Le juge El Haini, est-il toujours dans le collimateur de Ramid ?

 Mohammed Taleb 

Au milieu d’un groupe d’avocats comme elle, Rkia Ramid, la sœur du ministre de la Justice, Mustapha Ramid, prend part à la campagne d’hostilité contre l’ouverture d’un cabinet de Conseil juridique par le juge révoqué Mohammed El Haini.

Il semble que la rancune et l’inimitié que porterait le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, contre le juge révoqué, Mohammed El Haini, comme le crie haut et fort celui-ci, n’a pas de limites. Après qu’il ait été empêché d’exercer le métier d’avocat, voilà que son ambition d’exercer le métier de Conseiller juridique ne semble pas du goût de certains avocats de Kenitra qui ont organisé un sit-in devant son bureau dans la même ville. Et comme par hasard, il y avait parmi les protestataires la sœur du ministre pjdiste, Rkia Ramid.

Voulant tourner la page de sa révocation en tant que substitut du procureur de Kenitra, le juge Mohammed El Haini fait, depuis sa révocation, des pieds et des mains pour poursuivre sa carrière dans un autre domaine, mais pas loin des couloirs de la justice. Empêché à deux reprises d’enfiler sa robe d’avocat, El Haini qui avait obtenu son certificat d’aptitude à la profession d’avocat en septembre 1999, n’a pas été admis dans le barreau de Rabat et puis jusqu’à la dernière minute son inscription validée par l’Ordre du barreau de Tétouan a été interjetée par le parquet de la même ville deux semaines après en novembre dernier.

 D’un magistrat à un consultant

 Mohammed El Haini s’est tourné, cette fois, vers une autre profession, celle du Conseil et de l’expertise juridique et judiciaire. En compagnie d’un autre magistrat à la retraite, le docteur Mohammed El Aouad, il a ouvert un « Centre international de consulting » à Kenitra.

Espérant que cette fois-ci sera enfin la bonne, l’ancien Magistrat Conseiller, responsable des études et des législations au sein du ministère de la Justice et des Libertés, s’est heurté, bizarrement, à la volonté d’une vingtaine d’avocats parmi lesquels, l’avocate au barreau de la même ville, qui ont protesté contre cette ouverture.

« J’étais surpris par des appels jeudi matin, qui me disait qu’une vingtaine d’avocats enfilant leurs robes et à leur tête la sœur du ministre l’avocate, Rkia Ramid, ont attaqué le bureau et qui scandaient des slogans disant que nous sommes des courtiers et des escrocs », a-t-il déclaré à Maroc diplomatique.

« Nous ne sommes pas un cabinet d’avocats, il y a des dizaines de cabinets d’expertise, pourquoi se sont-ils attaqués à nous et non pas aux autres ? », s’est-il interrogé en affirmant que « la majorité des magistrats s’oriente vers cette profession après leur retraite ».

« Vous avez l’exemple de Moulay Driss Idrissi Bichr, l’ancien Inspecteur général au ministère de la Justice et ancien Président de chambre à la Cour de cassation, qui a ouvert le Cabinet MIB de conseil juridique et judiciaire à Casablanca », a-t-il souligné encore,  avant de s’interroger « pourquoi ne se sont-ils pas opposés à cette ouverture ? ».

« Il s’agit d’une bande de bras cassés qui considèrent qu’un cabinet de conseil juridique et judiciaire peut leur concurrencer. Ces avocats sont des vassaux de Ramid qui utilisent son nom pour influencer les décisions des magistrats dans les tribunaux de la ville de Kenitra », a-t-il martelé.

« Cette bande d’extrémistes soumis au ministre s’attaquent à ma personne parce qu’ils me prennent pour ennemi étant donné que je suis le Coordonnateur du Front national contre l’extrémisme et le terrorisme (FNEt),», s’est-il insurgé.

« Une maladie psychologique qui s’appelle Ramid »

Pour sa part, jointe par Maroc diplomatique, l’avocate au barreau de Kenitra, Rkia Ramid, nous a assuré qu’elle « n’a pas dirigé ce mouvement protestataire et qu’elle a participé comme tous ses confrères à cette manifestation pour dénoncer les cabinets de Conseil ».

« Je n’étais pas en tête des avocats, j’ai participé en tant qu’avocate inscrite au barreau de Kenitra depuis 1998 contre les abus de ces cabinets de conseil juridique. La loi a défini le concept de Conseil juridique et l’a attribué comme un droit des avocats », a-t-elle affirmé. Selon elle, c’est la section de Kenitra du syndicat des avocats au Maroc qui a organisé ce sit-in. « Il s’agit des avocats du PJD (parti de développement et de justice) », nous a-t-elle confié.

A la question de savoir s’il s’agit d’une pratique courante que les cabinets de conseil juridique existent un peu partout, Mme Ramid, estime qu’ « il y a toute la différence entre les pratiques courantes et ce que stipule la loi ».

A la question pourquoi n’a-t-on jamais vu les avocats protester contre un cabinet d’expertise ou de conseil au Maroc, elle a répondu que ce que font les autres barreaux ne la concerne pas. « J’appartiens à cette instante (celle de Kenitra) et ce que font les autres instantes qui sont indépendantes ne nous concerne pas ».

La fin de ce feuilleton n’est pas pour demain

 Ceci étant, on peut dire que la fin de la bataille qui oppose le juge révoqué Mohammed El Haini au ministre de la Justice et des Libertés n’est pas pour demain.

Cet affrontement sans merci entre les deux hommes a commencé sur le champ de la liberté du pouvoir judiciaire et des projets de loi que le ministre avait proposés dans le cadre de la réforme de la Justice. Suite à une série d’articles qualifiés du côté du magistrat de « scientifiques » et « d’articles d’opinion » par le ministre, l’affrontement entre le membre du Club des magistrats et le ministre pjdiste tourne au vinaigre depuis la révocation du juge.

Le ministre devant se placer au-dessus de toute considération personnelle ne cache pas son acharnement contre El Haini jusqu’au point de déclarer à un quotidien arabophone de la place qu’« El Haini a une maladie qui s’appelle Ramid ». D’après des sources judiciaires, M. Ramid est intervenu à deux reprises pour empêcher El Haini d’accéder à la profession d’avocat (à Rabat et à Tétouan).

Or, cette éventualité n’a pas lieu d’être si l’on se rappelle que le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, lui-même avocat, s’était engagé devant la presse (conférence dédiée à la présentation du bilan de son département) à ne pas intervenir à l’encontre de son ennemi juré. Il avait indiqué que « le juge révoqué -sans le nommer- peut désormais jouir de sa liberté d’expression sans aucune contrainte ou devoir de réserve ». Mais, voilà que les faits, ses propres déclarations du week-end dernier et l’intervention pour le moins « incompréhensible » de sa sœur , présentent les choses autrement.

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