La relation Maroc-Algérie à l’honneur à la Bibliothèque nationale

TRIBUNE

Par Taoufiq Boudchiche (*)

« Tous les pays ont une armée, mais en Algérie, c’est l’armée qui a un pays »  disait Feu Rachid Mimouni. Écrivain algérien de langue française.

Le rappel de cette lumineuse citation en titre de l’article, reprise du talentueux écrivain algérien  Feu Rachid Mimouni, que Dieu Ait son Âme, mort en 1995,  résume à elle seule le système algérien. L’armée « possède » le pays à l’instar d’une propriété exclusive et par conséquent, ne lâchera pas prise, à moins d’une révolution démocratique encore plus ample que celle du Hirak,  laquelle a été interrompue par la crise sanitaire. Une citation qui vient en écho aux deux ouvrages de M. Taieb Derka, présentés à la bibliothèque nationale ce mercredi 31 mai, intitulés respectivement « Algérie-Maroc, la méfiance réciproque » et « Algérie, l’instabilité politique éternise la rupture avec le Maroc ». Un événement exceptionnel de grande qualité organisé par le Club Diplomatique.

En introduisant l’intérêt de la rencontre, les Ambassadeurs, MM. Tayeb Chaoudri, Président du Club Diplomatique, accompagnés de ses collègues Abdeladim  Tber et Ali Achour ont tour à tour évoqué la carrière algérienne de l’auteur dés 1988 en tant qu’ancien représentant de l’Agence Maghreb Arabe Presse (MAP) à Alger. Journaliste professionnel et formé, a-t-il été précisé, à la rigueur des normes de communication des agences de presse, l’auteur a su rapporter dans ses ouvrages la plupart des évènements qui ont étayé la vie politique algérienne depuis cette date. Sont évoqués, entre autres, l’époque du Président Chadli, l’arrivée du Front Islamique du Salut, la décennie noire,  jusqu’aux soubresauts du Hirak et l’éviction de Feu le  Président Bouteflika par la junte militaire. Il a été précisé en outre que les origines de l’auteur de la région de l’Oriental marocain l’avaient sans nul doute prédisposé à une proximité géographique, culturelle et médiatique avec l’Algérie voisine. L’auteur ayant en effet indiqué lors de sa prise de parole qu’il avait pour habitude de suivre, dés sa tendre jeunesse à Oujda, la vie politique de l’Algérie post-indépendante. D’une part, en regardant assidument la télévision algérienne (TVA) ? Celle-ci était captée parfaitement dés les années 60 à l’Est du Maroc alors que la RTM peinait à l’époque à diffuser ses ondes jusqu’à cette partie du Royaume. Et, d’autre part, en raison de ses fonctions au début de sa carrière de représentant de la MAP à Oujda. Ce qui lui a valu d’être désigné ensuite presque naturellement à Alger.

Au centre des propos échangés, deux points ont été soulevés qui sont d’un certain intérêt stratégique au regard de l’actualité de la relation Maroc-Algérie. Le premier est relatif aux seuils atteints par le bellicisme des dirigeants  algériens envers le Maroc ? Selon l’auteur, le résultat de ses observations confirment avec le recul historique que l’hostilité envers le Maroc est quasi proportionnelle aux seuils de gravité de la crise économique et  sociale qui va croissante  en Algérie. Il y aurait donc lieu de s’inquiéter d’autant plus que le Président Tebboune a  affirmé récemment à un organe de presse international que la « relation Maroc-Algérie a atteint un point de non-retour ». Dans les moments de crise aigüe, a-t-il été rappelé par l’auteur, que l’un des principaux leviers actionnés pour la survie du régime est le détournement de l’attention du peuple algérien vers les soi-disant menaces et complots en provenance des ennemis extérieurs. Un argumentaire qui ressort sur la base d’évènements inventés de toute pièce par les clans au pouvoir pour occuper l’imaginaire populaire algérien à coups de slogans hostiles et de mystifications idéologiques et médiatiques.

Le deuxième point débattu a  concerné l’impact de la propagande anti-marocaine sur les sentiments du  peuple algérien à l’endroit du Maroc. Car, selon l’auteur et les intervenants du panel, le risque d’un « formatage des esprits » par la propagande officielle anti marocaine, auprès des nouvelles générations d’Algériens est bien réelle qu’il conviendrait de ne pas sous-estimer. L’hostilité envers le Maroc, a-t-il été souligné par l’auteur, est une politique d’Etat relayée de manière constante, régulière,  méthodique et systémique par les discours officiels et les organes de presse.  En revanche, le Maroc, dans sa grande sagesse, n’’n’est jamais tombé dans le piège d’y répondre par des paroles ou des actes inamicaux. Tout au contraire, dans plusieurs Discours Royaux, Sa Majesté le Roi, a pris soin de mettre en valeur ce qui unit les deux peuples. Une  transcendance royale incitant le peuple marocain à ignorer les provocations de « nomenklatura algérienne », ni celle de vouloir faire effacer de la mémoire commune  les liens mémoriels et sociaux qui unissent les deux peuples frères. Nous observons cette liesse unitaire avec l’éclat de l’évidence, dans la chair des peuples, notamment, quand les équipes de football d’Algérie et du Maroc se distinguent dans les compétitions mondiales. Ce fut le cas lors de l’exploit des Fennecs en 2018 et celui des Lions de l’Atlas en 2022.

D’autres aspects de la vie économique et sociale en Algérie ont été évoqués  qui ne cessent d’étonner l’observateur averti. Notamment,  la mauvaise gestion de l’énorme rente pétrolière, qui frôle souvent, voire dépasse les 100 milliards de dollars. Elle est gérée et contrôlée par les généraux algériens pour importer en excès armes et équipements sans que les régimes successifs aient pu être en mesure, d’en faire un levier de modernisation économique et sociale et de sortie de l’économie de pénurie.  Plusieurs décennies après l’indépendance du pays en 1962, les crises économiques et sociales ainsi que et la mal-vie persistent. Elles obligent les citoyens à recourir aux « pistons et au système D » pour se nourrir, s’équiper, se loger… et en désespoir de cause à rêver d’exil vers des horizons plus cléments afin de fuir la chape de plomb imposée par le régime militaire (d’où ce concept de « Hrig » si populaire érigé en projet de vie). De préférence vers les pays  d’Europe et d’Amérique du Nord.

Le seul succès du régime algérien, aux yeux de l’auteur, serait celui d’avoir fait croire dans le passé à une partie de l’opinion publique mondiale, que l’Algérie était un pays démocratique, révolutionnaire et socialiste, mais fort heureusement, sauf au peuple algérien qui n’a jamais été dupe. Un peuple algérien quadrillé, scruté et surveillé par la toute-puissante  sécurité militaire qui a la capacité de faire et de défaire jusqu’aux Présidents de la République dés que les intérêts du clan des généraux est menacé. Une véritable mystification politique et idéologique dans laquelle se sont engouffrés auparavant nombre d’États à travers le monde, alors qu’il s’agit jusqu’à aujourd’hui d’une dictature militaire répressive, sans aucun égard envers le peuple, sous l’habillage d’un pouvoir civil. Dommage, car l’Algérie, a-t-il été souligné, devrait être un Qatar du Maghreb si le système algérien n’était pas autant perverti par la mal-gouvernance.

(*) Economiste, Vice Président de l’Association Diplomatie Sud-Nord

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