Enfants addicts au virtuel : quelle génération future pour le Maroc ?

Dossier du mois

Réalisé par Souad Mekkaoui

 Alors que les grandes écono­mies mondiales sont fragi­lisées du manque aigu de la jeunesse qui assure la puissance et la continuité, le Maroc, à l’instar de quelques autres pays, peut se targuer de sa vraie et réelle richesse que sont ses jeunes. Or, son exploitation est en déphasage avec l’ère du temps et des mutations, pour cause, l’Etat, tout comme les acteurs politiques et éco­nomiques, n’en sont pas conscients malgré les nombreux rappels et appels de SM le Roi dans ce sens.

Cela dit, pour que notre mine d’or soit à la hauteur de nos attentes, il faut veiller à ce que le minerai, que sont nos enfants, soit bien traité et bien poli. C’est ainsi qu’on pour­ra avoir une jeunesse investie ca­pable de porter le pays vers le haut. Faut-il pour cela préciser que le mot « jeune » est assez vaste ? Il peut al­ler de l’adolescent au jeune adulte.

Génération connectée : une pépinière négligée

Doit-on rappeler que façonnés par un système éducatif foireux où la philosophie a été bannie, les jeunes d’aujourd’hui, qui ne peuvent se munir d’un esprit critique ne font qu’épouser le prêt-à-penser, étant privés de toute capacité de penser par eux-mêmes ? Et c’est ainsi qu’ils deviennent une proie facile aux pré­dateurs religieux qui leur vendent le paradis et tout ce qui va avec. Ceci quand ils ne sombrent pas dans les drogues qui constituent un danger menaçant pour les écoles. Une autre catégorie de jeunes, trouve son re­fuge dans le monde bleu qui la main­tient loin d’une réalité qui la désen­chante. Les « digital natives » sont entourés d’écrans, d’où la menace de l’addiction à ces gadgets.

Aussi, pour avoir des jeunes avi­sés, ne faut-il pas se pencher sur nos enfants chez qui l’utilisation excessive de jeux informatiques en réseaux prend une tournure alar­mante ? En effet, absorbés pendant plusieurs heures par jour, par les écrans, jusqu’à oublier de manger, de dormir voire d’aller aux toilettes, certains arrivent même à confondre le monde réel et le monde virtuel. Il faut donc reconnaître que l’utilisa­tion des nouvelles technologies par les adolescents pose toute une série de questions difficiles à maîtriser, voire de risques véritables.

  il est très important  que les parents  et les adultes gravitant dans l’entourage de ces jeunes assurent, surtout en début d’adolescence, un certain contrôle sur l’utilisation que ceux-ci font de l’ordinateur  ou de leur téléphone portable.

Et si les parents sont de plus en plus conscients du danger de cette consom­mation excessive, ils continuent tou­tefois à offrir à leur progéniture des écrans pour les distraire et «avoir la paix». Or, au lieu d’apprendre à inte­ragir avec les gens, les enfants ont des objets électroniques qui les coupent du monde extérieur et les empri­sonnent dans une bulle de fumée bleue. Sans oublier que l’utilisation intensive des écrans nuit à la santé et a des répercussions considérables sur le comportement et les habitudes ali­mentaires, d’où la sédentarité qui en­gendre, à son tour, l’obésité. D’autant plus que les résultats scolaires s’en ressentent. Par ailleurs, les jeunes in­ternautes divulguent des informations très confidentielles ou placent des cri­tiques, voire des injures, sans se dou­ter qu’ils peuvent être poursuivis pour diffamation. L’échange des SMS ou d’images obscènes quant à lui dénote une nonchalance et une incapacité à discriminer ce qui est privé de ce qui est public.

Sans parler du cyberbullying ou du harcèlement, à travers internet, d’adolescents qui se voient insultés ou menacés ; ce qui impacte leur santé mentale ou l’image qu’ils se font d’eux-mêmes. Le décrochage scolaire ou la déconcentration ne sont pas à minimiser, non plus.

