LA 3e PHASE DE L’INDH: Vers un développement humain et social durable

Par Ibtissam EL RHALI 

 Partant d’une perspective de consoli­der les acquis enregistrés depuis son lancement en 2005, tout en recentrant ses programmes sur le développement du capital humain, la promotion de la condition des générations montantes et l’appui aux ca­tégories en situation de vulnérabilité, en se projetant dans l’avenir, à travers l’adoption d’une approche globale, basée sur quatre programmes cohérents et complémentaires garantissant la participation de tous les ac­teurs sociaux, une troisième phase de l’Ini­tiative nationale de développement humain (l’INDH) a été lancée, le 19 septembre 2018, pour une période allant de 2019 à 2023, avec un budget alloué de 18 milliards de dirhams.

Il s’agit du programme de résorption du déficit enregistré en matière d’infrastruc­tures et de services de base dans les zones les moins équipées, du programme d’ac­compagnement des personnes en situation de précarité, du programme d’amélioration des revenus et d’intégration économique des jeunes, ainsi que du programme d’appui pour le développement humain des généra­tions montantes.

A cet égard, il n’est pas sans intérêt de s’interroger, premièrement, sur le bilan des deux phases d’opérationnalisation des me­sures composant les quatre programmes de l’INDH, que ce soit sur le plan quali­tatif ou quantitatif, quant à la réduction du taux de pauvreté et de vulnérabilité et d’amélioration d’indicateurs sociaux, ainsi que les statistiques inhérents au nombre de bénéficiaires et de projets mis en place, et aux budgets consacrés. Et en deuxième temps, de décortiquer l’ensemble des défis à relever pour une meilleure gouvernance de ces programmes, et une optimale réalisation des objectifs escomptés. Avant de terminer par les orientations stratégiques comprises dans le discours du trône, considéré comme une feuille de route pour une Initiative de développement de l’homme, par l’homme et pour l’homme.

INDH : Bilan encourageant et défis à relever

13 ans déjà, ce chantier a permis la réa­lisation d’innombrables projets et actions dans le cadre de différents programmes, notamment ceux de lutte contre la pauvre­té en milieu rural qui a concerné 403 com­munes dont le taux de pauvreté dépasse les 30%, de lutte contre l’exclusion sociale en milieu urbain destinée à 264 quartiers re­levant de grandes agglomérations (de plus de 100.000 habitants) et de lutte contre la précarité au profit de 8 catégories sociales en situation précaire, notamment les jeunes sans abri, les enfants de rue, les personnes âgées démunies.

C’est ainsi que plus que 44.000 projets et 17.000 actions ont pu voir le jour en plus de 9.400 activités génératrices de revenus avec un investissement global de 42,8 milliards de dirhams au profit de 10,5 millions de bé­néficiaires.

Ces chiffres permettent de saisir l’effort global réalisé par l’INDH, mais, il n’en de­meure pas moins que ce bilan encourageant se heurte vite à la réalité sur le terrain. Ain­si, le Maroc reste situé au 123ème rang sur 189 pays, selon le rapport du PNUD (Pro­gramme des Nations Unies pour Le Déve­loppement) de 2017, et les conditions de vie d’une étendue tranche d’âge laissent à désirer. Cette situation exige que les efforts soient multipliés pour relever un certain nombre de défis.

Dans son discours du 29 juillet 2018, SM le Roi Mohammed VI a souligné que «ces programmes empiètent les uns sur les autres, pèchent par manque de cohérence et ne parviennent pas à cibler les catégo­ries effectivement éligibles. Comment peut-on, donc, espérer que ces programmes répondent efficacement aux besoins des citoyens et impactent réellement leur quo­tidien ? Il n’est nul besoin de rappeler ici que nos critiques ne constituent pas une fin en soi, mais une incitation à l’autocritique, exercice vertueux et salutaire, si, à la pa­role, sont joints l’acte et la réforme propre­ment dits».

