« La vie des noirs compte »

Par Jawad KERDOUDI

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le  mouvement « La vie des noirs compte » est né en 2014 après le décès suite à une violence policière d’Eric Garner un homme noir américain. 

La même histoire s’est renouvelée le 25 Mai 2020 à Minneapolis dans le Minnesota, où un autre noir américain George Floyd a trouvé la mort suite à une violence policière injustifiée, insupportable et scandaleuse. La vidéo qui a fait le tour du monde montre le policier Derek Chauvin plaquant pendant près de 9 minutes son genou sur le coût de George Floyd jusqu’à mort s’ensuive.

Par 16 fois avant de mourir, George Floyd a dit «  Je ne peux pas respirer, ne me tuez pas » puis s’est adressé à sa maman « mon estomac me fait mal, mon cou me fait mal, tout me fait mal » en demandant de l’eau sans réponse. Outre Derek Chauvin trois autres policiers ont assisté impassibles à l’horrible scène : Tou Thao, Thomas Lane, et Alexander Kueng.

Derek Chauvin avait auparavant subi 18 plaintes pour violence, dont seulement deux ont eu une suite avec une simple lettre de réprimande. Son collègue Tou Thao a été également poursuivi en 2017 pour usage excessif de la force, et a pu éviter le procès moyennant un règlement à l’amiable. La version policière a tenté de travestir les faits, mais les témoignages vidéo ont imposé la réalité.

Le 26 Mai 2020 les quatre policiers sont simplement limogés, et ce n’est que sous la pression médiatique et les manifestations qui se sont déroulées dans plusieurs villes américaines, que Derek Chauvin est arrêté et placé en garde à vue le 29 Mai 2020 pour meurtre au troisième degré et homicide involontaire. La pression populaire ayant redoublé d’intensité, l’avocat général a inculpé Derek Chauvin de meurtre au second degré (meurtre non prémédite) le 3 Juin 2020, et les trois autres policiers pour aide et complicité.

Le rappel de ces faits indique deux fléaux qui minent les Etats-Unis d’Amérique. Le premier est la violence policière et l’impunité des agents qui commettent des actes répréhensibles. Le second fléau est la persistance du racisme dans certaines couches de la société américaine. La preuve très simple qu’on peut apporter au racisme persistant, est la réponse du policier qui reçoit l’appel pour appréhender George Floyd en demandant « Est-il blanc, noir, amérindien, hispanique, asiatique ? ».

L’affaire « Floyd » a eu des répercussions non seulement aux Etats-Unis, mais dans le monde entier où les condamnations se sont multipliées. En France, plusieurs manifestations ont mis en exergue la mort d’Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans décédé à Beaumont-sur-Oise après son arrestation en Juillet 2016. Cette affaire fait toujours l’objet d’une bataille entre les experts judiciaires. Elle a donné lieu à la réaction du ministre français de l’intérieur qui a déclaré « Chaque faute, chaque excès, chaque mot y compris des expressions racistes feraient l’objet d’une sanction ». Il a en outre annoncé que la méthode de l’étranglement ne sera plus enseignée dans les écoles de la police.

De même les démocrates de la Chambre des Représentants et du Senat ont dévoilé lundi 8 Juin 2020 un projet de la loi de réforme de la police, qui instituerait des changements à l’échelle nationale dans l’application des lois. Dans ses dispositions figurent l’interdiction du profilage racial ainsi que les techniques d’immobilisation par étranglement. Le projet de loi prévoit aussi la création d’une base de données fédérale pour suivre l’inconduite de la police, et l’utilisation obligatoire de caméra mobile à l’échelle nationale. Il est prévu aussi de revoir « l’immunité qualifiée » qui rendait presque impossible de traduire en justice les membres des forces de police qui se rendent coupables de bavures.

On ne peut que se réjouir de ces premières réactions du gouvernement français et du Congrès américain, en espérant que le projet de  loi proposé par les démocrates soit adopté le plus rapidement possible. Mais au-delà de ces réformes, il faut agir également sur les mentalités pour extirper la violence et le racisme partout dans le monde. Cela passe par le renforcement de l’éducation et par la réduction des inégalités sociales. Tous les gouvernements doivent donner la priorité au capital humain et à l’éradication de la pauvreté.

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