Hassan II et l’Espagne : L’impératif du dialogue et du voisinage

Par Bouhadi Boubker :Professeur d’histoire contemporaine. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines  El jadida

Bien que le Maroc soit parvenu à tourner la page de son histoire coloniale avec la France par l’abrogation du traité du protectorat, et à recouvrer son indépendance, sans heurts notables ni crises majeures, il n’en sera pas de même avec l’Espagne qui continua d’occuper des territoires et des enclaves sur le sol marocain.

De ce fait, les relations entre le Maroc indépendant et l’Espagne furent marquées par des crises et des tensions plus ou moins graves. Pour les apaiser, faute de pouvoir les résoudre, Hassan II dut faire preuve de patience, de courage et de subtilité diplomatique.

Une décolonisation inachevée et difficile

Dépassée par les entretiens d’Aix Les Bains et la déclaration de la Celle–Saint- Cloud qui aboutirent à l’indépendance du Maroc, l’Espagne fut obligée de négocier les modalités de son départ avec le sultan, fraichement reconnu souverain libéré de la tutelle française. C’est ainsi que le 7 avril 1957, l’Espagne dut reconnaître, solennellement, l’indépendance du Maroc, dans un climat de tensions.

 Mais l’Espagne franquiste demeurait confinée dans ses vieux fantasmes africanistes et ses pseudo-droits historiques sur le sol marocain. De ce fait, elle entrave le processus de décolonisation des territoires marocains encore sous sa domination et, par conséquent, vide le traité du 7 Avril 1957 de sa légitimité et de sa portée juridique. À part la zone khalifienne du nord marocain et de la zone de Tarfaya, récupérée un an après l’indépendance, l’Espagne s’opposa à toute revendication marocaine sur les territoires de Sidi Ifni, le Sahara, Ceuta, Melilla, ainsi que les îles méditerranéennes de Badis, Nkour et Moulouya, qu’elle considérait comme une partie intégrante de son territoire.

 Ramener l’Espagne à revoir sa position anachronique et convaincre Franco de la nécessité de dialoguer avec le pays voisin au sujet du contentieux territorial, tel fut le défi à surmonter par le jeune monarque Hassan II, qui devait consolider les fondements de l’État national monarchique, renforcer le choix de la pluralité politique et du libéralisme économique et diversifier ses relations internationales, tout en privilégiant ses liens avec l’Europe occidentale et les États-Unis. Le Roi Hassan II était conscient que sa réussite, face à ces défis à relever, était conditionnée par son succès dans la gestion du contentieux territorial avec l’Espagne. Ce litige, qui avait pris la dimension d’une revendication nationale, était devenu aussi une priorité dans l’agenda des partis politiques du pays et un enjeu de taille dans l’affrontement qui les opposait à la politique et au pouvoir du Roi.

 Dialoguer avec l’Espagne, une conviction chez Hassan II

Face à cette situation très contraignante, Hassan II fera le choix de privilégier le dialogue et le bon voisinage avec son voisin espagnol. Il était convaincu que c’était le seul moyen de récupérer ce que l’Espagne refusait de restituer au Maroc, ainsi qu’un outil efficace pour instaurer un climat de confiance permettant aux deux pays de se projeter dans le futur. Ce fut un exercice long, dur et obstiné, qui commença en 1955 alors que Hassan II n’était encore que Prince héritier. Il continua jusqu’en 1975, avec les accords de Madrid. Puis enfin s’acheva par la signature, en 1991, du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération qui constitue, jusqu’à nos jours, le cadre référentiel et diplomatique des relations entre le Maroc et l’Espagne.

 À ses interlocuteurs espagnols, Hassan II aimait affirmer que « nous sommes les fils d’une histoire commune qui nous oblige à porter son fardeau, mais que nous ne devons pas répéter d’une manière dramatique, car les intérêts qui nous unissent sont bien plus importants que les problèmes qui nous séparent ». C’est pourquoi il disait souvent que même s’il était obligé de faire la guerre à ses voisins, elle devrait être, selon lui, un moyen pour défendre la paix et instaurer la confiance.