  Il ne suffit pas  seulement, d’aider financièrement les gens pour  concrétiser  les projets, mais le plus important est de renforcer l’ancrage de la confiance en soi  et l’avenir pour  ces gens.

Ce décalage entre les ambitions et les réels besoins de la population explique pourquoi certaines régions plongent dans la pauvreté malgré les chantiers qui y ont été édifiés. Ces défis d’ordre structurel et institutionnel, peuvent être présentés de la manière suivante :

– La faible diffusion des informations défi­nissant l’INDH, ses programmes, ses struc­tures et ses objectifs : la pluralité des acteurs de développement ignorent l’existence des cadres réglementaires qui définissent les modalités de fonctionnement de ces pro­grammes, les relations inter-comités, les par­tenaires économiques et sociaux ;

 – La quasi absence d’initiatives à l’échelle territoriale, pour mener des diagnostics participatifs à même de dé­finir les grands axes des programmes de l’INDH au niveau local ;

– La politisation de l’INDH par quelques élus locaux. Cette politisation se résume dans la création d’associa­tions qui demandent, par la suite, à être subventionnées par l’INDH.

– La faiblesse en ressources humaines qualifiées dont disposent les partenaires principaux dans la réussite des projets, qui se limitent, dans la plupart des cas, au contrôle des procédures et le trans­fert du financement aux concernés, sans que ceci, soit accompagné d’un suivi permanent qui permet d’intervenir au moment propice pour entamer des ac­tions correctives et orienter les projets vers la bonne voie ;

– Certains projets n’ont pas été ache­vés ou exploités suite à la rencontre de plusieurs facteurs : absence de person­nel qualifié, conflits de groupes, mo­nopolisation de la gestion, ou tout sim­plement une étude fausse et erronée du projet.

– La phase de démarrage des projets dure, souvent, longtemps. Elle nécessite un local, du matériel, des compétences en matière de production et de commer­cialisation, alors que les subventions provenant de l’INDH ne sont destinées qu’à l’achat des équipements.

– La faiblesse organisationnelle et les défauts de coordination des principaux partenaires impliqués dans la réalisa­tion de ces projets, ainsi que la défail­lance des systèmes de suivi et d’ac­compagnement de ces derniers, nuisent grandement à leur efficacité.

Tous ces facteurs mettent en jeu l’efficacité et la pérennité des projets de l’INDH pourtant indispensables et qui ont l’immense avantage d’avoir été pensés à l’échelle du cadre de vie quotidien des habitants : le quartier, le douar, la commune rurale ou la petite ville de proximité.

Discours du trône : une feuille de route pour la troisième phase de l’INDH

Pour une « INDH efficace et effi­ciente » , la mise en oeuvre ne doit pas seulement consister à financer, à travers des organisations, associations et coo­pératives, des activités productives en­visagées d’un point de vue strictement technique et économique, mais bien à développer les capacités institution­nelles et organisationnelles des parte­naires, publics ou privés, que ce soit dans les grandes villes ou dans les dif­férentes régions du pays, en particulier les plus défavorisées.

Pour ce faire, une implication de tous les acteurs, tant de la « société civile », que du secteur privé, ou des services administratifs de l’Etat, semble indis­pensable. Ces acteurs font partie inté­grante du processus de développement, que ce soit en termes d’assistance juri­dique, administrative ou technique, ou en termes de services de formation et de financement.

A cet égard, SM. le Roi Mohammed VI a appelé à une restructuration globale et profonde des programmes de l’IN­DH, en recentrant ses programmes sur le développement du capital humain, la promotion de la condition des généra­tions montantes, l’appui aux catégories en situation difficile, et en lançant une nouvelle génération d’initiatives géné­ratrices de revenus et d’emplois.

