Les caïds : une fonction essentielle en quête de reconnaissance
Dans les coulisses de l’administration territoriale, les caïds portent à bout de bras la stabilité et la gestion quotidienne des affaires locales. Pourtant, face à l’absence de revalorisation salariale, un malaise profond s’installe. Invisibles dans les débats publics, ces agents de l’autorité travaillent dans le silence, souvent au prix de leur bien-être, avec le sentiment croissant que leur dévouement n’est ni reconnu ni soutenu.
Sur le terrain, les caïds, pachas et chefs de cercle incarnent l’État au plus près des citoyens. Ils veillent au maintien de l’ordre, à la coordination des services publics et à la gestion quotidienne des affaires locales. Pourtant, derrière ce rôle central se dissimule un profond malaise : celui d’un corps engagé, mais insuffisamment valorisé.
Le manque de reconnaissance salariale pèse lourdement sur ces agents. Ils exercent des fonctions exigeantes, souvent dans des contextes complexes, nécessitant une disponibilité permanente, une vigilance constante et une capacité d’adaptation à toutes sortes de situations, allant de la gestion des crises à la médiation sociale. Pourtant, leur rémunération reste figée, en décalage avec la réalité du terrain.
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Ce sentiment d’injustice est aggravé par l’impossibilité pour ces agents de faire valoir collectivement leurs revendications. Leur statut particulier les prive du droit de se syndiquer ou de protester ouvertement. Résultat : un isolement croissant, où les frustrations s’accumulent sans trouver d’exutoire. Beaucoup redoutent que cette situation finisse par altérer leur implication ou leur capacité à remplir pleinement leurs missions.
Un caïd en poste dans la région de Guelmim, qui préfère garder l’anonymat, confiait à Maroc Diplomatique : « Ici, nous sommes le lien direct entre l’État et la population, souvent dans des conditions difficiles, avec peu de moyens et une pression constante. Malgré cela, notre salaire ne suit pas, et cela crée un profond sentiment d’injustice ».
La démotivation commence déjà à se faire sentir chez certains, qui peinent à trouver un sens à leur engagement dans un contexte où leur dévouement n’est ni reconnu ni accompagné. La lassitude s’installe peu à peu, alimentée par l’écart entre l’ampleur des responsabilités assumées et la stagnation des perspectives salariales. Ce déséquilibre menace à terme l’efficacité des services de proximité, pourtant essentiels à la stabilité sociale et administrative du pays. Les agents d’autorité ne réclament pas des privilèges, mais une reconnaissance à la hauteur de leur rôle. À l’heure où l’État se veut proche des citoyens et attentif aux enjeux territoriaux, ignorer le mal-être de ses agents serait une erreur stratégique. Revaloriser leur statut, c’est aussi renforcer l’État dans ses fondations les plus concrètes : le terrain.