Cette vision d’interpeller l’histoire commune et de préserver le futur des relations entre les deux pays, était si ancrée dans sa pensée, à tel point que les diplomates espagnols, accrédités à Rabat, en furent sincèrement convaincus. Alfonso De La Serna, ambassadeur de l’Espagne au Maroc, entre 1977 et 1983, a rappelé dans ce sens, que « Si on ne peut pas connaître, vraiment, les sentiments intimes de Hassan II envers l’Espagne, sans doute de respect et de sympathie, on sait très bien que ses idées politiques claires et fermes, consistaient à prévaloir et préserver le futur des relations entre les deux pays, même dans les moments les plus difficiles. » Dans ce sens, Hassan II préféra davantage les initiatives où prévalaient le contact entre les hommes et le dialogue entre leurs idées. Ainsi naquit sa proposition de créer une cellule de réflexion, devenue le Comité d’Averroès, qui rassemblait des acteurs de la société civile des deux pays pour y échanger, loin des contraintes et pressions politiques, leurs points de vue et réflexions, et pour penser et proposer des solutions viables.

La dimension européenne des relations entre le Maroc et l’Espagne

 Après l’adhésion de l’Espagne à l’Union européenne, le Roi a bien saisi la nouvelle dimension que devraient prendre les relations entre les deux pays, et que dans cette situation, le Maroc serait obligé de passer à travers l’Espagne pour accéder à cette Union, en vue d’y défendre sa candidature pour un partenariat stable et avancé. De l’autre côté, le Roi a compris que l’Espagne, devenue le pont incontournable de l’Europe vers le Sud méditerranéen avec ses espaces maghrébins et africains, avait besoin du Maroc pour y parvenir facilement. De cette manière, la coopération entre les deux pays devint pour lui une priorité stratégique et vitale, et où leurs différents problèmes et contentieux, comme l’immigration clandestine, la contrebande, la pêche et l’agriculture, seront traités comme affaires/problèmes européens. Cette nouvelle donne ne fera que renforcer les relations du Maroc avec l’Espagne, mais cette fois-ci, dans une perspective de rationalité et de realpolitik, qui va les libérer du poids du passé et de ses malentendus.

Trouver un interlocuteur viable

C’est vrai qu’aujourd’hui, les relations entre les deux pays sont excellentes. Le Maroc est devenu prioritaire dans l’agenda diplomatique et politique de l’Espagne. Il est aussi l’objet de grand intérêt pour diverses instances et groupes de réflexions et de recherches espagnols (Think Tank) qui le focalisent dans la perspective de cette vision, bien différemment des medias espagnols encore sous l’influence des vieux clichés négatifs sur le Maroc et sur ses réalités. Mais à son époque, le Roi Hassan II a dû agir dans une ambiance moins favorable, parfois hostile. Son interlocuteur espagnol, plus que difficile, était peu soucieux de comprendre la réalité complexe de nos relations et bien loin de participer à des solutions et à des compromis viables pour résoudre les problèmes suspendus dont les revendications légitimes du Maroc.

Durant tout son règne, le roi Hassan II avait, en face de lui, des interlocuteurs et des partenaires politiques espagnols différents dans leurs styles politiques et dans leur référentiel idéologique. Mais tous avaient la même posture de méfiance et de réserve, pour ne pas dire de peur, de ce voisin inquiétant qui s’est installé dans leur histoire et leur mémoire comme un spectre menaçant. Il faut savoir que le Maroc est synonyme d’une grande défaite dans les annales militaires contemporaines de l’Espagne (Guerre du Rif, depuis 1909 et la bataille d’Anoual, en 1921). Il est aussi fortement associé à leurs deux dictateurs militaires : le Général Primo de Rivera qui a instauré sa dictature en 1923, suite au grand désarroi et confusion dans lesquels avait sombré l’Espagne, après la défaite d’Anoual, deux ans auparavant. Et puis le Général Franco qui partit du Maroc avec ses soldats maures, renversa la jeune république espagnole et instaura un régime dictatorial qui a duré jusqu’à 1975. Enfin, c’est du Maroc qu’a déferlé une marche de maures (la Marche verte) qui s’est accaparée de « leurs » territoires sahariens, profitant de leur désarroi pendant une phase de transition critique suite à l’agonie puis la mort de leur dictateur Franco.