Autrement dit, il ne suffit pas seule­ment, d’aider financièrement les gens pour concrétiser ces projets, mais le plus important est de renforcer l’an­crage de la confiance en soi et l’avenir pour ces gens, en les impliquant et en les intégrant dans toutes les étapes de la réalisation de leurs projets. L’impor­tance devrait être donnée également à l’être humain en tant qu’acteur et bénéficiaire, et le citoyen ne devrait pas être considéré comme un concurrent. C’est un acteur qui se complète avec les différents acteurs de développement, c’est un partenaire avec qui la collabo­ration devient nécessaire, voire décisive dans l’élaboration des projets.

Cette manière d’impliquer les ci­toyens dans la création et la gestion des biens collectifs aurait pour vertu de transformer les individus, d’orienter leurs préférences et leurs intérêts, voire leur identité, vers le bien commun.

Il est à noter que la révision de la Constitution marocaine de 2011, pres­crit dans son article 12 que : «les asso­ciations intéressées à la chose publique et les organisations non gouvernemen­tales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élabora­tion, la mise en oeuvre et l’évaluation des décisions et des projets des insti­tutions élues et des pouvoirs publics». L’article 136, quant à lui, dispose, no­tamment, que: «…l’organisation ter­ritoriale du Royaume assure la parti­cipation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au développement hu­main intégré et durable». En outre, les dispositions de l’article 139 précisent que : «des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territo­riales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et des asso­ciations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement».

Les associations, les communes et le secteur privé sont appelés à améliorer leurs méthodes de gestion de la chose publique. En d’autre termes, l’idée est de privilégier la participation citoyenne. De ce fait, la refonte de la participation citoyenne s’avère nécessaire pour deux raisons. Primo, la persistance des dé­faillances sociales, malgré les efforts consentis, et secundo, la mobilisation des populations défavorisées sans leur implication dans la réalisation des pro­jets ne serait pas suffisante pour relever tous les défis liés au développement des programmes de l’INDH.

Dans ce sens, le discours royal a mis l’accent sur l’importance de “revoir” l’ensemble des programmes sociaux et sectoriels, de les évaluer, de veiller à leur convergence et de prendre les me­sures sociales intermédiaires, en cohé­rence avec l’esprit de la Restructuration. D’ailleurs, l’exécution des programmes de l’INDH ne se limite pas à la contrac­tualisation entre les partenaires publics et privés. Il s’agit de les impliquer dans la mise en place des stratégies de dé­veloppement de chaque région, par la conscience du devenir des projets réali­sables et la capacité d’être autonomes.

Et pour rendre le mode de coordination et de gestion adapté aux projets de l’IN­DH, cela nécessite l’élaboration d’une charte de convergence pour intégrer les actions de l’INDH dans les plans com­munaux de développement et les autres politiques publiques sectorielles, en se basant sur un diagnostic participatif par lequel la population-cible définit, priori­tairement, ses besoins dans une structure de formation renforcée.

Par ailleurs, il est important de si­gnaler qu’en investissant dans la for­mation et dans le renforcement des ca­pacités, on participe non seulement au développement de l’Homme, mais aussi à un développement pour l’Homme. Cet Homme qui est le capital le plus précieux et l’objectif final de tout déve­loppement. Il n’est donc pas un moyen mais une fin, et son bien-être devrait être l’objectif essentiel de toute politique de développement, et dans un mot, la mise en oeuvre d’une telle politique nécessite l’instauration de la démocratie et de la transparence dans notre société.

Pour en finir, il est notable que le Ma­roc dispose d’énormes ressources na­turelles, humaines et culturelles encore inexploitées, en plus de son accumula­tion de nombreux savoir-faire tradition­nels dans différents domaines pratiques que l’on trouve dans la plupart des ré­gions du pays et qui peuvent constituer des sources de revenus principales pour une partie de la population vulnérable, ainsi que contribuer à la résolution d’un ensemble de fléaux sociaux tels l’immi­gration sans véritable espoir de trouver un travail décent, l’abandon scolaire, la difficulté d’accès aux services sociaux. En définitive, nous pouvons conclure en une seule phrase que «L’INDH donne les moyens et l’envie, il reste à chacun à se responsabiliser».

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