La pandémie Corona de ma fenêtre

PAR ABDELJALIL CHERKAOUI 

La pandémie Corona virus constitue un événement mondial qui va marquer l’histoire de l’humanité. Elle mérite d’être observée par les différentes écoles de recherche aussi bien dans le domaine économique que social. Elle peut trouver sa place dans le registre des grandes catastrophes qu’a connues le monde pendant les deux derniers siècles.

L’humanité entière va subir des changements à cause de cette pandémie. Nous constatons, avec étonnement et tous les jours, des mutations sociétales dans les conduites des gens. Une certaine conduite disciplinaire chez les gens commence à devenir une règle sociale sans précédent. Elle se manifeste par le respect volontariste des barrières sanitaires telles qu’elles sont dictées par les autorités compétentes. Cette posture se constate aussi bien chez les riches que chez les pauvres. Les quartiers populaires connus par une certaine anarchie deviennent rapidement des lieux paisibles devant cette pandémie. La gestion des déchets s’organise, le confinement s’observe correctement, la solidarité trouve sa place dans le quotidien des agglomérations, le port du masque est bien répandu etc.

Celui qui a dit que les catastrophes éduquent les peuples avait entièrement raison. Tout le monde s’accorde à dire qu’aujourd’hui l’humanité va connaître un autre essor après cette pandémie. De grands changements vont chambouler la donne économique et sociale dans le monde. Les perspectives de ce bouleversement vont avoir des déclinaisons très élargies qui toucheraient l’humanité sur tous ces aspects de la vie.

Le confinement est un phénomène nouveau pour les générations post guerre mondiale. Dans le contexte de la présente crise sanitaire, il signifie, tout simplement, rester chez soi pour éviter la propagation du virus, l’agent pathogène de la pandémie. L’obligation de pratiquer les barrières sanitaires nous l’a imposé et nous l’avons vécu avec beaucoup de contrainte d’ordre psychologique et professionnel. Des effets d’anxiété et d’angoisse commencent à s’observer chez les personnes fragiles et chez les personnes ayant un quotidien hyperactif ; les uns et les autres n’arrivent pas à se cantonner dans un endroit avec un espace de vie limité, fermé. Seul le casanier a le pouvoir de s’organiser et d’accepter le confinement avec moins de dégât.

Cette restriction a pu installer de nouvelles habitudes à l’échelle de l’individu et à l’échelle de la collectivité. La nouveauté réside au niveau des comportements vis-à-vis du digital. Le télétravail et la communication à distance ont pris une place dans la vie des gens. Le clavier est devenu la fenêtre à partir de laquelle nous voyons le monde. La vidéo conférence a remplacé le bavardage dans les cafés et les coins de rues. Ce qui est étonnant c’est la vitesse par laquelle les gens ont adopté ce mode de communication et de travail. On dirait qu’ils attendaient un déclencheur pour s’y mettre.

Un autre phénomène a un lien avec la répartition des responsabilités autour de la corvée ménagère. L’homme, dans son confinement, a été obligé de mettre le tablier pour aider son épouse en s’occupant de la plonge et d’autres tâches ménagères. Certains foyers ont même découvert qu’ils avaient une main d’œuvre disponible à l’intérieur de la maison et qui n’était pas suffisamment exploitée. Ce qui donne à réfléchir après à ceux qui en ont fait du zèle.

La promiscuité, par contre, chez le mal logé a développé des conflits et des frictions au sein du ménage. Dans beaucoup de cas, ceci a été mal vécu par tous les membres de la famille mais les plus vulnérables étaient les enfants qui ont eu des répercussions ingérables pour suivre correctement les cours scolaires à distance.

Dans des situations pareilles, les quartiers démunis semblent avoir de grandes difficultés pour vivre le confinement en question. Les barrières sanitaires n’ont pas trouvé le contexte favorable pour qu’elles soient bien observées et ce par manque parfois d’assainissement et des équipements de base.

Sur le plan des dépenses ménagères, il y a lieu de signaler que la majorité des ménages en a connu une baisse sensible. Le niveau de la consommation a été, d’une manière générale, réduit et rationalisé. L’approvisionnement alimentaire est resté prépondérant faisant appel au commerce ambulant qui a connu une certaine prospérité vu sa commodité de proximité. Les crieurs marchands d’autrefois sont revenus sur place sauf que cette fois-ci c’est avec des triporteurs et non pas des ânes ou des mulets

La lecture positive des effets de cette pandémie et du confinement nous amène à apprécier certains attributs non négligeables. Nous remarquons que les espaces publics sont de plus en plus dépollués. Rues et quartiers connaissent une diète et un repos total ce qui a amené les services compétents en la matière à constater une véritable épuration de l’atmosphère. Bref, c’est le bon côté d’un confinement collectif. Nous avons la chance de respirer, dans des moments pareils, de l’air pur allégeant ainsi les méfaits symptomatiques du virus en question. L’humanité n’a pas fini d’être surprise par la contradiction du hasard et par l’inconnu du destin. Ces derniers temps, un phénomène naturel inédit a surpris les villageois. Il s’agit des animaux du voisinage qui occupent, de plus en plus, la voie publique et partagent, sans inquiétude, avec l’homme les jardins et les ronds-points. La nature est en train de reprendre ses droits.

