Le Maroc, hub stratégique dans un monde maritime en pleine mutation
Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine chamboulent le commerce maritime mondial, mais offrent aussi une belle opportunité au Maroc. Avec ses ports de Tanger Med et de Casablanca en pleine effervescence, le pays gagne en importance sur la scène internationale. Pourtant, cette réussite s’accompagne de contraintes, notamment la nécessité de renforcer rapidement ses infrastructures pour poursuivre son développement.
L’intensification des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, marquée récemment par l’instauration de nouveaux droits de douane par Washington, a profondément bouleversé les circuits du commerce maritime mondial. La réaction immédiate à cette escalade protectionniste a été une chute brutale de la demande, entraînant l’annulation de plus d’une centaine de traversées maritimes, notamment sur les routes reliant les deux premières puissances économiques de la planète.
Dans ce contexte de désorganisation, de nombreux armateurs ont été contraints de réorienter leurs itinéraires vers d’autres régions afin d’atténuer l’impact des surcoûts douaniers. Cette redirection stratégique a profité à certains pays, dont le Maroc, qui s’impose désormais comme un acteur logistique de premier plan sur la scène maritime internationale.
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Les ports marocains, en particulier Tanger Med et Casablanca, enregistrent actuellement une activité soutenue. Tanger Med fonctionne à pleine capacité, tandis que le port de Casablanca voit croître sensiblement son volume de trafic pour répondre à la demande grandissante.
Cette dynamique s’explique par plusieurs facteurs. Depuis la crise de la Covid-19, le Maroc a renforcé sa position dans les échanges maritimes en capitalisant sur sa situation géographique stratégique et la compétitivité de ses coûts logistiques. Le Royaume est désormais reconnu comme un hub régional de transbordement et de réexportation, notamment en direction de l’Afrique de l’Ouest, de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
Les perturbations commerciales et géopolitiques mondiales, notamment la situation en mer Rouge, ont incité de nombreux armateurs à réévaluer leurs itinéraires. Le détournement des routes maritimes a ainsi favorisé les ports marocains. De plus, la formation de nouvelles alliances stratégiques comme Gemini (entre Maersk et Hapag-Lloyd) contribue à une redéfinition des circuits logistiques au profit du Maroc.
Toutefois, cette croissance rapide n’est pas sans poser de défis. Tanger Med, malgré ses performances reconnues, atteint désormais ses limites de capacité. Face à cette saturation, les opérateurs se tournent de plus en plus vers le port de Casablanca. Or, ce dernier n’a pas été conçu à l’origine pour accueillir un tel volume de transbordement, ce qui engendre une pression importante sur ses infrastructures.
L’Association des armateurs du Maroc (ARMA) souligne que cette surcharge touche particulièrement les flux à destination de l’Afrique de l’Ouest et des États-Unis. Elle serait également alimentée par l’augmentation du trafic domestique, portée par la montée en puissance des projets industriels et commerciaux du pays.
Plusieurs facteurs aggravent cette situation de congestion : la baisse de productivité observée durant le mois de Ramadan, les fermetures prolongées des ports à cause des intempéries (près de 18 jours) ainsi que la hausse des importations destinées à alimenter les grands chantiers nationaux.
Les conséquences sont lourdes : les retards s’accumulent et les coûts logistiques flambent. À titre d’exemple, l’immobilisation d’un navire transportant 50 000 tonnes de blé pendant 20 jours peut engendrer des pertes estimées à 800 000 dollars, selon l’Association des armateurs du Maroc.
À court terme, les marges de manœuvre sont étroites. Les infrastructures existantes approchent de la saturation et les solutions immédiates manquent. C’est pourquoi les professionnels du secteur plaident pour des investissements urgents, notamment dans les outils de manutention, la digitalisation des procédures, ainsi qu’une meilleure coordination des contrôles douaniers et sanitaires.
À moyen terme, l’ouverture programmée du port de Dakhla, dans le sud du pays, pourrait apporter une bouffée d’oxygène au système logistique national. D’autres pistes sont à l’étude, notamment le réaménagement du port de Mohammedia, afin de diversifier les capacités d’accueil et de mieux répartir les flux.
Face aux recompositions géopolitiques mondiales, le Maroc se retrouve à la croisée des chemins. Il a su tirer parti des crises pour renforcer sa place dans les chaînes logistiques internationales. Mais cette ascension ne pourra se poursuivre qu’au prix d’un effort constant de modernisation et d’adaptation.