La Chambre des représentants franchit un cap avec la réforme du Code de procédure pénale

Hajar Ben Hosain
Le 20 mai 2025, la Chambre des représentants a adopté, à une large majorité, le projet de loi n°03.23 portant réforme du Code de procédure pénale, marquant ainsi une étape significative dans la refonte du système judiciaire pénal marocain. Cette réforme d’envergure, qualifiée par le ministre de la Justice de « qualitative et inédite », vise à moderniser la procédure pénale en renforçant les garanties accordées aux justiciables, en encadrant strictement le recours à la détention provisoire, en assurant une meilleure protection des victimes, notamment de la traite des êtres humains, et en intégrant la dématérialisation des procédures. Elle s’inscrit dans la continuité des évolutions constitutionnelles et des engagements internationaux du Royaume, cherchant à concilier impératifs de sécurité et respect des droits fondamentaux.
Le ministre de la Justice, M. Abdellatif Ouahbi, a défendu le projet de réforme en soulignant son importance. Selon lui, cette réforme vise à moderniser et à renforcer le système judiciaire pénal, à améliorer les garanties des droits des justiciables et à rendre la procédure plus efficace et plus équitable.
La réforme du Code de procédure pénale s’inscrit dans le prolongement des évolutions constitutionnelles et des engagements internationaux du Maroc. Elle cherche à concilier l’impératif de sécurité publique avec le respect des droits et des libertés individuelles.
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Parmi les avancées majeures, figurent le renforcement des garanties légales lors de l’enquête préliminaire, la consécration du principe de la présomption d’innocence, ainsi que le rejet du silence comme aveu implicite. La réforme prévoit également une meilleure protection des victimes de la traite des êtres humains, en conformité avec les standards internationaux.
Elle introduit la dématérialisation des procédures avec un élargissement de l’usage des outils numériques, encadre strictement le recours à la détention provisoire, désormais limitée aux cas nécessaires, et améliore les mécanismes de réinsertion à travers des mesures facilitant la réhabilitation et le paiement des amendes.
La présomption d’innocence à l’épreuve des contradictions juridiques
Principe fondamental du droit, la présomption d’innocence est consacrée par la législation marocaine : toute personne poursuivie pour une infraction est considérée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement établie. Pourtant, ce principe constitutionnel a longtemps été confronté à des contradictions juridiques et à des pratiques contestables sur le terrain.
Avant les récentes réformes du Code de procédure pénale, les procès-verbaux rédigés par la police judiciaire bénéficiaient d’une valeur probante quasi absolue. L’article 290 du Code stipulait en effet que lorsque la loi prévoit qu’un procès-verbal ne peut être contesté que par voie d’inscription de faux, toute preuve contraire devient irrecevable sous peine de nullité.
Une telle disposition ouvrait la voie à des condamnations prononcées sur la seule base de rapports policiers, même en l’absence d’éléments corroborants. Des affaires judiciaires ont ainsi suscité la polémique, comme celle de trois personnes condamnées pour vol avec violence, uniquement sur la foi d’un unique procès-verbal.
En outre, l’ancien article 66 du Code de procédure pénale permettait le placement en garde à vue de toute personne « liée à l’infraction », y compris les simples témoins, pour une durée de 48 heures, renouvelable ; une disposition critiquée.
Par ailleurs, l’absence d’un cadre légal spécifique pour sanctionner les révélations médiatiques prématurées a conduit à plusieurs affaires emblématiques, mettant en cause le respect de la présomption d’innocence.
Dématérialisation : moderniser la justice
La réforme intègre également une dimension essentielle, la dématérialisation des procédures judiciaires. Cette digitalisation vise à moderniser le système judiciaire en rendant les procédures plus rapides, plus transparentes et plus accessibles.
La numérisation permet de réduire les délais de traitement des dossiers grâce à des outils tels que la visioconférence pour les audiences préliminaires, l’échange électronique entre avocats et tribunaux, ainsi que la gestion numérique des notifications et des décisions de justice. Les citoyens peuvent désormais suivre l’évolution de leurs dossiers en ligne ou déposer des demandes à distance, comme les extraits de casier judiciaire ou les documents de nationalité, évitant ainsi les déplacements.
Cependant, cette avancée se heurte à certaines limites. Les inégalités d’accès au numérique, notamment dans les zones rurales ou défavorisées, privent une partie de la population de ces services. Par ailleurs, des questions liées à la sécurité et à la confidentialité des données demeurent préoccupantes.
Alternatives à la détention provisoire
La détention provisoire demeure l’une des causes majeures de la surpopulation chronique dans les prisons marocaines. Un recours excessif et souvent prolongé à cette mesure contribue à la surcharge des établissements pénitentiaires et à la détérioration des conditions de détention. Selon des rapports récents, une part importante des détenus est toujours en attente de jugement.
Face à cette réalité, le nouveau Code de procédure pénale encadre plus strictement cette pratique. Il prévoit que la détention provisoire ne soit utilisée qu’en dernier recours, notamment lorsque la liberté du prévenu représente un danger immédiat pour la société ou risque de nuire au bon déroulement de la justice.
La réforme introduit également des alternatives, telles que la surveillance électronique par bracelet ou la mise sous contrôle judiciaire, dans le but de réduire le recours à l’incarcération préventive.
Protection renforcée des victimes de la traite
La réforme du Code de procédure pénale (loi n°03.23) introduit des dispositions spécifiques pour mieux protéger les victimes de la traite des êtres humains, en conformité avec les normes internationales. Le texte prévoit un accompagnement social et juridique adapté, ainsi que des garanties procédurales destinées à prévenir toute revictimisation.
Cette évolution traduit l’engagement du Maroc à honorer ses obligations en matière de droits humains et à adapter son arsenal judiciaire à la lutte contre la criminalité organisée, en particulier la traite humaine.