Le temple du capitalisme en perdition

Gabriel Banon

Quelque chose ne tourne plus rond au Royaume du capitalisme. En vingt ans, le nombre de sociétés cotées a diminué de 50% à Wall Street. Si les indices américains continuent à battre des records, la capitalisation totale de progresser malgré les crises successives, de moins en moins de sociétés font le pari de lever des capitaux à Wall Street.

Les nouveaux géants américains de la technologie dominent toujours de très loin, le classement des plus grandes entreprises cotées. Mais les retraits de cote se font chaque année de plus en plus nombreux. Les entreprises préfèrent, aujourd’hui, la tranquillité des marchés du «private equity ». Les investisseurs hors bourse sont moins obsédés par le court terme et la rémunération immédiate. Même une grande société connue comme Tesla cherche, aujourd’hui, les moyens d’abandonner la Bourse.

Comment peut-on expliquer ce qui semble devenir une vague de fond? Il y a plusieurs raisons à cette situation qui paraît être une réelle mutation dans la recherche des capitaux.

Le grand nombre de fusions-acquisitions des deux dernières décennies a évidemment contribué à appauvrir la cote. Les concentrations d’entreprises, devenues plus grosses et plus dominantes, le durcissement de la réglementation, ont bien sûr joué un rôle important. Les scandales Enron, WorldCom ou Lehman Brothers ont obligé les régulateurs à durcir les conditions d’introduction et de contrôle des entreprises. Cela n’a pas été fait pour encourager les candidats à la Bourse. En fait, la Bourse de New-York est devenue une vraie jungle où il ne faut plus se risquer.

La façon dont les marchés ont évolué cette dernière décennie, les crises successives, la complexité et fragmentation que sont devenues les filières boursières, ont fait partir plusieurs sociétés dont le management voulait se consacrer plus au développement et à la rentabilité de l’entreprise, qu’à la défense de la cote de leurs actions à la corbeille.
Les conséquences sont là, aujourd’hui. Une Bourse qui se vide est une Bourse qui meurt. Financer la croissance va devenir de plus en plus difficile pour les petites et moyennes entreprises en développement. C’est les institutions financières à capital-risque qui vont en profiter, mais à quel prix pour l’entrepreneur ?

Les investisseurs, n’ayant plus le choix des titres que leur donnait la Bourse, vont se tourner davantage vers la gestion passive. C’est le placement des capitaux disponibles qui est en cause, en fait l’un des piliers du capitalisme. Hong Kong (3485 sociétés cotées) et Shanghai (1041sociétés), après avoir subi des baisses spectaculaires des indices, baisse due à la crise des subprimes, résistent aujourd’hui mieux que celles de l’Occident, pour l’année 2017, du fait des introductions des entreprises chinoises et du dynamisme de l’économie de la région.

Il est difficile actuellement de porter un jugement sur l’évolution du nombre des sociétés cotées sur les places de Paris (650), Londres (2736) et Berlin (720), du fait de l’incertitude créée par le Brexit. Cependant, on constate le même désamour en Europe. Le nombre des sociétés cotées a fondu de 20% en 2017. La place de Paris a enregistré la sortie de la cote de pas moins de 33 entreprises, pour la seule année 2017.

Qu’en est-il à la Bourse de Casablanca ? Cela est une autre histoire qui mérite qu’on lui consacre une chronique « exclusive ».

Les responsables devront se poser régulièrement la question : une Bourse, pourquoi faire ? Quelle réponse apporter aux besoins de financement des entreprises en développement ? Quel rôle doit jouer la Bourse marocaine dans le développement du pays et la croissance de son modèle économique ?

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