HCP, Cour des Comptes, CESE, Conseil de la Concurrence … Des rapports mais encore ?

CE QUE JE PENSE

Si d’habitude, le mois de septembre apporte les couleurs de l’automne pour nous enchanter et nous émerveiller, il n’en est pas toujours ainsi malheureusement. Cette fin de mois nous a réservé des inquiétudes qui font planer l’angoisse encore plus sur des lendemains incertains. Entre les conclusions alarmantes du Conseil de la Concurrence publiée le 26 septembre, sur le dossier explosif des hydrocarbures et la décision de Bank Al-Maghrib de relever le taux directeur de 50 points de base à 2% à l’issue de la troisième réunion trimestrielle de son Conseil, nous avons de quoi avoir des sueurs froides. 

L’urgence est là, soulignée par l’instance d’Ahmed Rahhou qui secoue le panier de crabes pour nous révéler, encore une fois, des pratiques qui ne surprennent plus tout en pointant du doigt les pétroliers. En dénonçant la forte concentration dans un secteur épineux, il conforte la majorité des Marocains dans leurs doutes et appelle ainsi à revoir les mécanismes de régulation des marchés du gasoil et de l’essence si on veut vraiment arrêter les dégâts de la flambée des prix de l’énergie à l’échelle nationale et tout ce qui s’en suit.

Le non-sens est flagrant : malgré la libéralisation, le secteur des hydrocarbures demeure un marché régi par des textes obsolètes datant des années 1970, ne tenant pas compte des grands changements que ce soit au niveau national ou international, d’où la mainmise d’une minorité sur ce marché fort juteux. L’augmentation des marges commerciales brutes des différentes sociétés de distribution sur les deux produits (gasoil et essence) quel que soit le niveau des cours à l’international et du prix de vente sur le marché national est devenue une habitude incontestable. En effet, même en cas de baisse, les distributeurs cherchent « d’abord, à écouler le stock des produits achetés auparavant à un prix plus élevé et sont même tentés de consolider leurs marges voire de les augmenter ». D’ailleurs, n’est-il pas aberrant que les marges des sociétés de distribution aient connu une forte hausse au moment où les cours internationaux ont connu une baisse importante en 2020 et 2021 ?

Force est de constater que les marchés du gasoil et de l’essence sont des champs qui sont aisément acquis à une poignée de privilégiés, un marché régi par des règles dont ils détiennent le sésame, mais qui s’avère miné pour quiconque voudrait s’y aventurer.

Aussi quelque quatre ou cinq grandes sociétés s’accaparent-elles les grandes parts du marché piétinant les moyens et petits opérateurs. D’ailleurs, il s’agit là d’une activité -pour ne pas dire rente- qui permet de générer de grands bénéfices ne profitant qu’aux mêmes opérateurs qui continuent de s’enrichir, abstraction faite de la conjoncture parce que la concurrence sur ces marchés n’existe tout simplement pas étant neutralisée par une poignée de pétroliers qui maintient, sous son emprise, une manne « héritée » et enterre toute concurrence saine pour les consommateurs. Le Conseil le souligne d’ailleurs : « Les sociétés de distribution ont tiré profit de la forte chute du cours sur le marché international pour augmenter leurs marges ». Or la mission première du Conseil est de vaincre la concurrence déloyale dans ses dimensions structurelles.

Mais à voir les réactions sur la toile, devenue le confessionnal des sans-voix, on constate que la défiance pour ne pas dire la méfiance s’est bien ancrée dans la société. Les citoyens ne croient plus en ces avis, rapports et ces enquêtes brandis, à chaque fois, par des institutions ou des Conseils dont on ne voit pas de retombées. 

Du reste, les rapports de la Cour des Comptes, quant à eux,  publiés chaque année, se ressemblent presque, s’accumulent et s’archivent …  sans plus. Toutefois, il faut bien le rappeler, les magistrats font un excellent travail qui nécessite beaucoup d’efforts et plusieurs missions de contrôle sont menées. Les médias, de leur côté, impressionnés, à chaque « trouvaille » rapportent, décortiquent et rendent compte de constats « accablants » rendus par la Cour ou par d’autres institutions ou Conseils. Et puis, on pointe, on accuse, on dénonce mais encore ? combien de rapports ont réellement été utiles ? combien de recommandations ont été prises en compte ? Combien de rapports restent sans effet et finissent au fond des tiroirs ou dans des broyeurs de papiers ? 

