Intelligence artificielle : Pour le meilleur OU pour le pire ?

Dossier du mois

Par Souad Mekkaoui

La guerre des robots aura-t-elle lieu ?

 Nous sommes, certainement, à l’aube d’une nouvelle civilisa­tion où les robots vont devenir une nouvelle espèce avec laquelle il va falloir vivre. Ce sera alors l’émergence d’un monde dans lequel la robotique, l’informatique et la biologie vont faire leur fusion.

En attendant, l’IA n’est, pour l’ins­tant, que des techniques que l’homme améliore, peu à peu, mais qui restent très éloignées de Robocop ou de l’im­mortel androïde conscient des films de science-fiction.

En tout cas, pas une semaine ne passe sans qu’un livre ou une étude ne cherche à décrire le big bang à venir. Comme l’avènement des armes nucléaires, l’IA suscite aussi des questions d’ordre po­litique, juridique ou éthique. Aussi faut-il rester vigilant, aujourd’hui que les progrès militaires s’étendent dans de nombreux domaines et que le déve­loppement de l’intelligence artificielle au service de la guerre fait craindre les pires scénarios. C’est à se demander si des robots capables de tuer sans inter­vention humaine remplaceront bientôt les soldats sur les champs de bataille.

A quoi ressemblerait une guerre à l’avenir ?

« Le leader dans le domaine de l’in­telligence artificielle sera le maître du monde », affirmait en septembre 2017 Vladimir Poutine. En effet, en lançant cette vérité glaçante à la face du monde, le président russe met en évidence le fait que le développement des nou­velles technologies pourrait bouleverser les guerres à l’avenir et menacerait les équilibres stratégiques existants.

Cinq siècles avant J-C, Sun Tzu di­sait déjà que « l’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat ». Pourtant, on n’y croyait pas trop.

Aujourd’hui, il est certain que l’IA risque de transformer notre manière d’appréhender la guerre, du moins son aspect sombre qui combinerait techno­logies et (géo) politique. Si depuis la nuit des temps, la guerre est synonyme de combat, de mort et de souffrance, de nos jours, la technologie commence à constituer le moteur de la guerre. Celle-ci risque donc d’être déshumanisée et il suffira de confier à des robots program­més la sélection des cibles. D’ailleurs, des chercheurs estiment qu’il faut es­sayer de maîtriser les choses dans le domaine des recherches scientifiques sinon il serait impossible de faire ma­chine arrière à un certain niveau où la machine désobéirait à l’homme par exemple.

On ne sait que trop que depuis des années, des drones équipés de missiles et pilotés à distance éliminent des en­nemis à l’autre bout de la planète. A l’avenir et avec toutes l’IA, les robots autonomes investiraient le champ de bataille. Fin août, une centaine de PDG du domaine, dont le milliardaire Elon Musk, ont adressé une lettre ouverte aux Nations unies réclamant l’interdiction des robots tueurs. « Ces armes pourraient être utilisées par des dictateurs ou des terroristes, (…) ou piratées à des fins fu­nestes », ont-ils dit.

Il faut donc dire que lorsque les voix alar­mistes s’élèvent au sein du secteur de l’intelli­gence artificielle même, il y a de quoi avoir peur.

Chasse aux robots

La société Asgard, basée à Berlin et spécialisée dans l’in­telligence artificielle, a établi un clas­sement mondial des pays en fonction du nombre de start-up dans ce domaine d’avenir. Les trois premières places sont tenues par les Etats-Unis, avec 40% des start-up mondiales en ce domaine, sui­vis par la Chine et Israël qui détiennent chacun 11% du nombre de start-up mondiales. Israël devance donc des pays comme le Japon, la Corée du Sud et tous les pays européens. Rien que ça !

De ce fait, la Chine ambitionne d’être le leader mondial de l’IA d’ici à 2030 et développe son armée, à grande vi­tesse, avec un budget militaire qui at­teint quelque 200 milliards de dollars. Le quotidien suisse le Temps a d’ail­leurs mis en perspective cette nouvelle évolution qui traduit la montée en puis­sance, sur la scène internationale, de la deuxième économie mondiale – bientôt la première… Selon le même support, « La Chine est devenue un leader en matière de drones à usage militaire. Ce marché lui rapporte 23 milliards de yuans (3,3 milliards d’euros) par an, un montant qui devrait passer à 180 mil­liards de yuans (26 milliards d’euros) d’ici à 2025. » Selon The Diplomat, les drones chinois armés sont opérés ou commandés par plus de 17 Etats.

