Le combat continue

Hassan Alaoui

Le 35ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union africaine (UA) vient de s’achever sur une note mitigée. Certes, la décision d’associer l’Etat d’Israël en qualité d’observateur n’a pas été entérinée, rejetée et combattue même par quatre ou cinq pays sur un nombre total de 54 autres. Or, la décision solennelle a été prise en revanche pour débattre de ses modalités au prochain Sommet panafricain. Ce qui constitue en effet un signe important que les chefs d’Etat d’Afrique ne s’opposent nullement à l’intégration de l’Etat hébreu dans leur giron.

Si la bataille a été rude à ce niveau entre partisans de l’entrée d’Israël au sein de l’UA en tant qu’observateur et adversaires acharnés, on doit relever néanmoins que les premiers sont  au nombre de plus de quarante Etats et les seconds, menés par l’Algérie et l’Afrique du sud, ne sont que quatre ou cinq à la limite. Elu nouveau président de l’Union africaine pour un an, Macky Sall est donc confronté à la première crise pour ainsi dire de son mandat. Celui-ci est d’emblée placé sous le signe de redoutables défis, de crises diplomatiques, de conflits armés, de coups d’Etat et de tensions avec la France notamment.

En quelques mois, ce sont trois putschs militaires qui ont bouleversé la scène ouest africaine : le Mali par deux fois, la Guinée, le Burkina Faso et bien entendu la Guinée Bissau qui a plus ou moins été avorté. Comparaison n’étant pas raison, il semble que nous sommes en train de renouer avec une exécrable tradition de pronunciamiento qui est à notre époque ce que les affrontements des années soixante étaient à la rivalité américano-soviétique. Quand bien même les slogans de l’époque sacrifieraient à l’idéologie – marxiste-léniniste d’un côté et capitaliste de l’autre -, ceux d’à présent ne sont guère différents en termes de méthodologie. Les militaires qui, ici et là, s’emparent manu militari du pouvoir, renversent les régimes civils et proclament de la « révolution » institutionnelle , nous disent sur le même ton, vouloir libérer leur pays de la dictature, de la corruption, de la gabegie etc…

A présent, compte tenu des précédents historiques que nous avions vécus et connus, une comparaison ne nous est pas étrangère, tant il est vrai que le contexte actuel ressemble à s’y méprendre aux époques d’autrefois. La Fédération de Russie qui n’a pas complètement abandonné les habits de la ci-devant Union soviétique est toujours confrontée aux Etats-Unis qui sont demeurés les mêmes, caparaçonnés dans leurs rêves de puissance impériale. Les enjeux qui les opposent nous rappellent à coup sûr ceux des années soixante, avec cette variante que le duopole d’autrefois a cédé en partie la place à une autre puissance, un nouveau pôle, la Chine qui est devenue en moins de trente ans la Troisième et peut-être même la deuxième puissance sur l’échiquier international. Cependant, le nouveau jeu mondial, s’il se réduit à trois pôles puissants, inégaux mais pesants de leurs poids, ne constitue pas le risque irréversible au point qu’il  ne menacerait ni l’équilibre, ni la paix mondiale.

→ Lire aussi : Sommet de l’UA: Les développements sécuritaires en Afrique devraient susciter une réflexion profonde et une action concertée et efficace

On ne saurait parler de guerre à trois, et mieux on devrait évoquer une guerre de menace à trois, car la puissance – nucléaire notamment – demeurera dissuasive. La Russie , aussi militarisée qu’elle puisse être, restera un acteur inoffensif et la Chine tout autant devant la puissance américaine. Les épreuves du passé, que ce soient l’affaire des missiles russes pointés sur les Etats-Unis en 1961 à partir de Cuba, ou inversement l’aventure du commando d’exilés cubains envoyés contre Fidel Castro par John Kennedy, sont demeurées figées dans nos mémoires. Leur souvenir nous renvoie à d’autres contextes semblables, dont celui que nous vivons à présent qui, par l’Ukraine interposé, met face-à-face les deux Super-Grands et mobilise d’autres acteurs comme l’Union européenne et la Chine.

S’il fallait caractériser par un seul petit mot l’année 2021, on dirait qu’elle était la plus noire. Or, rien n’est moins sûr tant il est vrai que celle qui l’a suivie, avec son cortège d’incertitudes, n’inspire aucunement la grande et pure sérénité d’il y a seulement douze mois. En effet, une année commence avec l’éradication relative de la pandémie meurtrière, un chapelet de paradoxes au cou, nous sommes à tout bout de champ pris de court, surpris, las même.

La pandémie de la Covid-19 nous pend au nez, elle nous rattrape même par la nuque à chaque fois que nous respirons l’espérance volatile et fugace que le combat mené depuis des mois contre elle en viendra à bout. « L’année la plus noire » par son cortège continu de morts, les ravages humains, le recul de l’économie mondiale, l’émergence d’une pauvreté inédite, le repli suprêmement individualiste , la déprime collective et la brisure de destins que l’on n’imaginerait nullement en d’autres temps.

Personne n’imaginait, il y a seulement quelques mois, que notre rage de vivre, cette vertueuse assurance de nous-mêmes, cette insouciance à nous croire si invincibles allaient fondre en quelques semaines comme neige sous le soleil, nous inclinant à battre notre coulpe devant l’inédite réalité qui, jour après jour, transfigure la planète d’un seul tenant et avec la même et triste force ténébreuse ? Les visages d’hommes et femmes proches, qui nous sont chers, ont vite fait de disparaître sous nos yeux, nous laissant dans l’horrible détresse et, au mieux, dans l’expectative la plus effrayante.

L’épidémie, devenue pandémie nous a tous surpris. Jusqu’à nouvel ordre, personne ne peut se prévaloir de situer ni connaître ses origines. Et la ville d’où elle s’est envolée a refermé ses portes, sans laisser aucune trace ni un écho, retrouvant son gigantisme, son rythme trépidant et ses habitudes de cité mirifique. En effet, Wuhan est devenue une citadelle, l’enclos qui encastre ses mystères, retrouvant le bruit et les fureurs dans lesquels le monde entier se bat. Mais de Wuhan, de cette cité chinoise peut aussi provenir l’espoir, peut ressurgir le miracle qui nous sauvera. En attendant, nous continuerons non seulement à vivre avec les fantasmagories secrétées par le mal et le sinistre souvenir d’un foyer pandémique, mais tâtonner en quête d’une parade de survie.

Vivre son temps, assumer son temps, s’ingénier même à nous familiariser avec le virus et ses variants qui sont à notre monde ce que les épreuves sont à nos vies. Le combat continue…

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