L’ADFM réclame une approche de « discrimination positive » au profit des femmes soulaliyates

L’attribution de terres agricoles appartenant aux communes soulaliyates a fait objet d’une circulaire adressée, récemment, aux Walis et gouverneurs, fixant les conditions que doivent remplir les fonciers et les candidats de l’opération d’attribution. En réaction à ce document de l’Intérieur, l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a exprimé son « inquiétude » quant à plusieurs éléments relevant de ce texte.

La circulaire n° 6303, émise par le ministère de l’Intérieur, le 13 mai 2020, porte sur l’attribution de terres agricoles appartenant aux communes soulaliyates, au profit des membres de ces communes qui en bénéficient. Ce document fixe les conditions que doivent remplir les fonciers et les candidats de l’opération d’attribution.

Parmi ces conditions, le demandeur doit être effectivement inscrit dans la liste de la commune soulaliyate, et doit exercer l’agriculture comme métier principal. Ainsi, une terre collective ne peut être attribuée qu’au bénéficiaire direct.

Malgré les dispositions de la loi 62.17 relative à la tutelle administrative sur les communautés soulaliyates et la gestion de leurs biens, et son  décret d’application, la circulaire du ministère de l’Intérieur, telle que formulée « ne tient pas compte de la discrimination dont ont été victimes les femmes soulaliyates, depuis des décennies et qui les exclue de la jouissance des biens de la communauté », selon les explications de Rabea Naciri, s’exprimant au nom de l’ADFM.

Par conséquent, « ces femmes risquent de faire objet d’une nouvelle exclusion dans le cadre des opérations de melkisation des terres collectives dans le bour (elles le sont déjà dans les périmètres irrigués). En effet, selon le décret d’application de la loi 62.17 et la circulaire susmentionnée, la  pleine jouissance des biens communautaires est une condition préalable à l’acquisition des terres bour selon la circulaire n°6303 », précise cette féministe et experte de la question du genre et des droits des femmes au Maroc.

Ayant fait de la protection des droits des soulaliyates son cheval de bataille, l’ADFM réclame, aujourd’hui, une approche de discrimination positive au profit des femmes soulaliyates, qui « consiste à appliquer les dispositions de la loi et de son décret d’application d’une manière équitable. Ceci veut dire que si le nouveau cadre juridique n’est pas formellement discriminatoire, dans la réalité, la situation des femmes et des hommes appartenant aux collectivités ethniques n’est pas égalitaire puisque les femmes n’étaient pas reconnues, jusqu’à une date récente, et grâce au mouvement des femmes soulalyates, comme des ayants droit à la terre», confie-t-elle à MAROC DIPLOMATIQUE.

Elle poursuit : « une politique équitable allant dans le sens des finalités de la Constitution et élargissant en les consolidant les progrès réels enregistrés durant les dernières années, suppose de prendre en compte cette inégalité des situations pour rétablir l’équité ou l’égalité réelle ».

Pour l’ADFM, qui porte le flambeau de cette bataille depuis 10 ans déjà, le dossier des femmes soulaliyates a enregistré des progrès réels, en termes juridiques et dans la reconnaissance des droits des femmes à cette terre, mais il se trouve désormais à la croisée des chemins.

Selon la militante Rabea Naciri, « Tout dépendra de la manière dont sera appliqué le nouvel arsenal juridique et de la manière dont les circulaires du ministère de l’Intérieur vont favoriser l’équité de genre afin de remédier à une situation inégalitaire qui perdure depuis des siècles», affirme-t-elle, notant que le mouvement des soulalyates ainsi que l’ADFM restent mobilisés et vigilants quant à l’évolution de ce dossier .

Rappelons que les terres collectives ne pouvaient pas, dans le  passé, de par le Dahir de 1919, faire l’objet de « melk » privé. Récemment, la loi  62.17 de juillet 2019 est venue pour autoriser la propriété privée de ces terres au bénéfice à la fois des membres des collectivités ethniques mais aussi aux investisseurs privés.

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