Intelligence artificielle : Pour le meilleur OU pour le pire ?

Dossier du mois

Amine Jamai, D.G Valoris Conseil & Valoris Executive Search, Ecrivain

Allumer de petites lumières

 

 Le capital Immatériel le plus cher de notre nation chérifienne est, indénia­blement, le capital intellectuel de nos enfants, celui-là même qui pourra enrichir notre collectivité, par leurs sciences, leurs re­cherches et découvertes.

Seulement voilà, les premiers de nos en­fants, nos surdoués marocains, ne sont pas pris en charge, et nous ne savons même pas combien d’enfants précoces dotés d’un très fort potentiel peuplent les provinces de notre Royaume.

Ces enfants – presque personne ne soup­çonne qu’ils sont brillants dans le sens com­mun – car ils sont souvent en échec scolaire.

La dimension pédopsychiatrique de leurs particularités n’est pas prise en compte et beaucoup d’entre eux sont exclus du système scolaire pour inadéquation, provoquant ainsi un sérieux déficit de compétences au-dessus de la norme, compétences qui auraient pu nous servir – entre autres – à nous hisser dans le concert des pays développant de nouvelles technologies.

Les statis­tiques mon­diales reflètent que 2/3 des surdoués non répertoriés sont en échec sco­laire. Et l’en­semble des efforts pour développer les enfants dans les systèmes d’éducation des pays en voie de développement, sont concentrés sur ceux qui sont normaux, voire brillants à l’école.

Les grandes puissances, elles, ont, de­puis longtemps, introduit dans leur système d’éducation des traqueurs pour insérer leurs surdoués dans des systèmes d’éducation parallèle, spécia­lisés.

Ne pas le faire engendre souvent une vraie destruction de ce fameux capital immatériel.

Un enfant de 5 ans qui ne sait pas colorier sans déborder, au grand désespoir de sa maî­tresse, et qui s’intéresse déjà à la physique quantique…pourrait être mis à l’écart de notre système d’éducation.

Nous pouvons débattre longtemps sur la question « faut-il les prendre en charge et les aider à développer leur potentiel, ou les lais­ser vivre, tranquillement, leur destinée quelle qu’elle soit ? ».

En somme, un débat de la même teneur que « éduquer en français, anglais… ou en arabe » n’est-il pas superflu ? C’est ce genre de débats qui nous retardent surtout dans cette course mondiale à l’intelligence, qui au mieux, fait doucement sourire les superpuissances.

Pour vous aider à sourire aussi, intéres­sez-vous au filtre de recrutement chez Goo­gle, cela vous permettra de vous faire une idée du monde où l’on vit :

« Nous sommes moins intéressés par vos notes et votre dossier de scolarité que par la façon dont vous raisonnez. Nous vous po­serons des questions qui nous permettrons de savoir comment vous résolvez les pro­blèmes. Montrez-nous comment vous abor­deriez le problème présenté, et n’essayez pas de mettre le doigt sur la « bonne » ré­ponse. Trouvez de nouveaux chemins, uti­lisez la langue, le langage ou l’idiome qui vous sied le plus, on s’en fout »…

J’aurais voulu ajouter … on s’en fout… pour peu que vous ayez eu accès à la connaissance universelle. Celle produite par les 100.000 revues scientifiques exis­tantes dont la quasi majorité est en anglais et dans une moindre partie, en Français.

100.000 revues éditées chaque mois, voire chaque semaine, depuis des décen­nies… Les Français se font un devoir d’en traduire une partie – systématiquement – afin de ne pas rester sur la touche. Ils gravent ainsi des données sur leurs ser­veurs spécialisés, dont Francis et Pascal du CNRS.

Sans vouloir rentrer dans les débats du moment, si l’on a pour objectif sincère de nourrir nos enfants de connaissances de qualité, à fortiori nos surdoués, il faudra utiliser l’une de ces deux langues, car à priori, le travail de traduction de millions d’articles scientifiques et les échanges avec la communauté scientifique internationale – en arabe – n’est pas pour demain.

