Le bicaméralisme au Maroc: un processus en constante évolution

Avec la clôture de la cinquième année législative de la dixième législature, l’expérience parlementaire marocaine aura marqué un processus évolutif qui, étalé sur plus de cinq décennies, a consacré le multipartisme comme option fondamentale dans la praxis politique du pays.

Le parlement marocain est en effet passé par une série d’évolutions au niveau de sa structure comme de ses fonctions au gré des différents amendements constitutionnels, puisque le bicaméralisme a été consacré, au lendemain de l’indépendance, par la première Constitution du Royaume adoptée le 14 décembre 1962, puis par un passage au système parlementaire à une seule chambre en vertu de la Constitution de 1970, avant de revenir au bicaméralisme avec la Constitution de 1996.

Au fil des évolutions ayant ponctué l’expérience parlementaire marocaine, la Constitution de 2011 a marqué un tournant dans le renforcement des prérogatives de l’hémicycle, à travers la consécration du pouvoir du parlement comme unique source de législation, l’élargissement de ses attributions en matière de contrôle parlementaire, le renforcement de son rôle dans l’évaluation des politiques publiques, outre les missions multiples de l’institution législative dans le cadre de la diplomatie parlementaire et son ouverture sur l’environnement national et international

Ainsi, après la Constitution de 1962, la première législature (1963/1965) a entamé ses travaux avec un parlement bicaméral, en l’occurrence une Chambre des représentants qui regroupait 144 membres élus au suffrage universel direct pour un mandat de quatre ans, et une Chambre des conseillers de 120 députés élus au suffrage universel indirect, dont la moitié devaient être renouvelés tous les trois ans.

La législature suivante (1970/1971) a été opérée avec un parlement monocaméral, en l’occurrence une Chambre des représentants qui comptait 240 députés, dont 90 élus au suffrage universel direct, 90 représentant les collectivités locales et 60 les chambres professionnelles.

L’expérience parlementaire marocaine a enchaîné avec une seule chambre au cours de la troisième législature (1977/1983) avec 267 députés, la quatrième (1983/1992) avec 306 membres et la cinquième (1997/1997) avec 333 députés.

→ Lire aussi : La Chambre des conseillers a approuvé 444 textes au cours de l’actuelle législature

Avec l’adoption de la Constitution de 1996, le Maroc a renoué avec le bicaméralisme avec l’élection au cours de la sixième législature (1997/2002) d’une Chambre des représentants de 325 élus au suffrage direct universel pour un mandat de cinq ans, dont 295 issus des circonscriptions électorales locales et 30 au niveau national, et d’une Chambre des conseillers de 270 députés élus pour un mandat de neuf ans, dont les 3/5 élus au niveau de chaque région du Royaume par un collège électoral composé des représentants des collectivités locales, les 2/5 restants étant élus au niveau national par des instances représentant les chambres professionnelles et des représentants des salariés.

La même composition a été reconduite tout au long de la septième législature (2002/2007) et la huitième (2007/2011).

Avec la Constitution de 2011, le parlement était composé lors de la neuvième législature (2011/2016) d’une Chambre des représentants regroupant 395 membres élus au suffrage direct au scrutin par liste, et d’une Chambre des conseillers de 120 membres, dont 72 représentant les collectivités locales, 20 les chambres professionnelles, 08 les organisations professionnelles des employeurs, et 20 la catégorie des employés.

La Constitution de 2011 comporte une série de dispositions visant à renforcer le système à deux chambres et ses prérogatives, grâce à l’octroi de nouvelles attributions lui permettant d’assumer ses missions de représentativité, de législation et de contrôle, comme l’évaluation des politiques publiques, la mise en place de mécanismes efficaces pour le contrôle parlementaire à travers la réduction du seuil nécessaire requis pour le dépôt d’une motion de censure, la création de commissions d’enquête, la saisine de la Cour constitutionnelle, et la tenue de sessions extraordinaires.

La Loi fondamentale a accordé au Chef de gouvernement le droit de présenter un exposé sur l’action de son cabinet et de répondre aux questions relatives à la politique publique, tandis que la Chambre des représentants détient désormais un pouvoir prépondérant en matière d’adoption des textes législatifs, et l’opposition parlementaire s’est dotée d’un statut spécial et de mécanismes efficaces permettant de renforcer son rôle et son apport à l’enrichissement du travail parlementaire.

La Constitution a également élargi les attributions de la première Chambre et conféré un rôle privilégié à la Chambre des conseillers en matière de délibération sur des questions ayant une dimension régionale ou celles à caractère social et économique, ce qui en fait un espace propice à l’examen des préoccupations quotidiennes des citoyens.

La Constitution de 2011 a conféré une quasi-exclusivité au parlement en matière législative, tout en élargissant à 60 le nombre des domaines des lois contre 30 dans la Constitution de 1996, ce qui conforte la prépondérance de l’hémicycle en termes d’adoption des textes législatifs.

Les projets de loi présentés par le gouvernement sont déposés par ordre de priorité au bureau de la Chambre des représentants, à l’exception des textes relatifs aux collectivités territoriales, au développement régional et aux questions sociales qui sont soumis par ordre de priorité au bureau de la Chambre des conseillers.

Les projets et propositions de loi sont soumis pour discussion et adoption aux commissions concernées des deux Chambres, puis présentés pour examen et vote en sessions plénière, avant d’être soumis selon leur nature à l’une des deux chambres, sachant que le vote final revient à la Chambre des représentants en cas d’incohérence entre la version adoptée par l’une des deux chambres.

Côté contrôle, les commissions permanentes concernées dans les deux chambres du parlement peuvent auditionner les responsables des administrations, institutions et entreprises publiques en présence des ministres de tutelle et sous leur responsabilité, alors que les deux Chambres peuvent constituer des commissions provisoires d’enquête et déposer des rapports sur les faits pour lesquels elles ont été créées en vue de les examiner et de les adopter en séance plénière.

Une session plénière hebdomadaire est consacrée aux questions orales et aux réponses du gouvernement, sachant que le Chef du gouvernement est tenu de fournir lors d’une session mensuelle des réponses aux questions relatives à la politique publique, alors que les questions écrites des députés permettent d’assurer le suivi des questions locales.

Le Chef du gouvernement présente devant l’hémicycle le bilan d’étape de son cabinet et une session annuelle est consacrée par le parlement à l’examen et à l’évaluation des politiques publiques.

En parallèle, le parlement oeuvre, dans le cadre de sa mission diplomatique consacrée par les nouvelles dispositions constitutionnelles, pour la consolidation du rayonnement international du Royaume, la défense des causes nationales justes, et le renforcement de la coopération internationale, à travers les groupes d’amitié parlementaire, qui constituent un puissant levier pour faire valoir les questions prioritaires pour le Maroc en matière de développement, notamment dans les domaines économique, social et culturel.

De toute évidence, l’expérience parlementaire marocaine, forte d’une légitimité qu’elle puise dans une série d’acquis réalisés au fil d’un demi-siècle, s’est frayé un cheminement fort singulier pour s’ériger en un modèle authentique que la Constitution de 2011 a magistralement consacré en tant que réalité palpable.

( Avec MAP )

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