Haut-Karabakh : Que se passe-t-il dans le Caucase du Sud ?

Les hostilités reprennent entre l’Azerbaïdjan et les forces séparatistes soutenues par l’Arménie, se disputant le territoire du Haut-Karabakh, après des années de gel. Face à ce conflit qui dure depuis des décennies et qui menace la stabilité de la région, la communauté internationale, dont le Groupe de Minsk, tire la sonnette d’alarme. Sur fond de violation de l’intégrité territoriale azérie, les alliances et les luttes d’influence se multiplient tandis que les deux belligérants s’accusent mutuellement d’attaquer des zones civiles.

La situation s’envenime dans le Haut-Karabakh, avec le réveil d’un conflit vieux de plusieurs décennies. De nombreux bombardements, suivis d’explosions ont secoué dimanche dernier Stepanakert, principale ville de la région. Selon les informations rapportées par l’AFP, le président de la république autoproclamée, Arayik Haroutiounian, a déclaré qu’en réponse aux frappes sur Stepanakert, des infrastructures militaires de « grandes villes » d’Azerbaïdjan avaient été visées, avant d’annoncer la destruction de l’aéroport de la seconde ville azérie, Ganja. Des annonces qui auraient été démenties par Baku qui a toutefois affirmé que des civils avaient été touchés. Dimanche, l’Azerbaïdjan a affirmé avoir grièvement blessé le président de la république autoproclamée, ce que le service de presse de ce dernier a démenti. Toujours selon l’AFP, des bilans très partiels seraient communiqués depuis dimanche dernier, 190 personnes seraient mortes : 158 soldats séparatistes, 13 civils arméniens et 19 civils azerbaïdjanais. « Bakou ne communique pas ses pertes militaires. Mais le bilan pourrait être bien plus lourd, l’Arménie affirmant que 1.280 soldats azerbaïdjanais sont morts, quand Bakou dit avoir tué 2.300 militaires adverses », ajoute la même source. Ainsi, les deux forces s’accusent mutuellement d’attaquer des zones urbaines en dehors même du territoire disputé, avec une communication opaque quant au nombre de victimes. Le Groupe de Minsk, co-présidé par la France, les États-Unis et la Russie, chargé de la médiation sur ce dossier, dénonce une « menace inacceptable pour la stabilité de la région » et appelle à un cessez-le-feu immédiat.

Retour sur des décennies de conflit
Situé dans la région stratégique du Caucase du Sud, au carrefour de l’Asie et de l’Europe, entre la mer Noire et la mer Caspienne, le Haut-Karabakh, appelé aussi « poudrière du Caucase », a réveillé de profondes rivalités entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Pour comprendre la situation, il faut remonter à juin 1921, lorsque Staline attribue le territoire du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan. Ce territoire montagneux de 4.400 km² en territoire azéri est peuplé majoritairement d’Arméniens et bénéficiait alors d’un statut autonome. En février 1988, en pleine « Perestroïka », des manifestants réclament le rattachement de cette région à la République Socialiste et Soviétique d’Arménie. Le parlement du Haut-Karabakh officialise cette demande, ce qui va déclencher de violents affrontements. Mais avec la dislocation de l’URSS en 1991 ainsi que l’indépendance de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, les revendications sécessionnistes s’accentuent, conduisant l’Azerbaïdjan à supprimer l’autonomie de la région. Le Haut-Karabakh autoproclame son indépendance avec le soutien de l’Arménie, sans qu’aucun État des Nations Unies ne le reconnaisse. Ce pas entraine ainsi une guerre meurtrière, durant laquelle les deux parties s’accusent mutuellement d’épuration ethnique, et donne lieu à des centaines de milliers de réfugiés et déplacés. En 1994, un cessez-le-feu est proclamé après la « victoire » de l’Arménie qui s’approprie 13% du territoire azéri pour créer une continuité territoriale. Le conflit sera ensuite gelé malgré la tentative de médiation du Groupe de Minsk.

Du conflit régional aux jeux d’alliances
Le conflit lié à l’Haut-Karabakh suscite toutes les convoitises, mais aussi de nombreuses craintes. En effet, il faut rappeler que le Caucase du Sud est une région riche en hydrocarbures et importante d’un point de vue stratégique puisqu’y transitent oléoducs et gazoducs pour rejoindre la Turquie et l’Europe. La paix dans la région est donc dans l’intérêt de tous. Par ailleurs, cette confrontation amène plusieurs puissances à se positionner dans un des deux camps. La Turquie voue un soutien sans faille et sans réserve à l’Azerbaïdjan en raison de sa proximité identitaire (pays turcophone), mais aussi des tensions avec l’Arménie à propos du dossier du génocide arménien. D’ailleurs, une enquête parue dans le journal britannique The Guardian évoque la présence de mercenaires syriens embauchés par une société turque pour y faire la guerre. Une information aussitôt démentie par Ankara. Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Çavusoglu appelle en revanche à la fin de l’occupation du Haut-Karabakh par les séparatistes appuyés par l’Arménie, et demande à l’OTAN « d’appeler l’Arménie à se retirer » de l’enclave et au respect de « l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan ». Quant à la Russie, elle adopte une position de « médiateur », puisqu’elle entretient de bonnes relations avec les deux pays, auxquels elle envoie des armes, bien qu’elle soit plus proche de l’Arménie. Par ailleurs, l’Azerbaïdjan est le pays le plus riche des trois pays du sud du Caucase (Arménie, Géorgie), le pays a pu bénéficier des ressources en hydrocarbures grâce à son accès à la mer Caspienne tandis que l’Arménie vit principalement de l’agriculture et du tourisme.

 

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