La puissance de création, les dépôts de brevets, sont indéniablement le nouveau saint graal mondial. La détection de génies, la capacité à les répertorier et les former re­présente bien cette nouvelle ruée vers l’or.

Les nations développées, après avoir concentré leurs efforts sur le monde de l’industrie, s’attèlent, aujourd’hui, à nour­rir leurs centres de recherches, délaissant les usines et la production au tiers-monde.

Ailleurs, L’IA (l’Intelligence artifi­cielle) permet de collecter ces fameuses métadonnées, issues de recherches mon­diales, en permettant aux enseignants des programmes spéciaux de créer des chat­bots (agents conversationnels) éducatifs, alimentés par l’Intelligence artificielle permettant de nourrir les cerveaux les plus assoiffés par divers thématiques et do­maines d’activité. Répondre au question­nement de cerveaux géniaux n’est pas à la portée de simples enseignants, qui munis du système conventionnel mis à disposi­tion par l’Education nationale ne seraient d’aucun effet.

L’IA est utilisée pour personnaliser les leçons, les hypothèses et les démonstra­tions, en fonction des forces et des fai­blesses de chaque élève surdoué, en fonc­tion de ses centres d’intérêts. Ce n’est plus de la science-fiction et la démocratisation de l’accès au net permet d’accélérer, pro­digieusement, ces nouveaux processus d’augmentation des compétences au ser­vice d’intelligence rare.

Certains programmes de recherche avan­cés permettent de tester et de circulariser les jeunes qui ne raisonnent pas tout à fait comme les adultes, mais pas non plus comme ceux de leur âge.

Ils sont répertoriés à notre insu. Et nous ne nageons pas en pleine théorie du com­plot.

Il y a encore 40 ans, dans les différents systèmes académiques étrangers, les tests de QI étaient appliqués dans la scolarité pour les déceler. Aujourd’hui, les associa­tions comme Mensa* qui répertorie les sur­doués sont dépassées.

Les métadonnées, collectées dans le web, permettent de ratisser large, sans se soucier des frontières.

Un pays qui ne maîtrisera pas les pro­cessus de reconnaissance de cette élite, les perdra au profit de superpuissances qui les auront identifiés, tôt ou tard.

Nous nous devons de déceler nos génies et de les intégrer dans des processus d’édu­cation évitant les risques de rupture. Nous devons les accompagner, psychologique­ment, et nous devons leur donner l’envie d’aller plus loin en faisant en sorte qu’ils prennent conscience de leur capital, et surtout que le système scolaire n’en fasse pas des reclus ensevelis sous un système d’éducation qui peine déjà dans les cursus adressés aux enfants normaux.

Acheter la puissance d’IA permettant de répertorier et de nourrir l’intellect de nos jeunes prodiges où qu’ils soient, dans nos campagnes ou nos villes, est à la portée d’un appel d’offre et de quelques centaines de millions de dirhams – constituant le plus fort retour sur investissement – que pourrait connaître notre Pays.

Nos enfants surdoués pourraient suivre ainsi des programmes individualisés de dé­veloppement, sans même quitter leur foyer.

Il n’est pas un plus grand chantier natio­nal qui pourrait plus augmenter nos chances de nous hisser nous aussi dans le concert des nations qui compteront demain.

Pour vous donner une idée sur l’étendue de nos pertes potentielles si l’on ne fait rien, il suffit de prendre les chiffres fran­çais. Selon un rapport de l’Inspection gé­nérale de leur ministère de l’Education, 2,3 % des enfants français de six à seize ans seraient considérés comme surdoués.

Ce chiffre appliqué chez nous, corres­pondrait à plusieurs dizaines de milliers de génies, 190.000 pour être précis.

A ce titre, Lao Tseu devrait faire réflé­chir nos politiques : « Mieux vaut allumer des petites lumières que de se plaindre de l’obscurité. »

*Mensa, « The International High IQ Society » fondée à Oxford le 1er octobre 1946 par l’australien Roland Berril et le juriste britannique Lancelot Ware.

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