La fumeuse autodeterminationnite aigüe des gouvernants algériens

Par Abdessamad MOUHIEDDINE

Les gouvernants d’Alger ne cessent d’opposer le principe du « droit d’autodétermination des peuples » à celui de « l’intégrité territoriale » dont se réclame le Maroc quant à ses provinces sahariennes. Cette posture belliqueuse n’a rien de noble. Elle n’a qu’un objectif : nuire au droit inaliénable du Maroc à son intégrité territoriale. Focus.

L’Algérie qui ne doit sa libération et même son existence qu’au principe de « l’autodétermination des peuples » ne peut l’opposer au Maroc qui s’est libéré, lui, du Protectorat qu’à la faveur de sa dénonciation des pratiques abusives ayant altéré ce même Protectorat. D’autant que « l’Empire chérifien » existait avant la signature du Traité de Fès instaurant le statut protectoral français. Sans évoquer le prestigieux et long parcours de l’Etat marocain, qui compte parmi les vieux du monde.

Parce qu’elle est née du principe d’autodétermination, l’Algérie en a fait un dogme universel applicable tous azimuts et opposable au reste de l’humanité. C’est comme si la monarchie marocaine s’employait un jour à imposer son statut fondateur de « Commanderie des croyants » au peuple algérien !

D’ailleurs, le droit à l’autodétermination, reconnu par les Nations unies et le droit international, n’implique pas nécessairement celui à l’indépendance. Et pour cause : même s’il a été rappelé dès l’article premier de la Charte de l’ONU, en 1945, même s’il a été institutionnalisé dans les années 1960 lors de la grande vague des décolonisations, l’ONU, en même temps, n’a cessé de rappeler le principe fondateur du droit international public : celui des Etats à préserver leur intégrité territoriale. L’antériorité et, par conséquent, la primauté du principe de l’intégrité territoriale sur celui de l’autodétermination des peuples ne fait aucun doute pour toute lecture équilibrée de l’abondante littérature juridique internationale en la matière.

En effet, nul besoin d’être un spécialiste chevronné du droit international pour affirmer que « l’intégrité territoriale constitue un principe de droit international déjà en place dans l’Antiquité grecque ». Elle évoque le droit et devoir inaliénable d’un État souverain à préserver ses frontières de toute influence extérieure. « C’est une caractéristique de la nation, lui fournissant le prétexte suffisant à l’entretien d’une armée pour en assurer la défense ».

Alors que le principe de « l’intégrité territoriale » est né depuis que les hommes se sont constitués en communautés partageant, outre une histoire et un destin commun, un même territoire et les mêmes valeurs du vivre-ensemble, le « droit à l’autodétermination des peuples » est né, quant à lui, dans des circonstances historiques spécifiques.

En effet, amorcé après la première guerre mondiale avec le démantèlement des grands empires européens multinationaux – Autriche-Hongrie et Empire ottoman –, ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été réactivé à la faveur du mouvement de décolonisation en Afrique, en Asie et ailleurs. Même dans l’esprit de ses initiateurs, ce droit ne saurait être opposables à l’intégrité territoriale des Etats-nations.

Ainsi, au lendemain de la première guerre mondiale (1914-1918) et de l’implosion des empires austro-hongrois et ottoman, il fallait doter les mouvements d’émancipation des peuples précédemment précédemment occupés par ces empires d’un outil légal et légitime leur permettant de bénéficier de la reconnaissance universelle. Les Etats-Unis, eux-mêmes nés de la libération du joug colonial britannique, étaient les premiers à promouvoir ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Un véritable droit à l’autodétermination a pu être ainsi reconnu lorsqu’il était question pour des peuples de s’affranchir d’une domination étrangère, ce qui était cas du Sahara marocain longtemps occupé par l’Espagne. Il devient en revanche plus compliqué de l’admettre lorsqu’il s’agit de soutenir des ambitions indépendantistes fondées sur des spécificités distinguant une population du groupe national auquel elle était jusqu’alors liée, comme l’a attesté la Cour internationale de La Haye pour les tribus sahariennes. Ainsi, une telle revendication peut se heurter à la nécessité de contenir les forces centrifuges participant à une érosion de la notion même d’État dont la population comprise dans sa diversité représente un élément constitutif déterminant. Dans ce cas extrêmement particulier, l’exercice du droit à l’autodétermination semble impliquer une consultation démocratique, ce qui ne cesse d’être réaffirmé à la faveur des différentes élections dans les provinces sahariennes marocaines. Aussi, le droit des peuples à l’autodétermination externe s’oppose-t-il à l’État, c’est-à-dire à son droit à l’unité tel que stipulé dans l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies.

La duplicité de l’Espagne et la France

Du fait de ce principe, le droit international considère la sécession séparatiste comme du domaine du droit interne de l’État concerné. Les démocraties apposent ce terme dans les déclarations constitutionnelles. Le séparatisme d’une zone dissidente est vu comme une atteinte à l’intégrité territoriale par la puissance souveraine. Être garant de l’intégrité territoriale entre donc dans les responsabilités du chef de l’État, comme c’est le cas de la constitution marocaine.

Le gouvernement espagnol qui, à de rares exceptions près, s’est distingué par sa duplicité quant au droit du Maroc à préserver son intégrité territoriale s’est trouvé, il y a cinq ans, dans une sale posture face aux revendications de la Catalogne. N’est-ce pas au nom de l’intégrité territoriale du royaume d’Espagne que le débat concernant le statut des communautés autonomes du Pays basque et de Catalogne, entraînées par leurs représentations respectives (et leurs populations qui ne se voient pas comme une minorité nationale espagnole), a atteint pendant l’année 2005 des sommets ? Le commandant de l’armée espagnole n’avait-il pas rappelé l’article constitutionnel par lequel cette prérogative lui incombe, dans le cas où les textes débattus à l’assemblée nationale espagnole passeraient ?

La France, qui peine à reconnaître franchement et expressément la souveraineté marocaine sur ses provinces sahariennes, comme l’ont fait les Etats-Unis d’Amérique, parce qu’elle craint de fâcher la soldatesque algérienne, n’a-t-elle pas « bavé » des revendications nationalistes et du terrorisme corses ? Sans parler des spasmes indépendantistes de ses « possessions » d’Outre-mer ?

En vérité, les gouvernants d’Alger ont transformé le noble principe d’autodétermination des peuples en un outil de casus belli à l’encontre d’un pays voisin qui ne s’est jamais permis d’en user à son tour au profit des spasmes particularistes qui ne cessent de traverser l’Algérie depuis son indépendance, de la Kabylie amazighe jusqu’à ses contrées du Sahara oriental. Le Maroc a-t-il nui un jour à l’intégrité territoriale algérienne, y compris lors de la décennie noire des années 90 ?

Cette « autodéterminationnite » aigüe, foncièrement anti-marocaine, est l’exemple même d’une « vérité intentionnellement usitée en mensonge » (حَـقٌّ يُـرَادُ بِـه بَـاطِـل).

Et si les militaires, qui hypothèquent le destin du peuple algérien frère depuis son indépendance, s’appliquaient à eux-mêmes et d’abord à ce dernier le principe d’autodétermination que ne cesse de réclamer le Hirak dont le retour ne tardera point dès la disparition de la pandémie covidienne ?

Quant au Maroc, il a, de lui-même, mis en branle la seule véritable autodétermination de ses provinces sahariennes qui soit « viable, durable et crédible » en proposant leur large et respectueuse autonomie !

Quand sa demeure est en verre, est-il raisonnable de jeter des pierres sur celle du voisin ?

 

 

 

 

 

 

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