La récolte de céréales sous tension malgré les pluies tardives

Le ballet des moissonneuses-batteuses a déjà commencé dans les plaines céréalières du Maroc. De Doukkala à Abda, les agriculteurs s’activent depuis la mi-mars, portés par un espoir ténu : celui d’une récolte meilleure que celle, catastrophique, de l’an dernier. Les pluies tardives, tombées en mars et avril, ont certes redonné des couleurs aux champs, mais elles n’effacent ni les fragilités accumulées, ni les coûts qui étranglent les producteurs.
« Cette année, on s’en sortira un peu mieux, mais ce n’est pas l’année du siècle », confie, le regard fatigué, un agriculteur d’Oualidia, qui a vu ses espoirs flétrir tout au long de la saison. Comme beaucoup, il a subi les assauts conjugués des mauvaises herbes et des maladies fongiques, qui se sont abattues sur les cultures affaiblies par une sécheresse persistante. Faute de moyens pour traiter ses champs, il a dû regarder impuissant les parasites proliférer.
Le sursaut météorologique n’a pas tout résolu. Si l’Association nationale des meuniers table désormais sur une production dépassant les 40 millions de quintaux – bien meilleure que les maigres récoltes de 2023 –, cette estimation masque des disparités criantes. Doukkala et Abda, grâce à un démarrage précoce des récoltes, affichent une dynamique encourageante. Ailleurs, le tableau est plus contrasté.
Dans la région de Fès, les moissons ne débuteront pas avant fin mai, voire début juin. Les prévisions annoncent une hausse de 44 % par rapport à l’année dernière, mais les professionnels tempèrent cet optimisme de façade. « C’est une année moyenne, pas plus. La pluie est arrivée trop tard pour sauver les parcelles déjà envahies par les mauvaises herbes ou touchées par les champignons », résume un exploitant de la région de Sefrou.
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Au-delà des aléas climatiques, c’est la flambée des intrants agricoles qui asphyxie les producteurs. Les pesticides, devenus hors de prix pour une majorité d’exploitants, ont laissé le champ libre aux ravageurs. « On est frappés deux fois : par la météo et par les coûts », déplore un agriculteur de Khouribga. La hausse continue des prix des produits phytosanitaires, des insecticides et des fongicides a dissuadé bon nombre de céréaliers d’intervenir à temps. Résultat : des rendements décevants pour beaucoup, malgré les apparences.
À Rabat, l’inquiétude gagne les autorités. La crainte d’une envolée des prix du blé dur et tendre, alimentée par les pratiques spéculatives des intermédiaires, pousse le gouvernement à convoquer dès la semaine prochaine des réunions de crise. Objectif : encadrer la distribution des stocks dès la fin des moissons, limiter les circuits parallèles et prévenir la flambée des prix sur le marché local.
Les discussions promettent d’être tendues entre pouvoirs publics, minotiers et commerçants. En toile de fond, la nécessité d’éviter une nouvelle crise des prix, alors que la facture céréalière pèse déjà lourdement sur les finances publiques. Le Maroc, structurellement déficitaire en céréales, reste dépendant des importations pour sécuriser ses besoins. Une dépendance que cette saison agricole, en demi-teinte, ne suffira pas à alléger.