprès d’institutionnels nationaux et internationaux.

C’est dans ce sens que l’expert international en stratégie et en diplomatie économique, Amine Laghidi, a précisé, dans une déclaration à la MAP, que les 15 MMDH qui constituent le tiers des affectations de ce Fonds sont déjà budgétés.

Les recettes budgétaires venant principalement de sources fiscales, peuvent également profiter de la valorisation des biens non stratégiques (terrains, dépôts et bâtiments, etc) de certains établissements publics et ce, dans une logique de création de cash-flows et de liquidité financière, a-t-il noté.

L’Etat peut également avoir recours à l’optimisation des synergies (fusions entres structures du même secteur…) en créant plus de performances, a fait observer l’expert, ajoutant que la levée de fonds en interne du pays via des bons d’investissements nationaux (bons du trésor ouverts au grands publics orientés investissement par un compte spécial) s’avère aussi une bonne alternative à la dette.

« Pour alimenter le Fonds, on peut avoir recours aux bons d’investissements pour mobiliser la dette nationale et l’argent liquide issu de la thésaurisation et parfois du secteur informel », a-t-il expliqué.

Tout comme les recettes fiscales, M. Laghidi a relevé que la contribution des structures privées à capitaux publics, soit par l’endettement (direct auprès des banques) ou bien par une contribution direct pour les entreprises performantes et à excédent budgétaire ou à forte rentabilité peuvent être des sources, parmi d’autres, pour financer ce compte d’affectation publique.

S’attardant sur les inconvénients potentiels de la dette, il a indiqué que la dette interne de l’Etat auprès des banques limite l’accès des TPE et PME au financement particulièrement en cette période, relevant que la dette étrangère directe de l’Etat limite les prérogatives régaliennes.

Cette situation nécessite de trouver une solution alternative innovante et d’intérêt national, a-t-il estimé, mettant en avant les bons nationaux d’investissements comme alternative remplissant cette fonction.

S’agissant des institutionnels nationaux potentiellement contributeurs du Fonds, M. Laghidi, a cité les caisses et fonds d’investissements publiques, les fonds privés nationaux, les banques marocaines directement par souscription ou via les fonds d’investissements dont elles disposent, les assurances nationales, ainsi que les fonds issus des différentes agences de développement régional (nord, sud, oriental)… à titre de souscripteurs potentiels.

Pour ce qui est du reste du financement, qui sera assuré par des institutionnels étrangers, l’expert en diplomatie économique a evoqué potentiellement, la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement

(BERD) et la Banque Mondiale.

Il s’agit également d’envisager un partenariat avec les fonds d’investissement privés mondiaux (private equity) mais aussi certains fonds souverains à moindre mesure (question d’indépendance et de souveraineté financière et économique), a-t-il poursuivi.

L’expert a, en outre, souligné l’importance majeure du choix du partenaire, faisant remarquer que l’alignement financier « n’est pas suffisant » et qu’un alignement stratégique avec les partenaires est une condition sine qua none pour la réussite du Fonds.

De son côté, Omar Hniche, vice-président de l’Université Mohammed V de Rabat, chargé des affaires académiques et estudiantines, a indiqué, que, pour le gouvernement, l’intervention de ce Fonds se fera sous forme d’investissement direct, dans le cas de grands projets d’infrastructure en partenariat public-privé (PPP), ou indirect en renforçant le capital d’entreprises notamment les TPE-PME (Private équity) aux fins de leur croissance.

“Le choix des grands projets d’investissement à financer devra s’effectuer sur la base des études de faisabilité préalables tenant compte d’un certain nombre de critères notamment, l’impact du projet sur l’emploi, sa capacité à réduire les disparités surtout territoriales et ses effets sur l’amélioration du niveau de vie des citoyens », a-t-il soutenu.

Pour atteindre les 120 MMDH, 75 MMDH seront injectés par les banques sous forme de crédits garantis par l’Etat et gérés par la Caisse Centrale de Garantie (CCG). « 5 MMDH seront apportés par le Fonds Covid-19 pour couvrir les risques de défaut des entreprises bénéficiaires », a rappelé M. Hniche.

Ce dispositif permet un financement du tissu économique, via des prêts bancaires, d’une durée allant de 5 ans à 10 ans avec des conditions avantageuses en termes de taux d’intérêt et de délai de grâce, a expliqué l’universitaire.

Pour M. Hniche, également directeur du Centre interdisciplinaire de recherche en performance et compétitivité (CIRPEC), toutes les entreprises sont concernées notamment les TPE-PME, qui représentent près de 95% du tissu économique marocain et qui constituent l’épine dorsale de notre économie. »A ce niveau presque 80% de ces entreprises ont été en arrêt total durant la période de confinement », a-t-il fait remarquer.

Néanmoins, l’expérience a montré que le recours aux mécanismes classiques de financement bancaire n’a toujours pas eu les effets escomptés sur les TPE, et ce, malgré les taux d’intérêt très bas et l’allègement des garanties bancaires demandées, a fait observer l’universitaire.

Sont aussi concernés les établissements et entreprises publics (EEP) les plus impactés par la crise (Royal Air Maroc, Office national des aéroports, MARSA Maroc, ONCF, etc), a-t-il soulevé.

La pandémie du Covid-19 a affecté, à coup sûr, l’économie mondiale dans son ensemble. Le Maroc, servi depuis le début de la crise sanitaire de modèle à beaucoup d’autres pays à travers sa gestion exemplaire, n’est inévitablement pas épargné des conséquences économiques et sociales qui secouent le monde entier. Le plan de relance qui sera adopté est destiné à remodeler l’économie en profondeur et à servir plausiblement de base pour bâtir le nouveau modèle de développement.

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