De son côté, un groupe de réflexion indépendant du Congrès américain a pu­blié, fin novembre 2018, un rapport sur l’avenir des utilisations de robots et d’in­telligence artificielle qui soutient que la Russie et la Chine «recherchent de ma­nière agressive» des systèmes d’armes avancés «qui pourraient être utilisés contre les forces américaines». Une autre étude note que «le Comité militaire industriel russe a approuvé un plan qui permettrait d’avoir 30 % de la puissance de combat russe composée d’armes entièrement autonomes et contrôlées à distance sur des plates-formes robotiques d’ici à 2030 ». C’est à qui mieux mieux !

Les Sud-Coréens quant à eux ont développé le robot sentinelle Samsung SGR-A1 pour défendre la Corée du Sud contre l’intrusion de soldats à la fron­tière nord-coréenne.

Le Royaume-Uni ne fait l’exception. Le missile Brimstone mis au point pour la Royal Air Force est conçu pour dé­truire des véhicules terrestres ou de pe­tites embarcations.

Pour sa part, Israël tient tellement à la vie de ses soldats qu’il a déjà annoncé son intention de remplacer tous ses pi­lotes par des robots, et aux États-Unis ,des généraux ont assuré que le dernier pilote de chasse de l’histoire de l’armée de l’Air américaine était déjà né.

«Des nuées de petits drones, des na­vires sans pilote, des satellites intelli­gents : la guerre du futur sera automa­tisée, avec des interactions constantes entre robots et humains et des équipe­ments moins chers et jetables », selon le Pentagone.

En somme, les plus grands investis­sements en intelligence artificielle se trouvent chez les deux géants rivaux du XXIe siècle, les Etats-Unis et la Chine avec, vraisemblablement, un avantage aux Chinois en matière de budgets in­vestis.

Dominer le monde par l’IA

Comme l’a déclaré le secrétaire de l’armée américaine, Mark Esper, «Qui­conque acquiert la robotique et possède [la maîtrise de] l’IA en premier, devien­dra un « game-changer » sur le champ de bataille ». Et imposera les règles du jeu.

Pour la ministre de la défense néerlandaise Jeanine Antoinette Plasschaert, « ce genre d’armes est déjà une évolution définitive, il n’y aura pas de marche arrière. Nous allons par exemple être confrontés à des systèmes d’intelligence artificielle capables de modifier en cours de mission leurs propres règles d’engagement. De ce fait, la dimension éthique et le contrôle humain de ce genre d’armes n’en est que plus important ».

Tout compte fait, les nations s’ar­rachent les positionnements en termes de développement de systèmes auto­nomes et robotiques associés à l’IA afin de mettre toutes les chances de leur côté, sur les champs de bataille. La guerre robotique pointe donc à l’hori­zon et les machines autonomes à tuer des gens seront parmi nous, sous peu.

C’est dire que c’est probablement la compétition pour la suprématie en matière d’intelligence artificielle qui mènera à la troisième guerre mondiale. Celle-ci ne sera pas une confrontation entre des armées humaines mais sera une guerre de robots, dotés d’une puis­sance de destruction immense comme l’ont soutenu certains hommes poli­tiques et militaires aussi bien américains que chinois, selon le média en ligne Deutsche Wirtschafts Nachrichten.

« Dans les futurs champs de bataille, plus personne ne se battra. » C’est ce qu’a prédit, en tout cas, un dirigeant de la troisième plus grande entreprise de défense chinoise, le 25 octobre 2018, lors du Beijing Xiangshan Forum. Pour lui, les armes autonomes mortelles se­ront monnaie courante avant 2025.

L’intelligence artificielle pourrait, pour ainsi dire, devenir un outil de domination dans la géopolitique mon­diale. Une perspective qui n’est pas sans danger avec des systèmes de com­bat du futur qui comprennent, entre autres, des brouilleurs capables de per­turber le fonctionnement des satellites, des missiles supersoniques, des armes cybernétiques mettant hors de service des systèmes d’approvisionnement en eau et en électricité, des armes électro­magnétiques tirant des projectiles à une vitesse 6 fois supérieure à celle du son, des lasers, des exosquelettes, des robots autonomes, ainsi que des bombardiers furtifs.

Les robots pourraient-ils alors prendre le contrôle du monde ? Telle est la question.

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