La question de la protection sociale nécessitait une décision « révolutionnaire »

La protection sociale et la couverture médicale constituaient une question « épineuse », dont la résolution nécessitait « une décision courageuse et révolutionnaire, telle que déployée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI », assure le Dr. Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en systèmes et politiques de santé.

Dans une analyse traitant du lancement du projet de généralisation de la protection sociale par le Souverain, mercredi dernier à Fès, le Dr. Hamdi indique que cette initiative ne constitue pas de simples « services sociaux » à proposer à la population, mais « une approche de justice sociale qui vise à faire participer tous les Marocains au nouveau modèle de développement et d’en cueillir également les fruits ».

Il s’agit « d’un chantier royal qui constitue la locomotive tractant plusieurs autres chantiers de réformes », dit-il, relevant que sur le plan médical, il est question de faire bénéficier de la couverture médicale 22 millions Marocains de plus, dans les deux années à venir, sachant que « l’explosion » du nombre des bénéficiaires appelle d’autres chantiers, à savoir améliorer l’offre de soins quantitativement et qualitativement.

Le Maroc a besoin aujourd’hui de 32.000 médecins pour être aux normes de l’OMS, ainsi que de 65.000 autres professionnels de santé, estime-t-il, faisant remarquer que la croissance démographique et le vieillissement de la population tirent les besoins en offres de soins vers le haut.

Ainsi, un Marocain sur dix est actuellement âgé de plus de 60 ans, un taux qui sera multiplié par trois en 2050 avec tous les besoins en offre de soins qui en découlent, prédit le chercheur.

« Il faudrait accélérer la formation des médecins et d’autres professions de santé au Maroc. Une réforme des études médicales s’impose de toute urgence. Une autre réforme devrait concerner les autres branches d’études universitaires et professionnelles pour mettre à la disposition du secteur de la santé les ressources humaines nécessaires », affirme-t-il.

Alors que 28.000 médecins exercent au Maroc, plus de 10.000 médecins marocains exercent à l’étranger, relève le Dr. Hamdi, signalant que chaque année, des centaines de médecins marocains plient leurs mallettes de consultation pour s’installer en France, en Allemagne, en Espagne, ou encore au Canada, où la demande et les incitations ne cessent d’attirer les compétences des pays du sud, d’autant que « le phénomène risque de s’accentuer avec les retombées de la pandémie ».

« On a besoin de produire plus de médecins et de professionnels de santé certes, mais il faudrait savoir les retenir, et pourquoi pas les encourager à revenir au pays pour consolider l’effort national, et profiter de leurs compétences, de leur expérience et de leur expertise », considère le Dr. Hamdi, soulignant que le chantier de la réforme de l’exercice médical dans le public comme dans privé est une urgence pour les rendre plus attractifs.

D’autre part, il rappelle que le Maroc dispose d’un lit d’hospitalisation pour 1.000 habitants, alors qu’en France, le taux est de 6,8 et, en Espagne, il est de 3,7 pour mille habitants, soutenant que les investissements publics et privés nationaux « peinent à combler ce creux ».

« Une ouverture au capital privé national n’a pas initié l’engouement attendu », constate-t-il, estimant qu’un chantier de réforme du cadre législatif, de l’investissement dans le secteur de la santé, de la révision de la tarification nationale de référence, de la nomenclature des actes, de la transparence dans le secteur, de la responsabilité médicale, est « incontournable pour pouvoir s’ouvrir et attirer l’investissement étranger ».

« Une des leçons importantes de la pandémie de la Covid-19 est de savoir nous appuyer sur les capacités nationales d’abord, en formant plus de médecins et de professionnels de santé, et en encourageant l’investissement national », poursuit le chercheur, considérant que l’investissement étranger constituera un renfort avec l’apport de son expertise, de son savoir-faire, de ses moyens financiers, matériels, technologiques et de ressources humaines.

« Le secteur de la santé avec les volets des services de soins, de l’industrie pharmaceutique et du matériel médical pourra renforcer son offre et accompagner l’ouverture marocaine sur l’Afrique et constituer une plateforme africaine et méditerranéenne en matière de santé », relate encore le spécialiste.

La généralisation de la couverture médicale concerne le volet quantitatif, mais également le volet qualitatif pour rendre cette couverture plus efficiente, fait-il-observer, indiquant que 54% de dépenses de santé sont supportées par les ménages, ce qui constitue un frein à l’accès aux soins, et une cause de vulnérabilité et de glissement vers la pauvreté.

« Les assurés bénéficiant de l’AMO, supportent de 30 à 50% de leurs dépenses de santé (le reste à charge) et les fonctionnaires et salariés à moyens et petits revenus se trouvent privés de l’accès aux soins malgré leur couverture médicale », fait-il observer, attirant l’attention sur le fait que « les caisses de maladie au Maroc sont multiples et éparpillées et les unifier permettra d’en améliorer la gouvernance, harmoniser l’offre, et alléger les couts ».

« Ce chantier structurant par son ampleur, son ambition, ses préalables et son impact, est un grand pas vers une justice sociale, vers un Maroc centré sur le Marocain », espère-t-il, insistant que « mener à terme ce gigantesque chantier nécessite le déploiement de tous les efforts, de tous les marocains, citoyens, entreprises, institutions, partis politiques, syndicats ».

« La protection sociale et la couverture médicale contribuent amplement à la garantie de la dignité du citoyen, de son émancipation et de la stabilité sociale, qui sont des atouts pour faire intégrer des millions de marocains exerçant dans l’informel dans un formel plus attractif. C’est un autre maillon de la chaîne de transmission vers un nouveau Maroc », conclut le chercheur.

Avec MAP

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