La Pologne – un allié fidèle et loyal de l’UE et de l’OTAN

TRIBUNE

Par SEM. Krzysztof Karwowski
Ambassadeur de Pologne à Rabat

Aujourd’hui, la Pologne est un acteur important de la zone européenne de liberté et de prospérité ainsi que de l’espace euro-atlantique de paix et de sécurité. Et pourtant, ce fait, qui semble, aujourd’hui, évident, aurait été considéré, il y a 33 ans, par tout analyste sain d’esprit, comme un délire et une chimère. L’Europe, divisée par le rideau de fer, était encore embourbée dans l’atmosphère de la guerre froide et les générations successives de Polonais, essayant de regagner leur indépendance, ne pouvaient que rêver de retourner dans le cercle des valeurs occidentales.

Commençons par un peu d’Histoire

Il convient de rappeler que la Pologne, et plus précisément l’Union de Pologne-Lituanie, deux États, unis au XIVe siècle par des liens de fraternité, pour plus tard n’en faire plus qu’un seul appelé Commonwealth polono-lituanien, était l’un des pays les plus puissants d’Europe – et s’étendait sur près d’un million de kilomètres carrés.

La dynastie lituanienne des Jagellons a gouverné non seulement le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie, mais aussi le Royaume de Hongrie et le Royaume de Bohême. C’est à cette époque que l’on entend parler pour la première fois de cette alliance d’États d’Europe centrale et de la ville de Visegrad, si connue aujourd’hui.

La République des Deux Nations était un État particulier – également de nom – une république, qui prenait exemple sur la Rome antique, ses valeurs et ses lois – un État basé sur la liberté et l’égalité de la noblesse, qui choisissait son propre roi, et dont langue officielle était le latin. Cette liberté donnait, par exemple, le droit à chaque noble député d’opposer son véto et d’annuler les décisions de la Diète (y compris en ce qui concernait le droit fiscal) – veto, qui, au fil du temps, est devenu une malédiction de la Pologne, lorsque les votes des députés commençaient à être achetés par des puissances étrangères et que la Pologne plongeait dans l’anarchie. Le pays affaibli fut finalement déchiré au 18e siècle par des voisins de plus en plus agressifs – la Russie, la Prusse et l’Autriche.  Les Polonais n’ont pas accepté la perte de l’indépendance, et chaque quelques décennies, ils s’insurgeaient ou combattaient aux côtés de ceux qui donnaient l’espoir de retrouver la liberté – comme dans les guerres napoléoniennes. Des générations entières de Polonais ont prié pour qu’une grande guerre éclate entre les envahisseurs. Celle-ci a finalement eu lieu et, miraculeusement, les trois puissances – l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie – y ont subi une défaite. Ainsi, la Pologne, après 123 ans, a pu revivre en 1918. Pas pour longtemps – deux puissances totalitaires émergeaient déjà à l’Est et à l’Ouest.

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La Pologne a bien retenu la leçon de 1939, lorsqu’elle combattait seule contre le IIIe  Reich et l’Union soviétique, qui se sont partagé la Pologne une fois de plus. Comme toujours, les Polonais n’ont pas déposé les armes, des dizaines de milliers de soldats se sont enfuis en France pour continuer à combattre à ses côtés, puis aux côtés de la Grande-Bretagne.

Ce sont les pilotes de chasse polonais qui ont significativement contribué à la victoire dans la bataille  pour l’Angleterre, les diables blindés noirs ont gagné à Falaise et les anciens prisonniers des camps de travail soviétiques, exilés en Sibérie uniquement parce qu’ils étaient Polonais, ont conquis le Monte Cassino. Mais la contribution polonaise à la victoire des Alliés n’est pas seulement un effort armé. Les mathématiciens polonais Marian Rejewski, Jerzy Różycki et Henryk Zygalski ont été les premiers à casser le code Enigma et, juste avant la guerre, ont partagé leur savoir ainsi que des copies d’Enigma, avec les cryptologues français et britanniques ébahis. Un super-héros polonais, le capitaine de cavalerie Witold Pilecki s’est porté volontaire pour se faire attraper à Varsovie et être déporté à Auschwitz, pour ensuite s’en évader après plus de 2 ans et transmettre les informations sur l’enfer que les Allemands y ont fait vivre aux Polonais, Juifs, Roms et prisonniers de guerre russes. Des diplomates polonais à Berne ont massivement acheté des passeports aux ambassades des pays d’Amérique centrale afin de les envoyer en Pologne occupée, en Allemagne et en Autriche, sauvant ainsi des milliers de Juifs. Et enfin, le célèbre renseignement militaire polonais – également présent ici au Maroc et en Algérie voisine – réseau du Commandant Mieczysław Słowikowski alias « Rygor », qui a préparé le terrain pour garantir le succès de l’opération « Torch » en novembre 1942.

Tout cela montre que les Polonais placent la liberté au-dessus des autres valeurs, et pour eux la sécurité est plus précieuse que la richesse et la prospérité. C’est pourquoi la Pologne a célébré, avec enthousiasme, son adhésion à l’OTAN en 1999 et 5 ans plus tard à l’UE – les rêves de nos ancêtres sont enfin devenus réalité et aujourd’hui, nous sommes les fiers alliés de nos alliés. Les Polonais sont l’un des peuples les plus pro-européens de l’UE (soutien supérieur à 80%), et c’est en Pologne que le soutien de sa présence au sein du Pacte de l’Atlantique Nord est l’un des plus élevés. La Pologne sait bien que sa place est à la fois dans l’UE et dans l’OTAN – ces deux alliances sont pour les Polonais parfaitement complémentaires – comme les deux piliers de leur « être ou ne pas être ». Aujourd’hui, alors que des vents froids soufflent à nouveau de l’Est, on comprend, de mieux en mieux, pourquoi ils se sont tant battus pour assurer une sécurité maximale à toute l’Europe, également en termes d’énergie, et pour étendre sa zone d’influence aussi loin que possible vers l’Est et le Sud. Ils ont demandé haut et fort à se faire comprendre et à partager leurs peurs et leurs angoisses car en tant qu’habitants de la Chambre orientale de la Maison européenne, ils voient et comprennent un peu mieux ce qui se passe à l’est de l’UE. Heureusement, aujourd’hui, l’Europe s’unit à nouveau face à une menace commune et son allié le plus important, les États-Unis, envoie à nouveau ses troupes en Pologne, en Allemagne et en Roumanie.

Les Polonais, outre l’amour de la liberté et le sens de leur dignité, ont une autre caractéristique qui les distingue : la loyauté absolue envers leurs amis et alliés. Ce sont leurs soldats qui ont combattu aux côtés de Napoléon jusqu’au bout, même conscients que celui-ci avait déjà perdu et que le tsar de Russie leur avait accordé son pardon. Peu de gens se sont probablement demandé pourquoi Hitler avait attaqué la Pologne en premier … Les soldats polonais se sont battus aux côtés des alliés jusqu’au bout, en 1945 et ce malgré le fait qu’ils savaient déjà, qu’à la suite des décisions des Trois Grands dirigeants de la coalition antinazie prises lors des conférences de Téhéran et de Yalta, ils avaient été livrés au dictateur soviétique, Joseph Staline. C’est ce que l’honneur leur ordonnait de faire. Même aujourd’hui, après avoir retrouvé leur liberté, ils ont loyalement soutenu, en tant qu’allié, les Américains en Irak et en Afghanistan et personne ne doute de la manière dont les Polonais se comporteront lorsqu’ils devront à nouveau passer le test de loyauté.

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