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Le Maroc trace sa feuille de route pour une intelligence artificielle éthique et inclusive

Par Hajar Ben Hosain

Alors que l’intelligence artificielle redéfinit les dynamiques économiques et sociales mondiales, le Maroc entend jouer un rôle actif dans cette transformation à travers une stratégie nationale ambitieuse. À travers un rapport de 344 pages, le groupe thématique temporaire sur l’intelligence artificielle, présidé par le député Anouar Sabri vise à combler les lacunes actuelles et à garantir une transition vers une IA éthique et inclusive, en mettant l’accent sur des secteurs clés tels que l’éducation, la santé et l’agriculture.

Remis en mai 2025, le rapport parlementaire marocain sur l’intelligence artificielle dresse, en 344 pages, un état des lieux critique du déploiement actuel de l’IA dans le pays. Il pointe des lacunes structurelles et avance une série de propositions institutionnelles, législatives et sectorielles pour mieux en tirer profit sur le plan socio-économique.

Parmi les recommandations phares du rapport figurent la création d’une autorité nationale dédiée, l’adoption d’un cadre juridique spécifique, ainsi que l’intégration transversale de l’IA dans des secteurs stratégiques comme l’éducation, la santé et l’agriculture.

Dans ce sens, le rapport pointe une absence criante de coordination entre les différents acteurs publics et privés. Chaque ministère ou institution développe ses propres projets en matière d’IA, sans vision d’ensemble. Pour remédier à cette fragmentation, les députés proposent la création d’une Haute Autorité Stratégique de l’Intelligence Artificielle (HASIA). Dotée de pouvoirs réglementaires et budgétaires, cette instance serait chargée de superviser l’ensemble des initiatives publiques et privées, de définir une stratégie nationale alignée sur les Objectifs de Développement Durable, et d’évaluer l’impact socio-économique des projets à l’aide d’indicateurs standardisés.

Le secteur de l’éducation occupe une place centrale dans le rapport, qui met en lumière plusieurs projets pilotes. Parmi eux, l’initiative « Caravane pour tous », portée par le ministère de l’Éducation, vise à sensibiliser à l’intelligence artificielle à travers la formation des enseignants et l’accompagnement des élèves. Son déploiement à l’échelle nationale, prévu d’ici 2027, pourrait concerner jusqu’à 625 000 bénéficiaires, contre 74 880 en 2023.

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En outre, dans l’académie de Draâ-Tafilalet, des algorithmes de prédiction du décrochage scolaire ont été testés en s’appuyant sur les bases de données Massar, SAGE+ et GEXA+. Ces outils permettent d’anticiper les performances des élèves, d’identifier ceux à risque de décrochage et de renforcer les taux de réussite aux examens. Les résultats encourageants enregistrés ouvrent la voie à une généralisation de l’initiative à l’échelle nationale.

Le rapport alerte toutefois sur plusieurs écueils majeurs. La fracture numérique reste préoccupante, avec seulement 34 % des ménages ruraux ayant accès à une connexion Internet haut débit. Autre obstacle ; le manque de formation des enseignants, dont moins de 20 % maîtrisent les outils numériques de base.

Dans le domaine de la santé, le Maroc expérimente déjà des systèmes d’IA appliqués à l’imagerie médicale, permettant de réduire les délais de diagnostic de 40 % dans certains hôpitaux pilotes. Le rapport recommande de généraliser ces technologies aux centres de santé ruraux, en les associant à des plateformes de télémédecine. Pour accompagner cette transition, il suggère la création d’un fonds d’innovation sanitaire doté de 200 millions de dirhams.

Face au stress hydrique chronique, le rapport préconise le recours à des capteurs intelligents et à des systèmes d’irrigation pilotés par intelligence artificielle. Des tests menés sur des parcelles céréalières dans la région du Saïs ont permis de réaliser une économie d’eau de 30 %, tout en améliorant les rendements agricoles de 12 %. Les députés recommandent également la création d’un observatoire agricole national, alimenté par des données satellitaires et des capteurs IoT, afin d’anticiper les crises climatiques.

En revanche, le rapport souligne l’importance de contrôler les jeux de données utilisés pour entraîner les modèles d’IA, en particulier dans des domaines sensibles comme le recrutement ou l’accès au crédit. Une étude citée révèle que 67 % des algorithmes testés au Maroc présentaient des biais de genre ou socio-économiques. Pour remédier à cela, la HASIA serait chargée de certifier les modèles avant leur déploiement, sur la base d’audits réalisés par des tiers indépendants.

Dans cette dynamique, le rapport évalue les besoins financiers à 5 milliards de dirhams sur cinq ans, combinant fonds publics, investissements privés et coopération internationale. Le Maroc pourrait ainsi envisager des partenariats avec l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon Africa 2030, ou avec la Banque mondiale via son initiative Digital Moonshot for Africa.

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