Ainsi, certains jeunes continuent à penser à leur partie de jeu ou à leurs échanges le soir, la nuit, à l’école, etc. S’ensuit un chamboulement des horaires diurnes et nocturnes, avec des troubles de sommeil.

Dans cette perspective, il est très important que les parents et les adultes gravitant dans l’entourage de ces jeunes, assurent, surtout en début d’adolescence, un certain contrôle sur l’utilisation que ceux-ci font de l’ordinateur ou de leur téléphone portable. L’école devrait également jouer son rôle dans ce sens et insti­tuer une initiation et une sensibili­sation aux risques liés à l’utilisation de tous les autres instruments élec­troniques disponibles. Les arracher à leur pays des merveilles est ainsi mission impossible. Par contre, il est possible d’en faire un point d’équi­libre.

Faire d’une menace une opportunité, est-ce possible ?

Aujourd’hui, les jeunes de 15 à 35 ans, garants de croissance, repré­sentent les 38 % de la population. Aussi, faut-il en faire le fer de lance du développement. Toujours est-il qu’il faudrait investir en eux, les ini­tier au monde du travail, les intégrer et en faire des citoyens actifs et enga­gés. Force est de constater donc que nos jeunes évoluent dans un contexte mondial en perpétuelle mutation, gé­rée par la mondialisation et les nou­velles technologies qui ont changé le visage du monde, caractérisé par la transformation digitale. Ceci étant, sont-ils vraiment préparés à être ac­teurs de changement, surtout dans la transition du Maroc vers une écono­mie développée alors qu’ils sont, pour la plupart, marginalisés ou du moins écartés du pouvoir décisionnel? Com­ment les amener à s’intéresser à la chose publique et les mobiliser afin de les impliquer dans le développement social et économique alors qu’ils ne se sentent pas concernés ?

Le Maroc a des défis énormes à re­lever et tout projet de société ne peut aboutir si les jeunes n’y sont pas in­tégrés et si les décideurs persistent à faire fi de leurs besoins et de leurs attentes. Le premier défi étant de faire de la jeunesse son cheval de ba­taille, il faut lui permettre d’acqué­rir des outils d’intégration sociale, économique, culturelle et politique. Pour ce faire, une bonne formation n’aura de sens que si elle permet la transformation et la canalisation du savoir de ces jeunes afin d’en faire une force. D’autant plus que les jeunes qui maîtrisent très rapidement ces progrès et ces nouvelles avan­cées doivent être innovants, créatifs et dotés d’une certaine intelligence collective, surtout que les anciennes générations -dont il ne faut pas dé­nigrer l’expérience- peinent à suivre le rythme effréné des innovations des nouvelles technologies aux­quelles elles sont confrontées. Ce qui change les paradigmes et fait que les informations passent des jeunes, qui saisissent mieux le fonctionne­ment du monde de la technologie, aux adultes, contrairement à ce qui se faisait traditionnellement. Ce qui n’est pas étonnant, sachant que les jeunes, qui ont tendance à se familia­riser avec ces instruments beaucoup plus rapidement que les adultes, sont d’importants utilisateurs des nou­veaux outils qui offrent toutes les op­portunités en un seul clic. C’est dire que cet accès immédiat à une infor­mation planétaire représente pour le pays un potentiel de développement que l’on peine encore à mesurer.

 Il faut donc reconnaître que l’utilisation des nouvelles technologies par les adolescents pose toute une série de questions difficiles à maîtriser, voire de risques véritables.

Malheureusement, ce capital hu­main vit dans des conditions diffi­ciles entre la déscolarisation, le chô­mage, la délinquance, l’extrémisme religieux et les troubles psychiques. Aussi, faut-il l’arracher de la mâ­choire des menaces qui le guettent en le ramenant sur les rails du déve­loppement.