Franco, un interlocuteur ferme et intransigeant

Nul ne peut douter que le plus dur et intransigeant interlocuteur espagnol du Roi Hassan II était le général Franco. L’homme était très attaché au Maroc où il avait fait une brillante carrière professionnelle, grâce aux mérites militaires qu’il a obtenus dans les champs de batailles coloniales. C’est aussi sur le sol marocain qu’il forgea le mythe de son personnage providentiel et l’essence de sa pensée africaniste subversive qui l’emmena, grâce à ses soldats marocains, au sommet de sa gloire comme Caudillo d’Espagne, après une terrible guerre civile qui a duré trois ans (1936-1939). Hassan II l’avait déjà approché, durant les négociations de Madrid, en avril 1956, où il avait constaté son intransigeance et son manque de flexibilité. Il avait aussi expérimenté ses tergiversations pour entraver la récupération de Tarfaya et Sidi Ifni. Son obstination de ne rien céder de sa chère Africa española donnait l’impression, comme disait Hassan II, qu’on lui arrachait une partie de son corps, chaque fois que le Maroc récupérait une partie de son territoire occupé par l’Espagne.

Ayant la confiance de certaines personnalités- pour ne pas dire de grandes amitiés- influentes au sommet de l’État Franquiste, Hassan II les persuada de ses bonnes intentions pour établir des relations stables qui tiennent en compte les intérêts des deux parties, et de rester ouvert à toutes les propositions dans ce sens.

 Parmi ces personnages espagnols, le général Muñoz Grandes, alors vice-président du gouvernement espagnol. Il était connu pour ses amitiés marocaines et par ses positions en faveur du Maroc et de ses revendications concernant le Sahara. Convaincu des bonnes intentions du Roi envers son pays, il se porta émissaire pour transmettre ses voeux de cordialité et de bon voisinage à son chef le Caudillo Franco. De ce fait, il déploya ses efforts pour créer, au sein du gouvernement de son pays, un intérêt en faveur d’une politique de coopération et de rapprochement avec le Maroc.

 L’autre personnalité qui approcha Hassan II, et qui fut elle aussi séduite par son pragmatisme, sa vision pertinente et sa realpolitik, fut l’ambassadeur de l’Espagne à Rabat (entre1963 et 1964) Manuel Aznar Zubigaray. Grand défenseur du franquisme, il est aussi le grand-père du président du gouvernement espagnol, Manuel Aznar. Il mena une politique d’intransigeance et de fermeté envers le Maroc, soldée par une grave crise dans les relations hispano-marocaines après l’incident de l’Île Perijil (Taura), en 2002.

Dans ses rapports au ministère des Affaires étrangères concernant ses discussions avec Hassan II, l’ambassadeur Aznar insistait sur la bonne foi du souverain marocain et sur la nécessité d’une réaction positive de la part du gouvernement de son pays pour renforcer les liens avec le pays voisin.

L’esprit de Barajas ou le dialogue à sens unique

De ces contacts et démarches naquit l’idée de l’entrevue entre les deux chefs d’Etats, connue sous le nom de la rencontre de Barajas, qui se déroula le 6 juin 1963. Cette première percée effectuée par Hassan II dans le mur d’obstination du général Franco, fut commentée et interprétée par certains analystes et historiens comme une transaction conclue entre les deux dirigeants concernant le sort des territoires marocains en dispute. Aujourd’hui, les documents nous révèlent le vrai sens de cette rencontre qui ne fut pas une visite officielle, mais le résultat de l’initiative du monarque alaouite qui croyait à l’importance du contact personnel entre les hommes quelles que soient leurs divergences.

Certes, on ne peut prétendre connaître les détails de la discussion qui eut lieu entre les deux hommes. Par contre, on sait que la rencontre fut minutieusement préparée par les chefs de la diplomatie des deux pays à savoir Ahmed Balafrej et Fernando Casteilla, avec la collaboration du général Muñoz Grandes et de l’ambassadeur Aznar.

 Par ailleurs, l’ambassadeur espagnol a dû rédiger un rapport envoyé à son ministre Casteilla intitulé « Déclarations secrètes du Roi concernant le présent et le futur des relations entre le Maroc et l’Espagne » où il souligna que toutes les idées mentionnées dans ledit rapport sont l’expression claire de la pensée de Hassan II relative à l’état des relations entre les deux pays et qui représente, toujours selon l’ambassadeur, une proposition pragmatique et réaliste pour solutionner leurs différents et leurs contentieux. Il ajouta, que ces idées représentaient une analyse clairvoyante qui diffère de la vision de l’Espagne et sa position, et qui prend en considération le contexte international de la décolonisation et de la guerre froide.

