Fuite des cerveaux: la saignée des hauts cadres continue

La fuite des cerveaux, un phénomène social qui fait encore couler de l’encre au Maroc. La migration croissante et massive des cadres marocains, vers des horizons “plus cléments” en termes d’opportunités, remet en cause la structure et le fonctionnement de divers secteurs du Maroc. Comme elle soulève des interrogations sur la pertinence des politiques gouvernementales mises en place jusqu’ici.

Loin d’être un phénomène nouveau, l’exode des cerveaux s’accentue d’année en année. En effet, le Maroc est confronté, depuis bien longtemps,  à une perte croissante des jeunes travailleurs les plus qualifiés dans divers secteurs.

Le classement 2021  des pays les moins performants en matière de conservation des cadres sur leur territoire, réalisé par le  Global Talent Comptitiveness,  place le Maroc au 95e rang sur 134 pays, devancé par l’Algérie qui occupe le 98e rang. Une donnée qui témoigne de l’ampleur de ce problème épineux qui se dresse devant le royaume.

En effet, la majorité des secteurs d’activités, contribuant fortement à la croissance économique du royaume, notent une saignée de leurs hauts cadres. Ingénieurs, informaticiens, professeurs, médecins…Peu importe la formation suivie, la tentation est bien là.

A cet égard, le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, a souligné que la moitié des 1.400 médecins, se formant annuellement dans les facultés de médecine, quittent le Maroc pour s’installer en Europe ou au Canada.

De son côté, Ahmed Faouzi, ancien ambassadeuret chercheur en relations internationales, a indiqué, dans sa chronique publiée par Médias24, que le nombre de départs annuels des cadres marocainsvers les pays développés,  est évalué à des milliers de cadres rien que dans le secteur de la haute  technologie.  Soulignant qu’au cours de certaines années, il était impossible à certaines filières de remplacer les partants.

Autant d’indicateurs susceptibles d’interpeller l’ensemble des acteurs politiques et économiques et d’alerter sur les facteurs contribuant à l’extension de ce  phénomène.

Epanouissement, Reconnaissance, évolution de carrière…des mobiles de l’exode des cerveaux

Nombreux sont les facteurs qui favorisent l’exode des compétences marocaines. On cite notamment ceux liés à la modicité des offres salariales.

En effet, de multiples talents marocains migrent vers d’autres contrées comme les Etats-Unis, le Canada , l’Europe, ou encore les pays du Golf…en quêtes d’emplois et de revenus meilleurs.

Signalant à cet égard que le taux de chômage au Maroc reste, selon les statistiques  dévoilés récemment par l’HCP, plus élevé parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans (30,8%) et les diplômés (20,4%),

Outre les insuffisances financières et structurelles, d’autres facteurs induisent également la fuite des cerveaux, notamment ceux liés à la reconnaissance,  l’épanouissement et le bienêtre.

Selon Mohammed Benouarrek, expert international en ressources humaines et conduite de changement, les talents cherchent l’équité, l’évolution, la reconnaissance et l’encadrement.

«Si on ne change pas notre manière de faire, nous serons condamnés à perdre des cerveaux qui fuient vers l’eldorado», prévient-il.

Les experts de Rekrute sont venus soutenir ces propos. Ces derniers alertent, de leur coté, sur le fait que les entreprises marocaines n’engagent pas les efforts nécessaires pour retenir et fidéliser les talents marocains.

Il convient tout de même de signaler que la fuite des cerveaux constitue, par ailleurs, la conséquence directe d’un écosystème affaibli par ses défaillances, où seuls les pistonnés peuvent échapper aux injustices subies par les jeunes diplômés. L’exemple des médecins internes et résidents au sein des CHU, est fort édifiant à cet égard.

En effet, si l’on examine la situation des futurs médecins  dans le royaume, nous allons nous rendre compte que ces derniers travaillent dans des conditions déplorables où l’injustice et l’abus d’autorité règnent.

Chantages, harcèlement moral, exploitations…ces derniers vivent quotidiennement un calvaire perpétuel. Ainsi, la seule issue qui leur reste est bel et bien celle de quitter le Maroc  pour se diriger vers d’autres états, en quête d’une carrière prometteuse où leur valeur en tant que cadres qualifiés sera reconnue de tous.

Des politiques inadaptées à repenser

Les répercussions de la fuite des cerveaux se font déjà sentir sur l’économie du Maroc. Le phénomène  coûte au royaume entre 0,10 et 0,25% du PIB, soit l’équivalent de 1,1 milliard à 1,767 milliard de dirhams par an.

L’impact  de cette exode des talons se répercute, par ailleurs, sur les entreprises et leur fonctionnement.

«Nous sommes choqués par le nombre de départs… Les candidats (…) quittent sans préavis 2 à 3 jours après, abandonnant des projets de clients en cours d’exécution. Ce qui cause des préjudices énormes.», a expliqué Nasser Benkirane, vice-président Business développement de MedTech Group.

Sans parler de ses conséquences sur les secteurs vitaux du Maroc notamment le secteur de la santé qui souffre désormais d’une insuffisance criante en ressources humaines. Chose qui dégrade davantage la qualité de l’offre de soin offerte aux patients.

Une situation qui requiert la mobilisation de toutes les parties prenantes afin de faire face au phénomène de la fuite des talents et encourager les cadres à rester dans leur pays d’origine. Néanmoins, la concrétisation de ces objectifs impérativement une révision des politiques et des stratégies mises en place, en particulier celle liée au système de santé.

Signalant à cet égard que l’augmentation du nombre des sièges universitaires en médecine ne pourra jamais résoudre la problématique de la pénurie des médecins tant que les conditions de travail sont toujours le mêmes et les professionnels continuent de souffrir des injustices et des abus de pouvoir.

En revanche, Il faut leur garantir un environnement serein leur permettant de travailler dans des conditions décentes en tout respect de leur dignité.

Sans oublier le système d’éducation marocain qui, également, doit être renforcer  d’avant pour assurer une formation de qualité à tous qui s’appuie sur  le stricte respect de l’égalité des chances et de la méritocratie.

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