Les 39 jours qui ébranlèrent l’Algérie

Hassan Alaoui

Du 22 février au 2 avril derniers, il s’est passé quelque 39 jours qui ébranlèrent l’Algérie. Un mouvement contestataire est né les 16 et surtout 22 mai, s’est enclenché et répandu comme un feu incendiaire ; il a tout emporté sur son passage.

Quelque chose d’inouï dont personne n’a pu soupçonner ni la nature ni l’ampleur. Au moment où nous rédigeons ces lignes, rivés aux sites et agences qui distillent une information abondante et des commentaires prolixes, rien n’est moins sûr que le verdict définitif et arbitraire que d’aucuns croient exprimer : la fluidité des informations contradictoires, mélange de fake-news et de contre-vérités, nous incline à la prudence.

L’image piteuse du président Bouteflika – on devrait dire de l’ex-président – accoutré d’une gandoura, en train de remettre sa démission au président du Conseil constitutionnel, ne nous réjouit guère d’une fin si accablante que la dernière scène imprime à son départ. Il est vrai qu’on ne choisit pas sa chute : autrefois un Nicolae Ceausescu en Roumanie, le Shah Pahlevi en Iran, Mobutu Sessé Seko au Zaïre, Salazar au Portugal, Ben Ali en Tunisie , Mengistu Hailé Mariam en Ethiopie et autres, avaient été victimes de leur propre arrogance et surtout de leur égotisme pour ne pas se rendre en fin de compte que la chute est la rançon que fait payer le peuple aux dictateurs.

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Jusqu’à la dernière minute, Bouteflika aura jeté d’un revers de main et méprisé cette règle. Le comble c’est que son homme de confiance, son « alter ego » militaire, le général Gaïd Salah considéré jusque là comme le fidèle des fidèles, lui a servi le calice et lui a assené le coup de grâce. Le complicité entre les deux hommes a vite été rompue depuis quelques jours quand le vice-ministre de la Défense, connétable chamarré, a exigé publiquement le recours à l’article 102 de la Constitution pour destituer le président affaibli et s’est réclamé de l’autre article, le 7 notamment, concernant la « souveraineté du peuple algérien » qu’il en entend séduire et amadouer dans son opération de conquête du pouvoir.

Abdelaziz Bouteflika a aimé le pouvoir et n’entendait nullement le lâcher. Il pensait – et tout l’y conduisait dans ce sens – le garder ad vitam aeternam alors que sous ses pieds se dessinait et se creusait le gouffre d’une rupture avec le peuple, et que grossissait aveuglement le poids des Apparatchiks autour de lui, une « bande mafieuse » que dénoncera sans ambiguïté Gaïd Salah, mardi 2 avril dans une réunion aux couleurs de guerre tenue avec son état-major au complet. La pathétique cérémonie de départ de Bouteflika a signé, disons acté la fin d’un règne sans partage de 20 ans exercé par une sorte de thaumaturge. Dès les premières sorties publiques, dans certaines régions, après son élection en 1999, flatteur et populiste notoire, il s’en prenait au Maroc, reprenait le refrain des ses prédécesseurs, Boumediene et même Ben Bella. C’était son fonds de commerce.

Nous avions , à tort ou à raison, nourri l’espoir qu’à son arrivée au pouvoir, les choses changeraient afin de mieux asseoir une relation normalisée entre le Maroc et l’Algérie. Le Roi Mohammed VI a même effectué le voyage de rapprochement à Alger en 2006. Rien n’y a fait, Bouteflika, délibérément ou victime des pressions des « décideurs » de l’ombre comme aimait à les appeler feu Mohamed Boudiaf, a préféré jouer sur le statu quo de l’hostilité, gardant fermées les frontières , torpillant l’UMA et brisant l’espérance des peuples marocain et algérien. On ose espérer , en tout état de cause, que la nouvelle donne – cette immense fresque joyeuse que nous offre la jeunesse algérienne – puisse intégrer le projet de normalisation dans la région et nous ouvrir de nouvelles perspectives.

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