La nouvelle partie de « poker menteur » américano-iranienne

Hassan Alaoui

Ce mercredi 10 juillet se réunit à Vienne ( Autriche) le Conseil de l’AIEA ( Agence internationale de l’énergie atomique) dirigée depuis 2011 par le japonais Yukiya Amano pour analyser les conséquences de la décision du gouvernement iranien de réactiver de nouveau l’enrichissement de son uranium, limité en principe à 3,67 mais qu’il veut pousser jusqu’à 20%. Les Européens, comme aussi Israël, ne cachent point leur inquiétude.

La décision de l’Iran de annoncée dimanche de continuer d’enrichir son uranium au-delà des 3,67% qui lui sont imposés en vertu des accords signés en juillet 2015 , affole la communauté internationale et aggrave la tension en particulier avec les Etats-Unis. En même temps que cette mesure, le gouvernement iranien a annoncé derechef qu’il s’affranchira des autres obligations d’ici 60 jours si les puissances signataires ne réagissaient pas en l’encontre des sanctions que Ronald Trump contre l’Iran.

Au lendemain de son élection à la tête des Etats-Unis en 2016, Donald Trump a immédiatement comme promis lors de sa campagne électorale dénoncé l’accord sur le nucléaire iranien finalisé avec Barack Obama en juillet 2015, après deux ans de négociations entre les 5 membres du Conseil de sécurité ( Etats-Unis, Russie, Chine, Angleterre et France) , plus l’Allemagne et l’Iran et signé par l’Union européenne également. L’accord dont le principe cardinal est alors, à défaut de son abandon total, la limitation de la production d’uranium par l’Iran, a nécessité plusieurs mois de discussions et un engagement personnel de l’ancien président américain , Barack Obama.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Téhéran s’est incliné également devant la clause de l’accord qui lui impose de se soumettre aux contrôles de l’Agence internationale de contrôle de l’énergie atomique ( AIEA). De la même manière qu’il accepté d’abriter les systèmes de surveillance vidéo instantanée sur tous les sites susceptibles de produire de l’uranium enrichi. Elles sont au nombre de dizaines recouvrant le territoire iranien et, à elles seules, fournissant quelque 50% de la production de l’agence de contrôle à travers le monde. C’est dire l’étroite surveillance à laquelle est soumis officiellement et volontairement le pays depuis les accords de Vienne de juillet 2015.

En mai 2018, unilatéralement et même brutalement, Donald Trump obsédé par la destruction du programme nucléaire iranien a imposé à ce dernier de nouvelles sanctions économiques dont on peut, à présent, affirmer qu’elles portent leurs amers fruits. Pis : en août 2018, insensible aux souffrances du peuple iranien, il a exigé des autres pays, d’Europe notamment, de la Chine et même de la Russie les mêmes sanctions et les mêmes mesures de boycott, les deux dernières puissances ayant en effet fini par exaucer ses vœux, à renoncer aux approvisionnements du pétrole iranien et donc à l’isoler encore plus sur la scène internationale.

L’Iran est dans une telle crise économique – et donc sociale – qu’il en appelle au bienveillant soutien de la France, de la Grande Bretagne et de l’Allemagne, signataires et négociateurs de l’accord de juillet 2015. S’il voulait ébranler le régime des Ayatollahs et déstabiliser le pays, le président américain ne s’y prendrait pas autrement. Il recourt donc au fameux « Big stik » cher à ses lointains prédécesseurs pour le faire incliner et faire tomber le régime islamiste. Celui-ci ne cesse d’avoir maille à partir avec de grandes franges de la population – notamment les jeunes – qui exprime ouvertement désormais son profond mécontentement face à la cherté de la vie et aux pénuries qui l’accompagnent.

Donald Trump, en ouvrant un nouveau front diplomatique, économique et militaire avec la République islamique d’Iran dévoile un double objectif : affaiblir le régime de Téhéran et, au-delà, réduire ses capacités militaires dans la région, en prévenant ses attaques éventuelles notamment contre les Etats du Golfe, dont l’Arabie saoudite et les Emirats arabes représentent le ventre mou. Cette stratégie américaine n’a-t-elle pas un autre objectif inavouable, celui de pousser l’Iran à ses extrêmes pour le voir sortir lui aussi – à l’instar des Etats-Unis – de l’accord de juillet 2015 ? Et auquel cas, faire intervenir le mécanisme inclus dans le texte de l’accord qui prescrit explicitement que si l’Iran renonce à ce dernier reviendrait à dire qu’il le violerait et, par conséquent, l’exposerait à de radicales mesures internationales.

C’est une partie de poker que se livrent un Iran en quête de prétexte pour passer à l’étape supplémentaire d’enrichissement de son uranium conscient que Ronald Trump joue son deuxième mandate électoral, les Etats-Unis durcissant leur politique de rétorsion et les Européens qui, rongés par l’inquiétude de perdre leurs marchés, demandent à Washington de rétablir des exceptions à « l’extraterritorialité » des sanctions américaines imposées à leurs entreprises…

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