Le retour du bilatéralisme

Par Charles Saint-Prot*

Doit-on parler de retour quand il est clair que le bilatéralisme a toujours prévalu dans les relations internationales ? Il est, en effet, indéniable que ni les États-Unis, ni la Chine, ni la Russie, ni la Grande-Bretagne n’ont jamais cédé aux mirages trompeurs et aux théories farfelues des internationalistes, mondialistes et autres adeptes européistes de la démission nationale. Il n’y a guère que M. Macron pour croire encore à l’inepte mythe européiste qui perd, chaque jour, plus de consistance (surtout depuis le Brexit), n’est qu’une idéologie opposée au réel et un leurre destiné à camoufler l’exercice de l’hégémonisme allemand sur cette toute petite partie du continent.

En tout cas, les vieilles nations ne sont pas dupes et elles veillent, comme le Maroc ou la Grande-Bretagne, à défendre, d’abord, leurs intérêts et à diversifier leurs partenaires. C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser la nouvelle diplomatie marocaine, notamment à l’égard de l’Union européenne. Le 6 novembre 2021, le Roi Mohammed VI a adressé un message ferme aux pays européens, à l’occasion de son discours commémorant le 46e anniversaire de la Marche verte qui permit au Royaume de récupérer ses provinces du Sud au Sahara marocain (provinces considérées par le peuple marocain comme l’Alsace-Lorraine du Royaume). Ce discours intervenait après que le Tribunal de l’Union européenne, saisi par le clan pro-algérien qui a recours à l’activisme judiciaire, eut rendu une nouvelle décision d’annulation des accords agricoles conclus entre le Maroc et l’ensemble européen.

Stigmatisant la décision de l’instance judiciaire européiste, le Roi a de facto condamné l’ambivalence de l’Union européenne sur la question du Sahara marocain. Quitte à remettre en cause les liens commerciaux avec l’Union (qui d’ailleurs pourraient être compensés par les relations avec la Russie représentée par son ministre des Affaires étrangères au Forum russo-arabe de Marrakech, le 15 décembre 2021, les États-Unis ou l’Afrique), il a exigé de la clarté et la sortie de l’ambiguïté qui sera aggravée par le nouveau gouvernement allemand, rassemblant les socialistes et les écologistes favorables aux thèses séparatistes (c’est d’ailleurs une représentante des écologistes qui est ministre des Affaires étrangères) ainsi que par le régime socialo-gauchiste espagnol où Podemos poursuit un activisme éhonté en même temps que les alliés séparatistes du régime Sanchez (en premier lieu les Catalans) ont des positions favorables à Alger.

→ Lire aussi : OMC : La Chine autorisée à imposer des sanctions tarifaires aux Etats Unis

Mais le Maroc est bien conscient que les membres de l’Union européenne ne peuvent parler d’une même voix tant les dissonances entre le Conseil de l’Europe, la commission, le Parlement européen et le pouvoir judiciaire sont évidentes. Sans compter les positions contradictoires des uns ou des autres (la Suède, l’Espagne et l’Allemagne étant dans le camp séparatiste, les pays de l’Europe centrale (en particulier le groupe de Visegrad) plus proches du Maroc et la France de Macron, essayant maladroitement de ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire tenter d’être l’amie, à la fois, du diable et du Bon Dieu. Certes, la France a fait en sorte qu’un recours soit déposé devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour casser l’arrêt du tribunal du 19 septembre, mais il est impossible de prévoir quelle sera la réaction de cette Cour trop souvent animée par l’idéologie militante la plus blâmable.

En tout cas, il appartiendra à chaque pays de prendre ses responsabilités en reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara, ce que ne peut d’ailleurs faire l’Union européenne qui n’a pas cette prérogative. Le Maroc attend clairement des États amis (ils sont majoritaires) au sein de l’Union européenne qu’ils prennent la même décision que les États-Unis et la trentaine de pays qui ont ouvert des consulats au Sahara marocain. Ce serait la moindre des choses compte tenu des efforts considérables faits par le Royaume pour mettre ces régions en valeur et veiller au développement de leur population, d’une part, et être un facteur d’équilibre et de stabilité dans une région agitée. Faut-il rappeler que le Royaume est aussi un allié de premier plan dans la lutte contre le terrorisme ?

On voit bien l’impasse où conduit une politique européiste irréaliste et déconnectée du réel. Pour la France, il est grand temps d’en tirer les conséquences comme a su le faire la Grande-Bretagne. En tout cas, qui pourrait imaginer le général de Gaulle faire du mythe européiste l’alpha et l’oméga de sa diplomatie ?

*Géopolitologue,

Directeur général de l’Observatoire d’Etudes géopolitiques de Paris

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