« LE SEXE NIÉ. FÉMINITÉ, MASCULINITÉ ET SEXUALITÉ AU MAROC », un ouvrage signé par Osire Glacier

À propos de la collection Kayna

Les femmes ont osé, et osent de plus en plus, exister pleinement dans le monde, notamment en prenant le contrôle de leurs corps, en développant leurs connaissances et en les mettant au service des sociétés à travers les âges. Au Maghreb, nombreuses sont les femmes militantes et ce, bien avant les colonisations comme Fatima El Fihri à Fès, fondatrice de l’Université de la Karaouine la plus ancienne université du monde, Aziza Othmana en Tunisie qui a légué une oeuvre encore célèbre, Djamila Bouhired qui fait partie des six femmes « condamnées à mort pour des actes terroristes » pendant la guerre d’indépendance… Sans oublier toutes ces femmes qui ont vécu l’occupation coloniale, celles qui ont activement participé à la résistance et à l’indépendance de leurs pays.

Les femmes sont là, présentes, solidaires, vigilantes et en force dans les trois pays du Maghreb. Elles sont aussi menacées au niveau de leurs droits par la montée de l’islamisme radical. Mais avant tout elles existent, d’où le titre de cette nouvelle collection Kayna, dédiée aux écrits de femmes du Maghreb, et qui signifie : Elle existe.

Bahaa Trabelsi, directrice de la collection Kayna

À propos du livre

Le Sexe nié est le fruit d’une longue réflexion portant sur l’infériorisation des femmes au Maroc en particulier, et dans la quasi-totalité des sociétés humaines en général.

Osire Glacier y examine comment les thèmes du corps, du féminin, du masculin et du sexuel sont établis et véhiculés par le langage, les médias, la littérature et les textes de loi dans le Maroc post-indépendant. Elle souligne également des survivances de l’ordre patriarcal dans les langues française et anglaise ainsi que dans l’imaginaire du cinéma de Hollywood.

Ce livre se donne donc pour objectif de dévoiler les dynamiques produisant la dépréciation du sexe féminin dans l’ordre patriarcal basé sur le principe du primat de la masculinité, avec son corollaire : l’exploitation sociale, politique, économique et sexuelle des femmes. En conclusion, il avance des solutions concrètes visant à réhabiliter leur dignité.

Quelques extraits…

… de l’introduction

Ce livre est le fruit d’une longue réflexion portant sur l’infériorisation des femmes au Maroc en particulier, et dans la quasi-totalité des sociétés humaines en général. Rappelons à ce propos que selon les études quantitatives du Forum économique mondial, le Maroc se classe 139e sur une liste de 145 nations en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. De plus, l’égalité des sexes n’est atteinte dans aucun pays du monde. Aussi la présente étude se donne-t-elle pour objectif de dévoiler les dynamiques produisant la dépréciation du sexe féminin avec son corollaire : l’exploitation sociale, politique, économique et sexuelle des femmes. Ce faisant, elle expose le rôle central joué par l’écriture sociopolitique du corps, de la féminité et de la masculinité dans la hiérarchisation des sexes d’une part ; et elle élucide la fonction assurée par la sexualité dans la concrétisation, la stabilisation et la pérennisation de cette hiérarchisation d’autre part.

… du chapitre I : UN CORPS NIÉ

En ce qui concerne l’ordre patriarcal, sa production est double : il produit un masculin associé à la domination, l’agressivité et la violence ; et inversement, un féminin associé à la soumission, la passivité et la douceur. En d’autres termes, il produit des femmes et des hommes, et donc ultimement il donne naissance à deux groupes sociaux distincts, d’autant plus distincts qu’un différentiel de pouvoir et de privilèges est associé à leur citoyenneté. Il produit également une conception particulière du pouvoir. Ce pouvoir est sexué et sexualisé, c’est-à-dire qu’il est à la fois pouvoir masculin et pouvoir dont l’expression ultime est l’appropriation sexuelle du corps féminin.

… du chapitre II : UN INTELLECT NIÉ

Rappelons que d’après le mythe de la Création, la femme aurait été créée à partir de l’autre, et pour l’autre. Naturellement tournée vers l’autre, elle en serait dépendante. Aussi elle chercherait de façon innée à séduire, à plaire et à manipuler pour être aimée et désirée. Or, en étant aussi frivole, elle n’aurait pas les aptitudes pour comprendre le monde dans toute son envergure. Elle ne serait pas non plus capable de penser et de raisonner. Ainsi conçu, le féminin serait dépourvu d’un intellect, c’est-à-dire de l’agentivité, de la capacité de raisonner et de l’aptitude à appréhender le monde. En outre, les mythes relatifs aux fœtus réitèrent cette négation de l’intellect féminin. Si le fœtus féminin était engourdi dans les abîmes énigmatiques de la conception, c’est parce qu’il n’opposerait aucune résistance à son environnement. Certes, il s’agiterait parfois. Cependant, ses élans seraient trop faibles pour avoir un quelconque impact sur le monde.

… du chapitre III : UNE VIE NIÉE

Assurément, le travail sociopolitique continu d’éducation, d’endoctrinement, de propagande et de dressage des corps est tellement intrusif qu’il est censé inculquer les principes, perceptions, comportements et appréciations de valeurs de l’ordre masculin aux enfants et aux jeunes adultes. Amputant leur potentiel humain, cet ordre les réduirait ainsi aux catégories du féminin et du masculin, prêts à jouer à la maturité leur rôle sociopolitique de femme et d’homme. Mais la vie garde toujours une dimension imprévisible. Des individus refusent de se plier à ces catégories et aux rôles qui leur sont assignés, ou encore à certaines responsabilités associées à ces rôles. C’est là qu’intervient la loi, telle que légitimée par les interprétations masculines de la religion. Elle précipite dans l’illégalité tout individu qui refuse de se soumettre à l’ordre masculin.

… de la conclusion

Tel que le présent ouvrage l’a exposé, violences physiques et symboliques récurrentes, souffrances aiguës, aliénation et perte de soi sont le lot quotidien de la quasi-totalité de la population féminine.  Il y a aussi un prix à payer pour les hommes. Le masculin se définit par rapport au féminin. Donc, l’un et l’autre sont aliénants, quoique différemment. Certes, à toutes les étapes de la vie, les hommes ont plus de liberté, d’autonomie personnelle,  de possibilités de se réaliser et de privilèges. Mais les construits de la féminité et de la masculinité n’en constituent pas moins une entrave aux choix identitaires éclairés des hommes,  surtout durant l’enfance et l’adolescence où les jeux de rôle sociopolitiques s’imposent comme une évidence, et par conséquent toute différence est vécue comme une anomalie à dissimuler.

À propos de l’auteure

La maroco-canadienne Osire Glacier est professeure d’histoire et de sciences politiques à l’Université Bishop’s (Sherbrooke, Canada) ; chercheure se spécialisant dans les droits humains, l’histoire des femmes et la politique du genre et de la sexualité au Maroc ; et auteure de plusieurs livres dont Féminin, masculin : photos d’affiches publicitaires (Montréal : M. Éditeur, 2019) ; Femmes, Islam et Occident (Montréal : Pleine Lune, 2018) ; Les Droits humains au Maroc : entre discours et réalité (Casablanca : Tarik, 2015) ; Des femmes politiques au Maroc : d’hier à aujourd’hui (Casablanca : Tarik, 2013).

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