« Il faut que tout change pour que rien ne change » !

Par Hassan Alaoui

« Il faut que tout change pour que rien ne change » ! Le propos est du Prince Salina, héros du livre « Le Guépard », le seul qu’ait écrit Giuseppi Tomasi, dit Lampedusa, chef d’œuvre d’une époque sicilienne, écrit en 1860 et paru à titre posthume en 1958,  dont il fut dit qu’elle reflète encore l’exemple du magistral machiavélisme politique. Elle guide à présent notre vision des choses.

Dans une interview accordée à notre confrère Abdallah Tourabi, le ministre des Affaires générales , Lahcen Daoudi a déclaré tout de go que « le Maroc n’a pas d’autre alternative en 2021 que le maintien du PJD pour gouverner ». Il ne croyait pas si bien dire et son franc-parler qui ne sacrifie à aucune rhétorique ne nous étonne point. Par ailleurs, cette réponse de Abdelilah Benkirane à Aziz Akhannouch : « Puisque c’est le Roi qui fait tout, à quoi tu sers si tu es élu ? », aura été d’un ton lapidaire qui en dit long sur la relation empoisonnée entre les deux hommes. La politique étant l’art du quotidien, nous sommes constamment conviés donc à assister au jeu des « petites phrases assassines ». A défaut de débats, ou d’un débat politique conséquent, nous avons droit au dérisoire langage de règlement de comptes, sournois, vindicatif et surréaliste.

Lahcen Daoudi enfonce un coin, c’est plus que l’évidence, lorsqu’il se cantonne mordicus dans sa démonstration de plafonnement des  marges de produits pétroliers dont il fait son credo, sachant pertinemment et sans doute à dessein que le cartel du pétrole et du gaz comprend en son sein un certain Aziz Akhannouch, leader entre autres du RNI. Derrière la logique économique, le « ministre démissionnaire virtuel » du PJD entonne l’habituelle antienne du populisme et entend porter un coup de ciseaux à la logique du marché et du libéralisme. Une telle situation n’est pas inédite, elle semble contradictoire, parce qu’elle traduit une insidieuse diversion au sein du gouvernement où chacun chante comme ça lui plait et lui sied. En fait, nous avons affaire à un gouvernement à plusieurs chansons et, tel un artefact, il nous étonnera chaque jour par ses contradictions. Il est digne de ce qu’on appelle « Moulouk tawaeif », chacune des 6 formations qui le composent tirant « a hue et a dia », imposant son propre rythme, en quête de sa propre identité et défendant sa singularité.

C’est peu dire que la politique partisane, disons plutôt politicienne, est à présent la marque de fabrique et que l’intérêt publique, celui des citoyens, est relégué aux calendes grecques et ne suscite de curiosité qu’à la veille des échéances électorales. Les uns et les autres, se guettent et s’épient, mobilisés et à l’affût de ce que dira le premier  et répondra le second. Ainsi donc va la politique, ou ce qui en fait semblant, routinière, consensuelle et plaquée sur le même code de l’inertie mortifère. Entretemps, les problèmes s’aiguisent : le chômage, l’inflation, l’inemployabilité, la déficience des secteurs publics, le mépris du citoyen et surtout la crise de confiance qui est à notre société ce que le ver est au fruit. A-t-on jamais eu droit à une décision spectaculaire qui vienne nous surprendre avec une mesure susceptible de changer le cours de cette vie politique devenue synonyme d’inertie ? Qui nous sorte enfin de la morosité prégnante et de cette autosatisfaction jubilatoire devenue l’Alpha et l’Omega de tous les partis ?

Parmi les 6 formations qui composent la majorité hétérogène au pouvoir ( PJD, RNI, MP, UC, USFP et PPS),  et ceux qui constituent l’opposition , quatre au moins se prévalent du rôle de challengers : le PJD, fort de ses 125 députés élus, le PAM avec 102 sièges qui le suit mais qui est soumis à une véritable implosion, le Parti de l’Istiqlal avec 46 élus qui se bat pour reconquérir son aura et le RNI avec 37 élus sur lequel se fondent pourtant bien des espoirs. La réalité sociologique est là, thermomètre incandescent d’un tableau qui ne manque pas de nous surprendre. Le scrutin législatif prochain reconduira en somme les mêmes partis avec en revanche des hommes , je veux dire quelques leaders nouveaux à leur tête, notamment du PJD, du PAM, du Parti de l’Istiqlal et du RNI qui ont connu une manière de métamorphose relative.

La scène politique nationale semble bouger, et les déclarations intempestives qui se croisent, tantôt solitaires et individuelles, tantôt en écho, nous résument en vérité une cacophonie irrévérencieuse, fagotée et indigne des enjeux nationaux.

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