Cette crise a été l’occasion où la population a connu une certaine réconciliation avec les autorités publiques. Les populations ont eu une reconnaissance à l’égard des efforts déployés et des actions de bienveillance accomplies par les différentes forces publiques.

Il s’agit d’un sentiment collectif qui va sans doute marquer l’avenir de la citoyenneté des gens.

En somme, cette pandémie a amené l’humanité à méditer et à repenser son présent et son futur. Pour cela, il y aurait probablement un monde d’avant et d’après la crise Covid-19 Il est clair que des changements sociétaux vont marquer l’avenir de l’humanité et d’autres aménagements économiques vont suivre en reconfigurant l’ordre mondial post Corona.

Quelques habitudes ayant pris place pendant la crise vont certainement donner des suites dans la posture sociale des individus. La distanciation sociale va agir sur les habitudes liées au contact corporel qui se manifeste dans différentes occasions sociétales. C’est l’enterrement probable des accolades et embrassades que les populations méditerranéennes et africaines ont l’habitude de partager, abusivement, dans le salut journalier avec les amis et la famille. Les habitudes du sud se sont institutionnalisées autour du nombre d’embrassades. Le menu social offre soit deux ou quatre accolades par moment si on veut être amicalement correct.

Tout cela va connaître des arrangements d’ordre comportemental dans le sens de la distanciation aussi bien dans le milieu de travail que dans la rue. Ceci va exiger, désormais, de nouvelles dispositions ergonomiques dans les lieux professionnels qui vont permettre d’assurer les conditions nécessaires à cette barrière sanitaire. D’un autre côté et vu la conscience collective, la notion d’hygiène va devenir un élément socioculturel important qui va régir tous les gestes et les manipulations des objets dans la vie des gens.

Un autre phénomène va radicalement influencer le mode de vie chez les gens. Il s’agit de la digitalisation et l’usage des nouvelles technologies de communication. Déjà le smartphone a introduit de nouvelles habitudes dans les relations entre les personnes qui se sont manifestées par un présentiel réduit dans les différentes fête et occasions. C’est ainsi que les SMS et les appels vidéos ont remplacé une bonne partie des visites familiales que nous avons connues dans le passé.

L’éducation et la scolarisation à distance vont devenir des chantiers prioritaires. Elles ont connu, pendant cette période, une avancée remarquable qui mérite d’être renforcée, institutionnalisée et généralisée. Cette période test a permis de relever les lacunes du système qui seront, sans doute, prises en charge par les améliorations à venir. Le désenclavement digital du monde rural sera prioritaire pour permettre de résoudre la problématique de la déperdition scolaire qui frappe ces milieux. Un effort est attendu pour améliorer les programmes scolaires et les rendre techniquement diffusables et ce par un investissement dans l’audiovisuel appliqué à cette fin.

Un autre aspect plus général : il s’agit du chantier du registre social (RSU) qui va certainement connaître, lui aussi, une certaine accélération au niveau de son installation par les pouvoirs publics. En effet, cette crise a démontré, sans équivoque, sa nécessité et son utilité dans l’acheminement des aides de compensation préconisées par les pouvoirs publics en faveur des personnes démunies.

Dans cette perspective, l’Etat providence et l’institutionnalisation de la solidarité nationale seront une préoccupation majoritaire dans les politiques à venir de plusieurs pays. Le Maroc aura des chantiers à ouvrir dans ces domaines. L’unification des programmes sociaux et des institutions qui agissent dans la lutte contre la précarité, l’exclusion et le développement humain en général seront amenés à se regrouper pour en faire une politique convergée répondant efficacement aux attentes des populations concernées.

La pandémie a été un examen pour plusieurs pays. Elle a permis de faire l’état des niveaux de vigilance et d’anticipation à l’égard de la crise. Aussi, elle a fait montre de la négligence de certains d’entre eux en matière de solidarité. Ceci semble faire tache d’huile au sein des groupements régionaux comme l’Union européenne. L’Italie a été le premier pays à dénoncer, à haute voix, cette négligence tout en faisant des reproches aux pays de la région qui n’ont pas manifesté des gestes de solidarité comme il se doit.

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