L’adhésion du Maroc à la CEDEAO pourquoi, quand et comment ?

Par Jawad Kerdoudi

 J’ai eu l’honneur de participer à la journée du 7 Novembre 2018 qui a été consacrée aux MEDays de Tan­ger à la demande d’adhésion du Maroc à la CEDEAO : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Cette journée a regroupé vingt- cinq partici­pants marocains et africains subsahariens dont des Représentants de haut niveau du Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Mali, Mauri­tanie, Nigeria et du Sénégal. Rappelons que la CEDEAO est une organisation in­tergouvernementale qui regroupe quinze pays membres avec une population de 350 Millions d’habitants et un PIB de 700 Milliards de dollars.

Après le retour du Maroc à l’Union africaine en Janvier 2017, le Maroc a présenté sa candidature à la Cedeao dès le mois de Février 2017. Les raisons de cette candidature sont multiples. Le Maroc revendique tout d’abord son identité africaine et ses liens historiques, humains et religieux avec les pays de l’Afrique de l’Ouest. Sur le plan géopolitique et alors que l’UMA (Union du Maghreb Arabe) est en panne, l’intégration du Maroc à la CEDEAO représentera, en 2030, un ensemble qui comptera parmi les dix premiers de la planète. En effet, à l’heure de la globalisation et de la consolidation des grandes puissances : Chine, Etats-Unis, Inde, tout pays de la taille du Maroc risque d’être marginalisé s’il ne s’intègre pas à un groupement géographique significatif. La CEDEAO élargie au Maroc aura une plus grande attractivité sur le plan commercial et sur le plan des investissements directs étrangers. Le Maroc est déjà très présent en Afrique puisque ses exportations sur le continent africain ont atteint 22,1 Milliards de dirhams en 2017, soit 9% des exportations totales, notamment vers le Sénégal, le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Le Maroc est devenu le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest qui représente 64,7% du total de ses investissements en Afrique. Les investissements marocains en Afrique de l’Ouest concernent plusieurs secteurs économiques : agriculture, assurance, banque, cimenterie, eau et électricité, engrais, immobilier, mines, pharmacie, phosphates. Un grand projet de gazoduc est en projet qui reliera le Nigeria au Maroc, long de 4.000 kilomètres, qui traversera 12 pays de l’Afrique de l’Ouest, et dont le coût est estimé à 20 Milliards de dollars.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont donné leur accord de principe à l’adhésion du Maroc lors du Sommet de Monrovia en Juin 2017. Cependant, lors du Sommet suivant, en décembre 2017, ils ont mis en place un Comité de Chefs d’Etat et de gouvernement composé du Togo, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée et Nigeria, pour « adopter les termes de référence et superviser l’étude approfondie des implications de l’adhésion du Maroc ». Avec cette décision, le processus d’adhésion du Maroc passe de la Commission de la CEDEAO plus portée sur le plan bureaucratique et technique, à un niveau politique. Le Comité des cinq Etats doit notamment déterminer si la décision de l’adhésion du Maroc doit être prise à l’unanimité, par consensus, ou à la majorité des deux tiers des Etats membres.

A noter que le rapport d’impact de l’adhésion du Maroc, publié avant le Sommet de la CEDEAO de Décembre 2017, souligne quelques problèmes. C’est ainsi qu’a été mentionné le conflit régional du Sahara qui « pourrait créer de profondes divisions ». Ont été également mis en exergue les éléments commerciaux relatifs aux multiples accords commerciaux conclus par le Maroc, ainsi que des réticences des secteurs privés du Nigeria et du Sénégal. Certes, l’adhésion du Maroc à un ensemble structuré comme la CEDEAO n’est pas chose facile. Mais il faut ainsi rappeler l’acquis de la CEDEAO en matière de libre circulation des biens, des services et des personnes, ainsi que le tarif extérieur commun. La CEDEAO a également le projet d’une monnaie commune à l’horizon 2020. Le Maroc doit, de son côté, entreprendre une étude approfondie de l’impact de son adhésion à la CEDEAO. C’est afin de gagner du temps, que j’ai proposé lors des MEDays de Tanger que le Maroc soit associé au Comité des Cinq Etats. Cette suggestion a été bien accueillie par les participants y compris les représentants africains subsahariens. Cette suggestion permettra de passer en revue toutes les questions de l’adhésion du Maroc à la CEDEAO en vue d’une décision finale.

En conclusion, la demande d’adhésion du Maroc à la CEDEAO est pleinement justifiée et apportera un avantage significatif aux deux parties. Il convient cependant de ne pas perdre de temps, et de commencer, le plus rapidement possible, les négociations afin de trouver les solutions adéquates aux problèmes inhérent à cette adhésion.

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