Si la jeunesse marocaine du temps de Laroui, El jabri, El mandjra as­pirait au changement, au savoir et à l’épanouissement et était avide de lecture, rythmait ses activités à coups de débats, de cafés littéraires, de pièces de théâtre ou de productions intellectuelles, celle d’aujourd’hui a trouvé refuge autre part. Le tableau est sombre, il faut le dire, mais il est encore possible d’en atténuer les tons.

L’arrivée de nouveaux outils nu­mériques – tablettes, smartphones – et l’augmentation de la puissance des réseaux a complètement boule­versé la manière de travailler. Il est évident que la catharsis salvatrice pour cette jeunesse déboussolée est la connexion à l’univers bleu à tra­vers des écrans. Autant en faire une force et un potentiel.

On ne le sait que trop bien, la géné­ration Y sait, en grande majorité, se servir des nouvelles technologies. Cela fait partie de son monde depuis l’enfance. Le smartphone n’a plus de secret. Internet est utilisé quotidien­nement. Ceci est encore plus marqué avec la génération Z. Et ce décalage technologique est une véritable op­portunité pour qui veut la saisir.

 Dans tous les secteurs et surtout en entreprise, si les jeunes peuvent former les plus anciens aux nou­velles technologies, tant mieux pour le Royaume.

A l’ère du bureau mobile, les jeunes peuvent nous sauver

Il est évident qu’à l’heure actuelle, où internet et ses mondes virtuels changent rapidement, une infor­mation peut faire le tour de la Terre instantanément. On n’a plus besoin d’attendre. Tout est accessible dans la seconde, en temps réel.

Nous vivons, pour ainsi dire, un mo­ment charnière. Nul besoin d’être un génie pour savoir que dans ce monde qui roule à la vitesse d’un TGV, le nu­mérique fait son invasion dans tous les secteurs d’activité. Tous les ser­vices sont désormais à portée de clic. En effet, un bouleversement positif s’inscrit dans le cadre des grandes mutations internationales et les modes de travail ont considérablement chan­gé : l’espace professionnel s’étend un peu partout grâce aux smartphones, tablettes et le cloud computing qui facilitent et donnent accès à l’envi­ronnement de travail, peu importent les horaires et le lieu. Envoyer ou recevoir son courrier, correspondre avec des collaborateurs à l’autre bout du monde, travailler en équipe, faire de la vidéoconférence dans des conditions optimales, négocier, ache­ter et vendre se fait au bout du clic. Force est de constater donc que le digital devient incontournable en tant que levier de performance dans tous les secteurs. En conséquence, il faut pouvoir exploiter au mieux ces technologies qui font entrer le tra­vail collaboratif dans une nouvelle ère. D’ailleurs, quand on parle de la transformation digitale, on parle du Big Data, du Cloud, de l’intelligence artificielle, de la blockchain, de nou­velles technologies, etc, qui sont en train de changer le monde. Mais pour que ce changement de paradigmes soit un succès, il faut un vrai plan d’action mais cela ne peut se faire, d’un côté, sans nos jeunes, cette gé­nération connectée dont on doit tirer profit et qui doit être consciente que le digital s’apprend et ne s’improvise pas. Et d’un autre côté, éviter qu’il y ait un bug générationnel et une frac­ture entre la génération des jeunes et celle des baby-boomers qui n’ont découvert que tardivement les nou­velles technologies. Or aujourd’hui, personne n’ose plus imaginer la vie sans google, sans e-mails, sans ré­seaux sociaux … Internet a boulever­sé la vie des millions de personnes et d’entreprises. C’est dire que nier les spécifités d’une génération revient à se priver d’en exploiter le potentiel. C’est pourquoi la cohabitation inter­générationnelle est indispensable.

En somme, à l’ère de la digitalisation qui devient une nécessité, le Maroc doit prendre le virage technologique. Le degré auquel les nouvelles tech­nologies vont influencer encore notre existence dans le futur est incertain et méconnu. Mais ce qui est sûr, c’est que l’avenir appartient aux jeunes qui peuvent suivre le rythme de la numé­risation sans s’essouffler. Alors, au­tant les exploiter pour que le pays ne rate pas le train en marche.

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