 Les grandes lignes de cette analyse défendue par Hassan II, avec insistance, devant Franco à Barajas, peuvent se résumer aux éléments suivants :

– L’Espagne ne peut faire exception face au mouvement de décolonisation soutenu et encouragé par l’ONU, et Franco devait l’accepter dans ses colonies africaines pour se mettre en diapason avec les nations civilisées.

– Toute réaction positive de la part de l’Espagne envers ce mouvement, et en l’occurrence envers les revendications marocaines, renfoncerait sa position au sein des nations libres et de la communauté internationale, et l’aidera à sortir de son isolement. Et si l’Espagne ne change pas d’attitude, elle ne fera que reproduire l’exemple portugais de Salazar, situation qui l’exposera à une condamnation mondiale.

– L’Espagne doit entamer un dialogue sur des propositions réalistes et viables, à savoir la rétrocession de Sidi Ifni et du Sahara, et la discussion sur le sort de Ceuta et Melilla, pour ne pas se voir obligé de céder, sous la pression et la contrainte, situation qui risquerait d’envenimer les relations entre les deux pays,

 – Les relations d’amitiés et du bon voisinage sont le seul choix stratégique pour garantir la stabilité durable dans toute la zone. De telles relations créeront un climat de confiance qui permettra à l’Espagne de participer au développement d’un Maroc moderne, fort et stable.

Toutefois, cette grande plaidoirie dispensée par Hassan II pour secouer l’immobilisme du général Franco et la rigidité de sa position envers le Maroc, fut un vain effort. Ce que certains historiens ou politologues appelaient l’esprit de Barajas n’était qu’un dialogue à sens unique et sans écho. Durant la rencontre, Franco, fidèle à son caractère et à son tempérament, écouta son interlocuteur avec gentillesse et passivité, mais sans réactions ni signes d’approbation. Malgré cette déception, et malgré la difficile situation intérieure, aggravée par les séquelles de la guerre des sables contre l’Algérie, Hassan II resta fidèle à son choix devenu obsession chez lui. Bientôt, il rendra visite à Franco, au mois de février 1965, sous prétexte de partager avec le Caudillo une de ses rares passions qu’est la chasse. Mais la déclaration subtile de Hassan II aux journalistes, qui cherchèrent à comprendre ce que cachait cette partie de chasse, précisa qu’il n’est pas venu seulement pour tuer les cervidés, mais pour tuer aussi la méfiance, résumait l’immobilité de la situation, et l’état de rigidité et d’obstination qui caractérisait l’attitude de Franco de ne rien céder face au Maroc.

Il a fallu attendre jusqu’au mois de juin 1969, suite à des pressions et des résolutions onusiennes pour que l’Espagne cède le territoire de Sidi Ifni, après l’accord de Fès du 4 janvier de la même année. Pour justifier ce revirement et la cession d’une province considérée de souveraineté nationale, le conseil d’Etat espagnol n’a trouvé de justification que de dire que Sidi Ifni ne fut qu’une province fonctionnelle et non territoriale, marquant ainsi la différence entre ce qui est espagnol, et ce qui est de l’Espagne. Ce fut une petite victoire, mais une grande fissure dans le mur solide qu’avait essayé de construire Franco autour de son rêve africaniste, et que Hassan II tentait de mettre en miettes.

