La sécurité hydrique au Maroc est-elle menacée ?

Plusieurs régions au Maroc sont menacées par l’aggravation du stress hydrique, dont notamment la région de Souss-Massa qui fait face actuellement à une pénurie d’eau potable poussant la RAMSA à annoncer des coupures nocturnes dans l’alimentation des foyers sans aucune date précise de reprise. La problématique des barrages qui se sont presque vidés et les faibles précipitations pèsent aussi sur la situation des ressources disponibles en eau.

2020, une autre année perdue pour la saison agricole au Maroc. Alors que le taux de remplissage des barrages commencent à se vider avec seulement 38% de remplissage sans prendre en compte le taux d’envasement, le stress hydrique continue d’empirer. Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, la situation de la pénurie hydrique au Maroc est « alarmante », puisque les ressources en eau sont actuellement évaluées à moins de 650 m3/habitant/an, contre 2500 m3 en 1960, et devraient baisser en deçà de 500 m3 à l’horizon de 2030. La situation hydraulique au Maroc est-elle grave ?

Une population menacée par un « stress hydrique grave »

La problématique du stress hydrique s’élargit au Maroc. Rien que dans la région d’Agadir, la situation des ressources en eau s’est aggravée à cause de l’absence des forêts et les faibles précipitations, il a connu d’ailleurs, un déficit depuis les inondations de 2014 qui a impacté le remplissage des barrages. « Pour le cas de ceux d’Abdelmoumen et de Moulay Abdellah, ils sont pratiquement de 2% à 3% », indique Charafat Afilal, ex-secrétaire d’Etat déléguée auprès du ministre de l’Energie, des mines, de l’eau et l’environnement, chargée de l’eau. Au niveau de la région Souss-Massa, la ville d’Agadir a atteint la saturation de son développement agricole entraînant un manque important des ressources en eau. « On ne peut pas se développer au détriment d’une population assoiffée. Alors, si on veut creuser dans le développement, il sera au détriment de la population marocaine et de la sécurité de l’eau potable ». D’autres phénomènes sont venus s’ajouter aux conditions climatiques très changeantes dans la région comme la forte augmentation de la population urbaine conduisant à une surconsommation des ressources disponibles. « Cette situation était prévisible et heureusement que le tourisme national s’est arrêté, parce que s’il y avait eu aussi des dizaines de milliers de touristes étrangers, nous aurions eu une consommation aussi plus forte dans les hôtels, dans les golfs… », explique Mehdi Lahlou, économiste et professeur universitaire, tout en soulignant que le taux de remplissage des barrages au niveau national, qui est à seulement 38%, ne tient pas compte de l’envasement et donc le contenu réel sera encore moindre. Par ailleurs, les barrages du Nord du pays sont plus remplis que les barrages du Sud, précise Lahlou. Il ajoute que pour les régions d’Agadir, Marrakech et Ouarzazate, sont plutôt dans des taux de remplissage très faibles. « On aurait pensé à un transfert des eaux des barrages du Nord vers la zone centrale du Maroc mais les infrastructures permettant cela n’ont pas été réalisées », s’indigne-t-il. Enfin, la surexploitation des nappes phréatiques pose elle aussi problème, puisqu’elle est liée, selon l’économiste, à des cultures de rentes qui se sont essentiellement des cultures d’exportation. « On a élargi les étendes des zones cultivées, on n’a pas rationalisé l’exploitation et la gestion des eaux d’irrigation, le prix de ce dernier est très faible »,…

Le phénomène de l’envasement fait polémique

Les 38% de remplissage des barrages ne tient pas compte du taux d’envasement. Ce dernier a fait actuellement polémique. Pour Charafat Afilal, l’envasement est un phénomène international tout à fait naturel et juge cette polémique « sans sens ». «  Tous les barrages du monde souffrent de l’envasement. On sait très bien que la capacité de remplissage va diminuer dans chaque barrage et ça diffère d’une zone à l’autre. Donc, une fois on atteint la limite d’envasement, comme le cas du barrage de Abdelkrim El khatabi qui est pratiquement à 90% d’envasement, on lançait un autre barrage qui l’a remplacé par la suite », explique-t-elle. De son côté, Lahlou tire la sonnette d’alarme à ce sujet. « Si on ne prête pas attention à ce phénomène d’envasement et si on n’applique pas une reforestation au Maroc, le stress hydrique sera de plus en plus aggravé puisqu’il y a un très fort rapport entre les arbres et l’eau », signale-t-il.

« Une politique pertinente mais ancienne »

La stratégie nationale des barrages a certainement contribué à la multiplication des sources d’eau. Avec la construction de plus de 140 barrages, la capacité des retenues va dépasser les 18 milliards m3 mais ce qui n’est pas bon pour la stratégie nationale, selon Lahlou, c’est qu’elle manque toujours d’accompagnement et de politiques d’eau bien développées. « La stratégie est pertinente oui, mais elle est ancienne. Ce qui est inacceptable, c’est qu’elle n’est pas accompagnée par une politique de forestation permettant d’éviter l’envasement et faire en sorte que les pluies perdure et qu’il y ait de l’infiltration des eaux dans le sous-sol », précise-t-il, en signalant le problème des infrastructures complémentaires pour les barrages qui n’ont pas été mises en place, notamment les grandes et les petites canalisations conduisant l’eau des barrages vers les régions de consommation.

Il faut rationnaliser l’offre de l’eau

La gouvernance et la rationalisation de l’offre de l’eau irriguée constitue un facteur essentiel de production et ce, en faisant la distinction entre l’eau irriguée et l’eau qui va vers la consommation domestique qui est un bien social. Pour Afilal, il faut également revoir les modes de consommation et les dotations allouées au secteur agricole, et arrêter l’arrosage des espaces publics par l’eau du robinet. « Il faut que tous les secteurs concernés mettent la main sur la patte pour pouvoir asseoir un mode de gouvernance durable des ressources en eau. Il faut se développer en fonction de la capacité hydraulique de chaque région et diversifier les sources d’approvisionnement », recommande-t-elle.

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