L’école, sanctuaire de la violence: Violence scolaire au centre du triangle didactico-pédagogique

Par Soundoss Sabri, professeur agrégée en pédagogie, Docteur en sociologie, formatrice à l’Ecole normale supérieure

Naguère, les réseaux sociaux ne lésinent pas d’étaler des faits de violence scolaire moyennant des illustrations sous forme d’images sanglantes ou plutôt de vidéos cruelles. Nous n’allons pas nous attarder sur les raisons du jaillissement soudain de ces supports visuels ni sur leur impact « désensibilisant » mais plutôt sur les raisons de ce phénomène désolant.

A qui incombe la responsabilité dans cette violence scolaire ? Les élèves, sont-ils moins tolérants aux dérives anti-pédagogiques des enseignants ? Les enseignants, sont-ils, de moins en moins, compétents ? Les familles, se sont-elles désistées du rôle d’éduquer ? Tantôt, le doigt pointe la responsabilité des élèves et de l’éducation qu’ils « n’ont pas reçue », tantôt, le manque de professionnalisme des enseignants qui est remis en cause. La réponse à ce questionnement, à mon humble avis, mérite d’être traitée sous le prisme d’une approche systémique qui est à même d’étudier le sujet dans la complexité des facteurs qui interagissent.

Dès lors, le fameux triangle didactico-pédagogique dans la réflexion sur la situation d’enseignement trouve toute sa légitimité pour étudier le phénomène de la violence scolaire, de plus en plus, médiatisée sur les réseaux sociaux. Ce concept théorique porte le regard sur le phénomène de la violence dans le milieu scolaire en combinant les trois variables ou composantes incontournables du système de l’enseignement, à savoir l’enseignant, l’apprenant et le contenu d’enseignement. Il modélise ces éléments fondamentaux en perpétuelle interaction dans l’acte d’enseignement-apprentissage, donnant ainsi une image de la complexité de cette situation.

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Le premier processus relève de la relation professeur-savoir appelée l’analyse didactique. Le second, celui de la relation pédagogique entre le professeur et l’apprenant, concerne les techniques d’enseignement et de formation. Le troisième processus, dit d’apprentissage, exprime le rapport entre l’apprenant et le savoir. Les relations entre les trois sommets du triangle pédagogique (l’enseignant, l’apprenant et le contenu d’enseignement) si elles ne sont pas binaires, elles sont, pour la majorité du temps, ternaires.

Autrement dit, la responsabilité de la violence en milieu scolaire incombe, simultanément, à ces trois éléments majeurs puisque la défaillance de l’un contamine, systématiquement, les deux autres. Quand le contenu d’enseignement, dicté par les programmes, nie le niveau réel des élèves et ignore leurs besoins et leurs difficultés, il constitue le monstre à dompter par l’enseignant pour les élèves. Dès lors, l’enseignant puise dans tout son répertoire pédagogique pour accompagner ses élèves à dépasser leurs lacunes vers la réussite. Mais lorsque l’objectif escompté, défini par la difficulté à surmonter, dépasse les possibilités de ses élèves et le rythme de leur apprentissage, l’enseignant finit désormais par dissimuler son échec inavoué et son désarroi par l’adoption de «pédagogies primitives».

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Ces techniques primitives constituent un refuge pour un enseignant désemparé face à un objectif pédagogique surestimé et une inhibition et un désintérêt des apprenants face à des conditions de réussite inaccessibles. Cette situation ambiguë expliquerait le climat pédagogique hostile et les réactions des enseignants et des apprenants mais ne justifie, nullement, les révoltes barbares. Cet exemple élucide le rapport systématique entre les trois sommets du triangle pédagogique et l’émergence de la violence scolaire mais ne légitime strictement pas ces comportements barbares refoulés. Surtout que rien ne prouve que les frustrations de la population estudiantine soient plus pointues de nos jours.

Tous les acteurs de la socialisation sont invités à plus de vigilance pour rehausser le niveau du système éducatif. La violence à l’encontre des enseignants puise sa gravité, entre autres, dans sa symbolique : l’enseignant incarne le parent dans le système éducatif. La légitimation de la violence à l’encontre des enseignants exprime la défaillance du système des valeurs et pronostique la violence très hâtive des parents au sein de la cellule familiale.

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