Forcer le dialogue par la Marche verte

 De par cette longue et rude expérience espagnole, le Roi Hassan II alla expérimenter une nouvelle et ingénieuse tactique dans sa stratégie de forcer Franco à s’ouvrir sur un dialogue sérieux, annonçant cette fois l’organisation, en l’automne de 1975, d’une marche verte pour récupérer les territoires sahariens. Cette démarche insolite, qui a surpris le général Franco dans ses derniers moments d’agonie, fut l’origine d’une intense négociation, et de va-et-vient de ministres et de hauts responsables entre Madrid, Rabat et Marrakech. Et malgré la tension palpable créée par ces événements, et intensifiée par l’implication dans cette affaire d’autres parties comme la Mauritanie, l’Algérie, l’OUA, l’ONU et les EE.UU, Hassan II continua à croire en son choix, affirmant à ses interlocuteurs espagnols que le dialogue doit toujours rester entre des andalous. Certes, le dialogue fut difficile, mais toujours marqué de la part de Hassan II comme en témoignèrent les acteurs espagnols eux-mêmes, par la courtoisie, la cordialité, la sincérité et le désir d’arriver à une solution pacifique. Rappelons que la situation alors en Espagne fut très critique. Le Prince Juan Carlos venait d’assumer la responsabilité de l’Etat, alors qu’il n’avait pas encore la confiance des potentats du pouvoir, ni une solide assise au sein de l’échiquier politique du pays. Et pour ne pas faire obstacle devant son ascension au pouvoir, Hassan II adressa à Juan Carlos une lettre de soutien qui l’encouragea dans ces moments difficiles et salua même son initiative de visiter les casernes militaires des îles Canaris et de Laayoun, pour tranquilliser l’armée espagnole, dans ces moments difficiles pour l’Espagne, et la convaincre de l’importance de la solution politique et pacifique de la question du Sahara.

C’est dans ce contexte de pression, de dialogue et des discussions difficiles et intenses, que parvint Hassan II à obliger l’Espagne à signer les accords de Madrid en octobre 1975, tout en préservant les relations de voisinage et d’entente entre les deux pays. C’est le choix qu’il a toujours défendu avec insistance et sans relâche, et qui a fini par trouver un écho dans l’autre rive. Des personnalités bien placées dans les sphères de l’État espagnol et des diplomates de grandes carrières comme ; Maximo Cajal (secrétaire adjoint du ministère des affaires étrangères espagnole et ambassadeur à Paris jusqu’en 1996) et Jaime de Piniés (ambassadeur à Londres, Washington et au sein des Nations unies jusqu’au 1985) ont levé leur voix pour une solution définitive avec le Maroc sur la question du Sahara, et sur le futur de Ceuta et de Melilla. Selon eux, cette solution renforcera la position de leur pays dans ses discussions avec la Grande-Bretagne sur le sort du Gibraltar, et garantira la paix et la stabilité dans une zone devenue prioritaire pour leur pays, ainsi que pour l’Union européenne. Une autre grande personnalité qui a joué un rôle important dans l’histoire de l’Espagne contemporaine, le général Gutiérrez Mellado, (vice-président et ministre de guerre durant le gouvernement de transition en Espagne, et célèbre par sa posture défiante face au baroud d’honneur des militaires nostalgiques de la période franquiste en 1981) affirma, avec conviction, durant les événements de la Marche verte «qu’il ne faut pas obliger Hassan II à faire la guerre, c’est un homme de paix».

 Enfin un interlocuteur qui accepte de dialoguer

Il a fallu attendre l’arrivée des socialistes et de leur leader Felipe González au pouvoir, en Espagne (1982-1996) pour, enfin, trouver un interlocuteur, même s’il ne partageait pas les mêmes idées et convictions que Hassan II. Il croyait sincèrement et fermement comme lui au choix impératif du dialogue et du bon voisinage entre les deux pays. Les socialistes espagnols, révélés réalistes et pragmatiques, vont éviter toute escalade verbale à propos des réclamations territoriales marocaines, tout en oeuvrant pour une politique de coopération et de confiance mutuelle. Pour cela, ils vont renoncer à la stratégie de compensation et d’équilibre qui visait à exploiter, à l’avantage de leur pays, la concurrence entre l’Algérie et le Maroc. À sa place, ils vont adopter la stratégie générale, qui favorisait l’intégration régionale et le développement économique et social comme garantie de stabilité dans toute la région. En même temps ils vont mettre en oeuvre une politique marocaine basée sur la théorie de colchon d’intereses (matelas des intérêts) qui visait à amortir les pressions revendicatives du Maroc par le renforcement des intérêts communs entre les deux pays. Cette démarche qui répond au choix de dialogue et d’entente qu’avait défendue Hassan II, sans se compromettre avec lui sur le sort des enclaves encore occupées, allait créer une atmosphère de confiance mutuelle, réaffirmée par la visite du Roi du Maroc à l’Espagne, en 1986, puis renforcée par la signature du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération, en 1991, qui encadre les relations entre les deux Etats.

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