De leur côté, le HCP et le CESE dressent des bilans et des rapports, pour le moins que l’on puisse dire, atterrants et accablants. Enseignement, santé, fonction publique, institutions publiques … tout y passe au crible pour relever des défaillances sempiternelles. Des enquêtes minutieuses révèlent des dysfonctionnements à grande échelle causant des pertes colossales au budget de l’État. Et ?

Bien entendu, les instances de contrôle de la vie publique et économique s’acquittent de leurs missions mais qu’en est-il des mesures concrètes prises après les  avis et rapports fâcheux qui se succèdent et se ressemblent ? Les citoyens, dans leur désespoir et leur suspicion, n’attendent plus grand-chose de ces conclusions parce qu’ils savent, depuis longtemps déjà, que le laxisme est le maître mot de ces situations.

On dresse le diagnostic des maux, les rapports pointent du doigt les institutions et secteurs qui ne s’acquittent pas de leurs missions comme il se doit mais les dossiers ne tardent pas à se faire oublier dans la foulée. Cela devient donc un exercice de routine sans plus. Ce qui donne une image désolante du Maroc et pénalise le développement du pays.Pourtant ce sont  ces « manquements au devoir » mêmes que Sa Majesté le Roi a qualifié de « trahison », en insistant pour que, gouvernement, partis et institutions « rendent des comptes » en menaçant de destitution tout responsable qui faillirait à sa mission.

Au grand bonheur de certains, le rôle de ces Conseils et Institutions se limite à vérifier les comptes, à fournir des constats et des statistiques en formulant des recommandations. Or à quoi bon remuer le joug et brandir des rapports atterrants si des suites ne sont pas engagées à l’encontre de toute personne ou institution ayant manqué à ses devoirs et missions ? Certes cela ne veut pas dire qu’ils manquent de bonne volonté, mais ont-ils vraiment le pouvoir d’assurer ce suivi ?

De facto, la frustration, l’amertume et même un sentiment d’abus et d’impuissance sont au rendez-vous après chaque avis ou rapport qui met en évidence les irrégularités et épingle les fauteurs… et le circuit s’arrête là. La sanction n’est jamais de mise et l’épée de Damoclès tombe toujours loin.

L’absence de répression et le laxisme judiciaire font que dans notre Royaume, habitués à une fin de non-recevoir, ceux qui sont épinglés attendent toujours que l’orage passe avant de reprendre le même scénario.

Et pour revenir aux conclusions du Conseil de la Concurrence, ce dernier a trouvé matière à tancer, d’ailleurs, les résultats ne diffèrent pas trop des précédents. Mais maintenant que le mal est diagnostiqué encore une fois, ne faut-il pas qu’il y ait des décisions fracassantes pour changer les choses et donner l’exemple ? Déterminer les vraies responsabilités et agir en conséquence s’avère nécessaire. Les conclusions ne devaient-ils pas provoquer une réaction des responsables et pourquoi pas du chef de gouvernement ou du moins du porte-parole du gouvernement ? Mais bon, on ne peut être juge et partie à la fois.

Il est vrai que le Conseil présidé par Ahmed Rahhou a proposé plusieurs mesures et recommandations pour réguler le secteur et rendre les marchés du gasoil et de l’essence plus concurrentiels mais le plus dur reste donc à faire : aller jusqu’au bout dans les enquêtes portant sur les soupçons d’entente entre les distributeurs qui s’accaparent le marché, s’engraissent et déplument les consommateurs. Engager un suivi rigoureux et exiger la transparence d’opérateurs qui évoluent et prospèrent dans un milieu opaque s’avèrent nécessaires et imminents.

N’est-il pas encore arrivé le moment des redditions ? Il faut que l’exécution suive les décisions et que la justice soit imparable pour tout le monde. Sinon pourquoi continuer à publier les rapports effectués par ces institutions et ces Conseils s’ils ne servent à rien finalement, s’ils n’ont pas un devoir de suivi et que cela n’entraîne pas de suites systématiques ? 

En somme, il faut faire de la reddition des comptes un principe fondateur de la gouvernance du pays qui s’impose afin de réinjecter de la confiance dans la société. Si c’est juste pour publier des constats et tirer les signaux d’alarmes, alors cherchons l’erreur ensemble !!!

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