Le Maroc resserre l’étau sur les importations à risque

C’est une nouvelle étape dans la politique industrielle et commerciale du Maroc. Une étape discrète, mais déterminante. Depuis la publication officielle, le 17 mai dernier, d’une liste actualisée des produits soumis au contrôle systématique à l’origine, le Royaume resserre encore un peu plus les mailles de son dispositif de régulation des importations.
Loin de se limiter à un simple exercice administratif, cette réforme dessine les contours d’un véritable verrouillage normatif : qualité des matériaux, sécurité des équipements, performance énergétique, compatibilité environnementale. Tout est passé au crible. Chaque produit listé est désormais rattaché à une norme marocaine obligatoire, à un code tarifaire douanier, et à des seuils quantitatifs ou financiers en dessous desquels le contrôle est suspendu. Une architecture qui vise à filtrer les flux sans freiner les petits volumes commerciaux.
En première ligne de ce dispositif, les matériaux de construction. Treillis soudés, armatures pour béton armé, garnitures d’étanchéité ou éléments métalliques pour infrastructures : ces composants structurants sont soumis à des exigences strictes. Le contrôle s’impose dès deux tonnes importées pour les armatures, ou à partir de 5 000 dirhams pour de simples joints toriques. Une granularité qui en dit long sur la volonté d’assurer une qualité irréprochable dans les chantiers publics et privés.
Le secteur de la plasturgie n’est pas épargné. Les films plastiques agricoles, les tubes PVC pour l’irrigation et les tuyaux d’irrigation localisée sont désormais encadrés par des normes de performance et d’endurance. Ici encore, les seuils sont calibrés : 10 000 dirhams suffisent pour déclencher un contrôle sur les films agricoles.
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La montée en puissance des équipements électriques et de l’électroménager sur le marché marocain justifie, elle aussi, une batterie d’exigences. Câbles, fusibles, interrupteurs, appareils de cuisson, réfrigérateurs, climatiseurs : tous doivent répondre à des normes de sécurité, de tenue au feu, de compatibilité électromagnétique, mais aussi de performance énergétique.
La réglementation marocaine, largement alignée sur les standards internationaux (ISO, CEI, EN), impose même une différenciation selon l’usage domestique ou industriel. Les appareils électroménagers, des micro-ondes aux lave-vaisselle, sont ainsi soumis à des normes précises, exigeant un marquage clair pour le consommateur final. Là encore, les seuils financiers ou en unités déterminent l’obligation ou non de fournir un certificat de conformité en amont.
Un champ d’application élargi
Le dispositif s’étend également aux articles d’usage courant, des meubles pour enfants aux ustensiles de cuisine. Les normes visent à prévenir les risques d’accident domestique, d’intoxication ou de migration de substances toxiques. La liste est longue, jusqu’aux luminaires en cristal, contrôlés dès 100 unités ou 10 000 dirhams d’importation.
Les pièces automobiles – freins, embrayages, casques de moto – ne sont pas en reste. Elles font l’objet de normes d’endurance et de résistance mécanique, tout comme les dispositifs domestiques au gaz, du brûleur au chauffe-eau, encadrés pour limiter les risques d’explosion ou de fuite. Même les briquets doivent répondre à des spécifications techniques précises selon leur type et leur usage.
Le secteur du froid et de la climatisation est soumis à une régulation rigoureuse, distinguant les équipements professionnels, domestiques ou mixtes. Les climatiseurs, vitrines réfrigérées et autres groupes de traitement de l’air doivent afficher une performance énergétique conforme aux exigences marocaines, sans négliger les seuils de nuisance sonore.
La subtilité du dispositif réside dans la double exemption : un seuil en unités ou en valeur marchande, au-dessous duquel le contrôle est levé. Une mesure qui permet de fluidifier les petits flux commerciaux, tout en maintenant un haut niveau d’exigence pour les volumes significatifs. Exemple : les accumulateurs au lithium sont contrôlés dès 100 unités ou 5 000 dirhams, les appareils de réfrigération à partir de 20 unités ou 60 000 dirhams.
La réglementation interconnectée
Tout le dispositif repose sur un socle normatif national (NM), étroitement aligné avec les standards internationaux, et articulé autour de deux arrêtés stratégiques : l’arrêté n°2573-14 sur la basse tension, et l’arrêté n°2574-14 sur la compatibilité électromagnétique. Une architecture réglementaire qui impose souvent des normes croisées, comme pour les tuyaux, les gants de protection ou les luminaires, où les prescriptions de sécurité ne prennent sens qu’en combinaison avec d’autres normes de performance.
Pour les importateurs, l’obligation est claire : fournir un certificat de conformité avant expédition, délivré par un organisme agréé. À défaut, les sanctions tombent : suspension des formalités douanières, risque de refus d’entrée, voire destruction des marchandises aux frais du déclarant.
Même les produits exemptés de contrôle à l’origine ne sont pas totalement libres de contraintes. Les autorités se réservent le droit d’activer un contrôle à destination, en cas de doute sur la conformité, de suspicion de fraude ou d’irrégularité documentaire.