Grogne en Tunisie après l’immolation par le feu d’un journaliste à Kasserine

L’immolation par le feu d’un cameraman d’une chaîne de télévision privée à Kasserine (Ouest) a alimenté la grogne d’une grande partie de journalistes tunisiens qui dénoncent une situation de désespoir et de précarité dans laquelle sont plongés tant et tant de professionnels du secteur.

Le suicide du journaliste cameraman de la chaîne privée « Telvza TV » Abderrazek Zorogui pour des raisons liées à ses conditions familiales et sociales n’a pas laissé impassible les défenseurs de la profession, notamment le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), ainsi que la rue où des échauffourées ont éclaté dans certaines délégations de Sfax, la Mannouba et Kasserine, nécessitant l’intervention des unités de sécurité.

A cet égard, le SNJT a imputé la responsabilité de la mort du photographe Abderrazek Zorgui à l’Etat pour, dit-il, « avoir contribué à faire du secteur des médias un foyer pour l’argent sale et suspect, servant des intérêts étroits, sans qu’il veille au respect des lois et règlements du travail actuels, au détriment des moyens de subsistance des journalistes ».

Le syndicat a également appelé les propriétaires des différents organes de presse à respecter le droit du travail et leurs engagements dans le cadre du cahier des charges établi par l’instance de régulation, les mettant en garde contre le mépris des droits des journalistes en matière de couverture sociale et sanitaire.

Le SNJT a indiqué qu’il annoncera une série d’actions de protestation, relevant avoir fixé au 14 janvier une grève qui coïncidera avec le huitième anniversaire de la « Révolution de la dignité », du nom du soulèvement populaire tunisien déclenché par l’auto-immolation d’un marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010.

Pour sa part, le Syndicat général de l’information a demandé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de la mort par immolation du journaliste photographe et de traduire en justice tous ceux qui sont impliqués dans cette tragédie sociale et humaine.

Le syndicat relevant de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a appelé dans une déclaration rendue publique le gouvernement et les structures régissant le secteur audiovisuel privé, à ouvrir les négociations pour l’élaboration d’une loi relative au secteur, exhortant tous les partenaires sociaux dudit secteur à mettre sur la table le dossier de l’emploi précaire des journalistes toutes catégories confondues.

→ Lire aussi : Tunisie : Affrontements violents entre la police et des manifestants après l’immolation d’un journaliste

Dans ce même ordre d’idées, la Fédération tunisienne des directeurs de journaux a demandé, elle aussi, le démarrage d’une nouvelle session de négociations sociales dans le secteur de la presse écrite, arguant que les journalistes de ce secteur ne bénéficient pas jusqu’à présent de leurs droits à l’amélioration de leur pouvoir d’achat.

Le Syndicat a critiqué également ce qu’il qualifie de « désordre législatif » subi par le secteur des médias depuis des décennies, suite au non-respect par plusieurs établissements médiatiques du Code du travail et des législations en vigueur, sans compter leur recours à la politique de l’exploitation et du travail temporaire, en l’absence d’une couverture sociale pour la majorité des employés dans lesdits établissements.

Le suicide du journaliste photographe Abderazzak Zorgui qui s’est immolé lui aussi par le feu à la place des martyrs a alimenté la colère avec des tensions sociales qui ont atteint leur paroxysme.

Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, quelques instants avant la tragédie, le correspondant régional avait annoncé vouloir « déclencher, tout seul, une révolution ».

S’adressant aux « chômeurs de Kasserine, ceux qui n’ont pas de source de revenu, qui ont le ventre creux », Zorgui a appelé à prendre prétexte de son sacrifice pour « descendre dans la rue, brûler des pneus et casser ». « C’en est assez ! Huit ans qu’on nous promet du travail. Les janviers (anniversaires de la Révolution) se succèdent, et il n’y a rien. Que des mensonges! », s’indigne Abderrazak Zorgui.

Sur une autre vidéo circulant sur internet, un groupe d’individus entourait le journaliste, quelques instants avant que le corps de celui-ci ne prenne feu. Mardi, une enquête judiciaire a été ouverte pour déterminer les responsabilités des personnes présentes sur la vidéo.

Dans une déclaration à la radio privée Mosaïque FM, le porte-parole du Tribunal de première instance de Kasserine, Achraf Youssefi, a évoqué un manquement présumé à l’assistance à personne en danger.

En réaction à l’appel de Zorgui, de violentes protestations ont éclaté, dans la nuit de lundi à mardi, dans le centre-ville de Kasserine. Six policiers ont été blessés, une dizaine de manifestants arrêtés, d’après des sources sécuritaires.

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