Hassan Omar Alaoui n’est plus : Adieu « Frimousse » !

Par Hassan Alaoui

Quelques semaines après la douloureuse perte de notre ami Abdallah Stouky, comme une hécatombe, la faucheuse vient d’emporter un autre grand journaliste : Hassan Omar Alaoui (i) dit « Frimousse » pour ses intimes. Il nous laisse orphelins d’un combattant qui cumulait la fonction d’éditorialiste, de critique d’art, de conseiller et tenait lieu de l’un de nos modèles de la presse militante. Sans dogmatisme mais l’humour éclairant ses pas…Nos condoléances à son fils Omar, Khansa et tous ses proches.

Toute une littérature et ses mots ne suffiraient pas à décrire un homme dont la figure se confond et ploie avec quasiment un siècle. Hassan Omar Alaoui – ou Omari -, pour nous baptisé « Frimousse » est décédé ce mercredi 16 novembre à l’aube à Casablanca. Tout ce que l’on peut dire ou écrire ne saurait résumer une vie pétillante, celle du journaliste engagé, arabophone, comme il n’en existe désormais plus, du combattant pour les libertés, du témoin de l’Histoire qui a assumé des décennies durant sa qualité et son étiquette, vent debout, avec courage et une lucidité que seule la tendresse pour l’humanité eût pu tempérer chez lui.

« Frimousse » a couvert de sa silhouette frêle mais immense soixante ans au moins du journalisme, national et international, multidisciplinaire, celui du reportage, du témoignage, du tout terrain, du militantisme au raz des pâquerettes et de la pédagogie. La liste des publications auxquelles il a contribué est si longue qu’elle nous laisse pantois, parce qu’à chaque titre correspond un organe et une histoire, digne d’un conte. Compagnon des leaders de la gauche qui ont, vaille que vaille, façonné la scène politique du Maroc depuis Mehdi Ben Barka jusqu’au dernier mohican, Abderrahmane El Youssoufi, « Frimousse » incarnait la figure emblématique d’un journalisme pédagogique. Je veux dire de conviction passionnelle, d’éclairage et autant que faire se peut de vérité.

Patriote et nationaliste, il n’en démordait point. Sa présence sur l’échiquier de la presse remonte aux premières années de l’indépendance alors qu’il n’avait que vingt ans. Il a commencé dans le journal « At-tahrir », où il a fait à vrai dire ses premières armes, avec le ton et le style emprunt d’une grave – je dis une grave sagesse – pour déchiffrer, une belle langue aidant, la trame des événements complexes qui caractérisaient la vie politique et sociale du Maroc. L’époque n’était pas des plus aisées , ni clémentes, notamment avec les intellectuels de la gauche, dont beaucoup étaient soumis à une féroce répression. Entre Fquih Basri, Mohamed El Yazghi et, avons-nous dit, El Youssoufi , le chemin laborieux pour Hassan Omar Alaoui était à la fois long et escarpé. Ses éditoriaux dans « Al Mouharrir », organe de l’USFP des premiers moments respiraient l’exigence de vérité et nous offraient une prose à nulle autre pareille, tant la finesse et la stylistique relevaient d’une irrépressible exigence : celle de l’engagement inflexible dans la mouvance d’une gauche au large spectre qui fédérait des personnalités allant de Aziz Belal à Abderrahim Bouabid et Ali Yata, tous constituant ce cercle de l’opposition vertueuse, remarquable par sa force intellectuelle, véritable Intelligentsia aussi d’un Maroc engagé dans le combat démocratique. Outre « Al Mouharrir » et « Ittihad al-Ichtiraki » qu’il a nourri de sa plume, incandescente et sans concessions, « Frimousse » était également le chroniqueur assidu d’autres publications internationales arabophones, dont la prestigieuse « Ach-Charq al-Awsat », dont la direction de la rédaction était assurée par Othman al-Oumeir qui a crée et édite à Londres le site à grand succès, « Ilaf » et qui demeure l’un des très proches amis de Hassan Alaoui Omari. Il passera une partie de sa vie au sein du groupe « Le MatinMaroc Soir », notamment au quotidien « Assahra al-Maghribya », en qualité de chroniqueur et Conseiller de Othman al-Oumeir qui avait acquis le groupe…

Le patriotisme de « Frimousse » n’avait d’égal que son attachement viscéral à la Monarchie dont il n’a jamais cessé d’être un précieux soutien. Dans les dernières années du siècle passé, l’engagement de la gauche dans son total éventail au Roi Hassan II, ensuite à son digne successeur Mohammed VI devenait un, plutôt « le » facteur inédit et déterminant  d’une stabilité politique, diplomatique, sociale et culturelle sans commune mesure avec ce que nous avions connu pendants les années précédentes. La gauche, accédant au pouvoir en mars 1998, comme aussi bien avant cette date d’ailleurs, faisait de la démocratie l’exigence suprême, laquelle sous-tendait obligeamment une réconciliation nationale, l’adhésion aux valeurs suprêmes de la Nation, dont bien entendu la démocratie, la liberté et le respect des droits de l’Homme.

Hassan Omar Alaoui était de tous ces combats, exaltants et honorables. L’humour chevillé au corps, il était le compagnon averti, l’homme de toutes les causes, celui dont la modestie et l’abnégation constituaient la marque essentielle. A Mohamed Berrada, notre grand ami commun qui l’interrogeait, en présence de l’autre ami Hatim Bettoui, alors qu’il était à la retraite, en cessation de toute activité officielle : « Combien de mois par an , travailles-tu maintenant… », il rétorquait pince-sans-rire : « Je travaille le 13ème mois… ». Une vie de journaliste actif pendant les « années de plomb », couvrant un long parcours de combattant, d’éditorialiste à mettre en exergue les leaders de la gauche, à défendre l’intégrité territoriale de son pays, à conseiller, à former les jeunes, avec ce prestigieux principe porté comme un colifichet, de ne jamais rien demander, de ne prétendre à rien, fidèle à sa devise d’homme du renoncement aux honneurs…

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